LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Avec de la persévérance et de l’endurance, nous pouvons obtenir tout ce que nous voulons.” Mike Tyson

Crise ivoirienne : Le calvaire des Burkinabè exposé

Publié le lundi 6 septembre 2004 à 08h01min

PARTAGER :                          

La salle de conférences du ministère de la Promotion des droits humains abrite une exposition dénommée "Le destin ivoirien des citoyens burkinabè". Dans le but de faire prendre conscience au public du drame qu’ont vécu nos compatriotes en Côte d’Ivoire, la presse nationale a été conviée le vendredi 3 septembre 2004 à découvrir les photos et documents témoins de leur martyr.

"C’est le plus grand drame vécu par les Burkinabè dans leur histoire", a dit, au cours de cette exposition, M. Alain Edouard Traoré, président de la Commission interministérielle d’évaluation des préjudices subis par les nôtres en territoire ivoirien après l’éclatement de la crise politico-militaire le 19 septembre 2002. Parmi les communautés étrangères établies dans ce pays, ce sont nos ressortissants qui ont le plus payé le prix de la haine et de la xénophobie.

L’exposition comporte 15 étapes résumant l’évolution historique de la présence des Burkinabè au pays d’Houphouët-Boigny : l’histoire de leur émigration, les principales étapes de la dégradation de leurs conditions de vie jusqu’au drame de ces deux dernières années, la gestion des crises, l’impact de la crise sur notre économie. Selon les explications de M. Traoré, la présence massive des Burkinabè dans ce pays a été surtout l’œuvre de la colonisation française.

En effet, dans le but de développer la colonie de Côte d’Ivoire, l’administration de l’époque, qui avait besoin de main-d’œuvre, a fait appel à partir de 1919 aux populations voltaïques. Celles-ci étaient employées pour la construction des routes, du chemin de fer, dans les plantations de café et de cacao. Cette situation a perduré jusqu’à l’accession de la Côte d’Ivoire à l’Indépendance en 1960. Vu l’ardeur au travail de cette main-d’œuvre, les gouvernants ivoiriens en sont restés dépendants, ce qui a fait de ce pays le 1er producteur mondial de cacao et 3e producteur de café. Ainsi, ce pays est devenu la locomotive économique de l’Afrique de l’Ouest.

Les germes du drame

A la fin des années 80, une crise économique engendrée par la baisse des prix des matières premières, en l’occurrence le cacao, le café, principales ressources du pays, frappe de plein fouet la Côte d’Ivoire. Cette situation voit apparaître les germes de l’exclusion, des comportements racistes. Ainsi, les Burkinabè sont accusés à tort ou à raison d’être des voleurs, les causes de la crise. On commence à assister de la part des forces de l’ordre aux rackets systématiques de nos compatriotes et à l’ivoirisation des postes de travail. Ce qui était un signe avant -coureur du drame que vivent de nos jours les Burkinabè de Côte d’Ivoire.

Suite à la mort du président Houphouët en 1993, une nouvelle politique envers les étrangers surtout les Burkinabè, est instaurée par Henri Konan Bédié. Face à la menace nordiste, une idéologie conçue par des intellectuels fait son apparition : l’ivoirité. Elle a fait plus de mal que de bien dans la cohabitation entre les populations d’origines diverses. Dans cet élan ivoiritaire, les Burkinabè sont pointés du doigt comme étant des envahisseurs, des supporters du président des Rassemblements des républicains( RDR), Alassane Ouattara.

La forte tension entre les acteurs politiques ivoiriens va occasionner l’irruption des militaires sur la scène politique en décembre 99. Cette parenthèse ne parviendra pas à extirper l’ivoirité de la société ivoirienne. Des élections ont été organisées en octobre 2000 qui ont vu l’arrivée au pouvoir de Laurent Gbagbo dans une confusion totale. A l’époque, la communauté burkinabè a été aussi éprouvée. Deux ans après l’élection présidentielle, la Côte d’Ivoire va connaître une insurrection armée le 19 septembre 2002. Cette date est gravée à jamais dans la mémoire collective des Burkinabè.

En effet, l’échec du coup de force, qui a entraîné la déchirure du pays entre le Nord et le Sud, a été l’occasion pour les "ivoiritaires" du régime en place de mettre en exécution leur plan : casser du Burkinabè par tous les moyens : forces de l’ordre, milices tribales, jeunes patriotes, médias, sont mis à contribution. Toute la société burkinabè continue de vivre les conséquences de cette crise.

Des preuves irréfutables

Les photos et films documentaires de l’exposition témoignent des exactions et atrocités vécues par les ressortissants burkinabè. Sur certaines photos, on voit des corps mutilés, des corps sans vie de nos compatriotes, victimes de la haine et de la folie humaine. Des images insoutenables, difficiles à regarder. La commission interministérielle a enregistré plus de 8000 cas de violation grave des droits humains après le déclenchement de la crise politico-militaire. Elle a estimé à environ 600 000 le nombre de nos compatriotes qui ont dû rejoindre de force le bercail à travers l’Opération "bayiri".

Des preuves tels des balles utilisées par les forces de l’ordre ivoiriennes, des dossiers de Burkinabè assassinés ou disparus, des coupures de la presse ivoirienne appelant à la chasse à nos ressortissants ont été réunies pour être transmises à la Commission d’enquête internationale des Nations unies sur les violations des droits humains. Il faut noter que cette Commission onusienne a séjourné du 22 au 25 août 2005 dans notre pays et a visité l’exposition.

Celle-ci a pour objectif d’informer les populations de l’ampleur du drame des Burkinabè en territoire ivoirien. Elle est aussi destinée aux organisations de la société civile du Burkina Faso. Pour M. Traoré, l’exposition : "Le destin ivoirien des citoyens burkinabè" est un devoir de mémoire pour le peuple burkinabè, qui doit prendre réellement conscience du drame de nos compatriotes en Côte d’ivoire. Etle est ouverte au public et fera le tour du pays. Un hommage a été rendu à tous les partenaires financiers extérieurs du Burkina qui l’ont soutenu du début de la crise jusqu’à nos jours. Le ministère des Droits humains a fait véritablement œuvre utile en organisant cette exposition.

Simplice Baro (stagiaire)
L’Observateur Paalga

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique