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Burkina Faso : La mare aux crocodiles sacrés de Bazoulé se meurt

Publié le mercredi 14 avril 2021 à 14h11min

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Burkina Faso : La mare aux crocodiles sacrés de Bazoulé se meurt

Bazoulé et sa mare aux crocodiles sacrés, autrefois l’une des principales attractions du tourisme burkinabè, se meurent. A seulement moins de 30 km de Ouagadougou. Des images montrant des crevasses et de tas de sables, publiées le dimanche 11 avril 2021, ont indigné plus d’un sur la toile. Presque rien n’est fait au niveau local pour sauver la mare qui tarit et qui se vide du fait des maraichers et autres utilisateurs d’eau.

« Bazoulé sans sa mare aux crocodiles sacrés sera un souvenir ». La chute de la publication sur Facebook de Pierre Michaillard, consultant en coopération décentralisée, montre à souhait l’urgence du cas Bazoulé. Pour ce grand ami du Burkina, des décisions sérieuses doivent être prises comme confier le réaménagement de la mare à des spécialistes aidés par des zoologistes. Il faut donc selon lui des décisions sérieuses. Ces décisions tardent et c’est toujours le même spectacle désolant qui est servi sur la toile entre mars et mai.

Les habitants utilisent l’eau des boulis pour le maraîchage

Ce lundi 12 avril, assis sous un hangar, des jeunes discutent. Il s’agit pour la plupart de guides touristiques. Un sujet semble être sur les lèvres à notre arrivée dans le village. Il s’agit de la situation catastrophique de la mare, décrite par la page Facebook « Site touristique de Bazoulé », la veille. Qui est-ce-qui est à l’origine de cette publication ? A cette question, les guides touristiques n’en savent rien. Mais une chose est certaine, la situation décrite est belle et bien réelle.

« Ce n’est pas sérieux »

En cette période de l’année, l’état de la mare ne donne pas envie de trainer dans les environs. En y descendant, on voit des briques en terre, des trous et du sable. Depuis l’année dernière, les marchands de sable prospèrent dans la localité. La ruée vers le sable est l’une des principales activités auxquelles les jeunes s’adonnent devant le regard impuissant ou le silence presque coupable des guides. « Ceux qui vendent le sable sont des enfants du village qui n’ont pas d’activité. Ils cherchent aussi leur pain. Il faut qu’on essaye de leur interdire de racler le sable. Ce n’est pas sérieux et ça dégrade la mare », indique Prosper Kaboré, responsable des guides.

Prosper Kaboré, responsable des guides

Trois boulis réalisés, un forage en panne

Il y a trois boulis dans la mare. Le tout premier bouli a été réalisé par les Engagement nationaux en 2006 lorsque la mare a commencé à présenter une mauvaise mine. Les deux autres boulis ont été réalisés par le ministère en charge de l’environnement. Tous ces trois boulis sont alimentés par deux forages solaires situés au-delà de la digue. Mais depuis six mois, l’un des forages est en panne.

Ce bouli a été construit par les Engagements nationaux

Malgré cette panne et en attendant une éventuelle réparation, le maraicher Jules Kaboré et son épouse continuent de puiser l’eau dans ces boulis avec plusieurs bidons de 20 litres. « L’eau est insuffisante pour nos activités. Tant qu’il y aura de l’eau nous resterons au village. Mais sans eau, nous allons tous le déserter », a lancé Jules Kaboré. Déserter Bazoulé ? Certains crocodiles, eux, se sont déjà évanouis dans la nature pour y pondre leurs œufs. Mais pas d’inquiétude. Selon le guide, ils reviendront dans la mare dès le début de l’hivernage.

« Nous ne pouvons rien dire »

A côté des maraichers qui puisent l’eau manuellement et la transportent sur des bicyclettes, il y a aussi ceux-là qui utilisent des motopompes ou qui utilisent des tricycles pour le transport de grands fûts d’eau, destinée à la construction d’habitats. Ces personnes ne payent aucune taxe pour le prélèvement du précieux et rare liquide. « L’eau est gratuite. Nous (les guides) ne pouvons rien dire. C’est aux autorités de ce village, le chef du village et le président du conseil villageois de développement de décider », explique Prosper Kaboré, responsable des guides.

Pour leur consommation, les populations recueillent l’eau provenant du forage destiné à alimenter les boulis

« C’est grâce à cette mare que notre village est connu à l’international »

Selon Raphael Kaboré, trésorier de l’association Tourisme et Développement de Bazoulé, la population est sensibilisée sur les mauvaises pratiques qui ont cours sur la mare. Même si certains commencent à comprendre l’importance de la mare, il a indiqué que l’association se heurte souvent à des personnes qui n’hésitent à proférer des paroles blessantes.

Ce qui se passe à Bazoulé est loin d’être la seule affaire des autorités. Les habitants de ce village ont une grande part de responsabilité dans cette situation. Ils se sont presque résignés à voir disparaitre l’un des plus grands sites du pays. « Il y a des villages qui sont plus grands que Bazoulé mais qui ne sont pas très connus. C’est grâce à cette mare que notre village est connu à l’international », exalte le responsable des guides.

La mare est également menacée par les marchands de sable

Le Covid-19 est passé également par là

Mais, il est loin ce temps où la mare aux crocodiles sacrés de Bazoulé était en tête des sites touristiques les plus visités dans la région du Centre en 2019 avec plus de 10 000 visiteurs par an. Depuis l’année dernière, avec la crise sanitaire, ce nombre, à en croire les guides touristiques, a été divisé par quatre. « Avec le Covid-19, nous avons fait près d’un mois sans voir un visiteur. Ce n’est pas facile, mais nous arrivons à supporter pour les crocodiles », confie Raphael Kaboré.

Raphael Kaboré, trésorier de l’association Tourisme et Développement de Bazoulé.

En attendant, la mare a eu la visite d’un comité interministériel il y a plus de deux mois dans le cadre d’un projet d’aménagement de la mare. Selon Raphael Kaboré, ce comité est composé de la Primature, du ministère de l’Environnement, du ministère du Tourisme et celui des Mines et Carrières. Bazoulé se meurt et c’est loin d’être un euphémisme.

HFB
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