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Dr Issiaka Tiendrébéogo, maître-assistant : « Les hommes de culture font vraiment de leur mieux pour que le Burkina Faso puisse vivre en paix »

Publié le dimanche 31 octobre 2021 à 23h15min

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Dr Issiaka Tiendrébéogo, maître-assistant : « Les hommes de culture font vraiment de leur mieux pour que le Burkina Faso puisse vivre en paix »

Sylvie-Chalaye est une association qui s’est donné pour mission principale de promouvoir et de défendre les valeurs culturelles burkinabè et l’intégration sociale. Cela se fait à travers des activités de diverses formes, dont des universités d’été. Pour en savoir davantage sur cette organisation, nous avons tendu le dictaphone à son directeur, Dr Pingdwendé Issiaka Tiendrébéogo, maître-assistant en études théâtrales à l’université Joseph-Ki-Zerbo. Entretien !

Lefaso.net : Pouvez-vous nous présenter, un peu plus, votre association ?

Dr Pingdwendé Issiaka Tiendrébéogo : L’association culturelle Sylvie-Chalaye est, comme toutes les autres associations, régie par la loi 64-CNT-2015. C’est une association apolitique, non-confessionnelle et à but non-lucratif. Elle a pour mission principale de valoriser les arts et la culture au Burkina Faso. C’est depuis 2017 que nous avons commencé nos activités à travers la formation de personnes en techniques de prise de parole, en jeu d’acteur et dans beaucoup d’autres choses. Il y a quelques mois de cela, nous avons commencé ce qu’on appelle les « universités d’été » qui constituent une activité majeure pour l’association.

Justement, à quoi répondent ces universités d’été ?

On a vu qu’au milieu des arts du spectacle, il y a une floraison des arts du spectacle qui se passent en ville, au CENASA, à l’Institut français, à l’Atelier-théâtre burkinabè (ATB), à l’espace Gambidi, au théâtre Soleil, etc. Mais au-delà de tout ça, nous avons remarqué que l’aspect réflexion manquait. Ce qui nous a poussé à mettre en place un comité d’organisation, qui nous ainsi permis d’organiser notre première édition dont le thème était « La place des arts dans le dialogue inter-religieux au Burkina Faso ».

C’était en 2018. Il y avait l’extrémisme violent qui était en train prendre de l’ampleur. Nous avons vu des mariages inter-religieux où c’était compliqué. Donc, nous avons invité des spécialistes qui ont échangé sur le sujet. Pour la deuxième édition, nous nous sommes intéressés à la relance du secteur culturel dans le contexte de Covid-19.

Nous avions d’ailleurs écrit un article qui est paru le 25 avril sur Lefaso.net et qui avait connu une grande audience auprès des internautes et des lecteurs. A partir de là, nous nous sommes interrogés, et ce n’est pas pour nous jeter des fleurs, une structure a parlé de ça et c’est à partir de cela que le président du Faso et le gouvernement ont décidé d’octroyer la somme d’un milliard de francs CFA aux artistes. Nous avons salué l’action et nous avons trouvé que c’était bien et que le gouvernement pouvait faire un peu plus.

Vue partielle de participants aux universités d’été 2021

Si vous avez suivi le discours du Premier ministre, il a dit qu’on était à la croisée des chemins et le secteur dans lequel il pouvait dire que ça allait, c’était le secteur de la culture. Paradoxalement, c’est ce secteur qui vend bien le Burkina Faso et c’est ce secteur qui est le parent pauvre de tous les ministères au Burkina. De 1960 à 2020, le budget de ce ministère n’a jamais atteint 1% du budget national. Donc, c’est là nous avons aussi interpellé, en tant qu’association, les autorités à s’intéresser au financement de la culture. Quand on parle du SIAO, du FESPACO… où vraiment c’est une vitrine du Burkina Faso, nous voyons qu’il y a plein de difficultés.

Enfin, pour 2021, nous avons travaillé sur le thème « Culture et cohésion sociale ». Ce thème aussi voulait s’interroger sur comment la culture peut être un facteur de cohésion sociale. Nous savons que nous avons une soixantaine d’ethnies. Qui dit soixantaine d’ethnies dit soixantaine de différences. Mais ces communautés arrivent à vivre ensemble, en bonne intelligence. Si on prend le cas où un Bissa lance des invectives à un Gourounsi et un Samo lance des invectives à un Mossi, ce sont des facteurs de cohésion sociale.

Ce thème a vraiment été très bien traité par des chercheurs aguerris comme le Pr Mahamadé Savadogo, Pr Prosper Kompaoré, qui était même le parrain artistique de la cérémonie, le Pr Yves Dakuyo qui est le président du conseil scientifique. Il y a eu le Dr Jacob Yarabatioula, le Dr Moumouni Zoungrana qui est spécialiste de la littérature orale. Il y a eu deux chefs : le Naaba Boalga de Dawelgué et le Doumim-naaba de Ouargaye. C’est une sélection de gens qui ont apporté vraiment beaucoup d’informations aux participants, que nous avons estimés entre 400 et 500 personnes.

C’est pour dire que c’est une association qui travaille pour le développement du secteur de la culture, pour le développement du Burkina Faso. Quand nous posons le diagnostic, nous voyons que les hommes de culture, les artistes, les écrivains font vraiment leur mieux pour que le Burkina Faso puisse vivre en paix. C’est souvent le politique qui vient jouer les trouble-fête.

C’est pourquoi, nous interpellons ces politiques-là, à savoir raison garder et à accompagner pour que nous puissions avoir la paix au Burkina Faso, afin de pouvoir travailler. Nous ne sommes pas contents quand on voit comment les diplomaties internationales sont en train de peindre la carte du Burkina Faso.

Le thème de vos universités d’été cette année, c’était « Culture et cohésion sociale ». La culture peut-elle vraiment être une solution au problème d’insécurité que connaît le pays ?

Quand vous voyez le terrorisme au Burkina Faso, à un moment donné, ce sont des frères qui ont pris des armes contre leurs frères. Le Burkina Faso n’est pas un Etat-Nation. C’est pour dire, est-ce que Burkinabè, les gens sont fiers de l’être ? Donc, déjà il faut qu’on fasse un travail pour que le jeune qui se trouve à Gorgadji ou à Mangodara puisse se sentir Burkinabè. Mais comment ces jeunes-là peuvent se sentir Burkinabè ?

Dr Tiendrébéogo (deuxième à partir de la gauche) et quelques-uns de ses invités aux universités d’été 2021

C’est que l’Etat travaille à l’ancrage des administrations publiques dans ces zones. Si vous parcourez une zone où vous faites 100 kilomètres avant de voir une administration publique, à un moment donné, les gens se sentent délaissés. Donc, ils n’ont pas ce sentiment vraiment d’appartenir à une nation. Si ce travail n’est pas fait, c’est très facile de venir et de convaincre quelqu’un de venir prendre 200 000 ou 300 000 francs CFA pour prendre les armes contre ses frères.

C’est pourquoi, nous sommes convaincus que la culture peut effectivement aider à cette cohésion sociale, si vraiment les autorités en charge de nous gouverner acceptent effectivement de jouer leur partition. Il suffit d’aller reconquérir ces zones et mettre des administrations publiques. Il faut que les enfants puissent aller à l’école. Une fois que les gens n’auront pas le sentiment d’être Burkinabè, c’est assez difficile. Souvent, on se demande réellement les intentions de ces gens. Mais, si on va vraiment analyser de manière sociologique, on verra que c’est un sentiment d’abandon, à mon avis, qui fait que les gens sont frustrés.

Et un homme, s’il est frustré, est capable de beaucoup de choses. En traitant le thème « Culture et cohésion sociale », c’est une interpellation. Et pour reprendre des mots du Pr Mahamadé Savadogo, il faut qu’on travaille à une paix civile. Si nous n’avons pas la paix civile, ça va être difficile de parler de développement et à l’heure actuelle, nous pouvons dire qu’au Burkina Faso, il y a effectivement un manque de paix civile. Et ce manque de paix civile nous conduit là où nous sommes, c’est-à-dire dans le précipice.

Au-delà de vos universités d’été, quelles autres activités mène votre association ?

Il faut dire qu’au-delà de ces universités d’été, nous sommes aussi sur le terrain, parce que l’association a une troupe de théâtre et que cette troupe est animée par des jeunes amateurs et quelques professionnels. Nous avons fait plusieurs représentations qui vont aussi dans le sens de la paix.

Nous savons que l’ONG Oxfam nous avait commandité un spectacle sur paix et sécurité. Au niveau des Nations-unies, ils pensent à la jeunesse et à la paix et à la sécurité. Une fois qu’on arrive à encadrer ces jeunes et qu’ils ont du travail, ils ne vont pas aller faire d’autres choses. Ils ne seront pas dans l’oisiveté.

Donc, nous avons fait un spectacle qui sensibilisait la jeunesse sur les violences, leur propre sécurité. Nous avons monté ce spectacle qui a été bien joué et qui a permis de toucher la population. En plus de cela, nous avons eu la chance d’accompagner la CENI (Commission électorale nationale indépendante) pour les élections. Cela nous a permis de sensibiliser les gens pour dire que voter est un devoir citoyen. Voici des actions comme cela de sensibilisation que nous menons pendant l’année. Et c’est pendant les vacances que nous menons nos universités d’été.

Pour la IVe édition, nous avons trouvé une innovation majeure. Comme nous sommes dans le domaine du théâtre dans le domaine de la culture, nous avons remarqué qu’il y a une raréfaction des pièces dramaturgiques. Pour inciter la jeunesse à écrire, nous avons lancé un prix que nous avons appelé « Prix Prosper Kompaoré pour le théâtre en Afrique ».

Ce prix-là va, chaque année, primer cinq auteurs. Cela va amener les gens à écrire sur des thèmes qui peuvent sensibiliser. Pourquoi le prix Prosper Kompaoré ? Parce que c’est une personne qui nous donne beaucoup d’inspiration. Et à un moment donné, il faut que nous rendions des hommages anthumes aux gens pour que la société puisse savoir ce que ces gens ont apporté pendant toute leur vie dans le domaine culturel.

Donc, c’est unanimement que la commission a accepté que nous puissions lancer ce prix. C’est le lieu aussi pour nous de dire que nous sommes ouverts. S’il y a des personnes qui peuvent nous accompagner ; parce que non seulement ces œuvres seront primées, mais nous aimerons également les éditer. L’édition coûte cher et s’il y a une maison d’édition qui peut nous accompagner en nature ou en espèces pour que nous puissions encourager ces jeunes-là afin que demain nous ayons un vivre-ensemble plaisant au Burkina Faso, nous sommes ouverts.

Comment devenir membre de votre association ?

Il faut dire que l’association est ouverte. Toutes nos activités sont gratuites. L’adhésion est libre, nous avons une administratrice. Il suffit seulement d’entrer en contact avec nous pour avoir les quelques éléments à fournir, notamment une photo pour l’adhésion et vous pourrez suivre toutes les activités de l’association. C’est une joie d’accueillir des gens qui aimeraient apporter leurs contributions au secteur culturel.

Un dernier mot ?

Nous remercions toute l’équipe de Lefaso.net, qui est vraiment un média très suivi et pour la qualité du travail qu’il fournit. De plus en plus, les gens nous appellent, nous avons aussi une page Facebook par laquelle les gens nous écrivent. Quelque part, c’est le travail que nous faisons, qui fera que la société nous légitime. Et cette légitimation de la société va nous permettre d’aller encore plus loin. Seul on va vite, mais ensemble, on va plus loin. Et donc, qu’ensemble, on puisse aller plus loin pour le bonheur du Burkina Faso. Et c’est cela qui nous tient à cœur.

Entretien réalisé par Justine Bonkoungou

Lefaso.net

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