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Abidine Ouédraogo, Burkinabè des USA : « Les Blancs peuvent aussi avoir le ventre blanc »

Publié le vendredi 14 novembre 2008 à 04h39min

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On le sait, depuis plus d’une décennie déjà, le nouvel Eldorado pour de nombreux jeunes burkinabè, ce sont les USA. Combien y vivent-ils ? Entre 4 000 et 5 000, selon l’ambassade du Burkina Faso à Washington. Nous avons rencontré l’un d’entre eux : Abidine Ouédraogo, qui vit à New-Jersey, plus précisément à Est Orange depuis 1998. Il nous parle de ses débuts dans ce pays, de ses activités et bien sûr de l’élection de Barack Obama.

Abidine Ouédraogo, vous vivez aux USA depuis 10 ans, racontez-nous vos débuts dans ce pays.

• Bisimillah ah Ramané Rahim ! Effectivement, je vis ici depuis 1998. Comme beaucoup de jeunes burkinabè à l’époque, j’ai pu effectuer ce voyage. Les débuts ne furent pas faciles, je l’avoue, car ceux qui nous avaient devancé n’étaient pas trop nombreux. Donc, lorsque vous arrivez, vous devez vous débrouiller seul. Dieu merci, j’ai pu m’intégrer et aujourd’hui je gagne ma vie avec ma famille. J’ai d’abord vécu à New York pendant plus d’une année, avant de venir m’installer à New-Jersey.

Ici, semble-t-il, les nouveaux arrivants débutent par le lavage des véhicules, communément appelé « Car Wash ». L’avez-vous pratiqué ?

• Vous savez, en notre temps ce n’était pas facile. Quand vous arrivez nouvellement, il faut parer au plus pressé et essayer d’abord de survivre, ensuite on verra. J’ai fait de petits boulots d’abord à mes débuts ici. Mais je dois avouer que je n’ai pas trop souffert en matière de travail et d’hébergement.

Vous êtes avec votre famille ici...

• Oui, j’ai fait venir ma femme et actuellement nous avons trois enfants, lesquels sont suivis par les services sociaux et nous ne nous plaignons pas. En fait, à New York, c’était aussi bien, mais je me sens mieux ici car rien que sur le plan religieux, je pratique tranquillement ma foi.

Je constate effectivement que vous pratiquez vos prières quotidiennes et êtes habillé généralement en musulman, boubou et bonnet blanc. N’avez-vous pas des problèmes, vu que l’islam ici est souvent assimilé au terrorisme ?

• Non ! Vous savez, l’Amérique est un pays laïc où la liberté d’opinion et de croyance est sacrée. Je pratique normalement ma religion musulmane et je n’ai pas de problème par rapport à cela.

A la veille du Ramadan, vous avez envoyé 200 000 F aux bébés de la Maternité de l’Hôpital Yalgado Ouédraogo. Pourquoi un tel geste ?

• Dieu nous dit que de temps en temps, il faut aider les nécessiteux et les indigents. Par cet acte, j’ai voulu mettre en pratique cette parole divine.

Que faites-vous exactement comme activité ici à New-Jersey ?

• Je me bats sur différents fronts. J’ai ma boutique où évolue ma femme. Et moi-même, je fais divers boulots. Je gagne ma vie et je ne me plains pas.

Tous les Burkinabè arrivant ici trouvent-ils facilement du travail ?

• Oui, car actuellement les Burkinabè qui vivent ici sont un peu nombreux et solidaires surtout. Alors, un nouveau qui arrive, rapidement, de bouche à oreille, on se charge de lui trouver rapidement un job. A lui de se battre après.

Pensez-vous souvent à un éventuel retour au bercail ?

• Pour le moment, pas encore, mais de temps en temps, je peux aller rendre visite à ma grande famille restée à Ouagadougou.

Venons-en à l’événement actuel, la présidentielle américaine. Avez-vous suivi le processus jusqu’à l’élection ?

• Naturellement, nous avons tout suivi, les caucus, les primaires et le vote du 4 novembre. A la télévision, dans les journaux, on suivait l’évolution du processus. Surtout qu’il y avait un Noir dans la course, nous les Africains étions fiers et on ne ratait jamais l’occasion de suivre à la télé les meetings d’Obama. Notre souhait était qu’il gagne et effectivement il a gagné. Nous sommes contents de lui.

Etiez-vous optimiste au début ?

• Au début, avec la candidature de Barack Obama, nous avons cru à un plaisantin qui voulait seulement marquer le coup, quelqu’un qui voulait que l’histoire retienne qu’il a été, en 2008, de la course à la magistrature suprême. Mais au fur et à mesure que le temps passait, les choses se précisaient, et Obama prenait de l’envergure. En fait, nous avions pensé à un deal entre Barack Obama et Mme Hillary Clinton qui devait se terminer par la victoire de la femme.

Quels enseignements tirez-vous de cette victoire de Barack Obama ?

• D’abord, c’est un fait historique, une première depuis l’abolition de l’esclavage il y a 150 ans : un Noir à la Maison-Blanche. L’Amérique donne souvent le mauvais exemple, mais là, c’est presque l’un des événements historiques de ce 21e siècle. Les USA nous donnent un bon exemple, à savoir que c’est le pays de tous les possibles comme on le dit. Ensuite, je crois que les Américains voulaient le changement et quand l’Amérique veut quelque chose, elle le fait. En un mot, ce pays donne une grande leçon de démocratie au monde.

Pensez-vous qu’avec l’arrivée d’un Afro-Américain à la tête de l’Amérique, les rapports entre ce pays et l’Afrique vont changer fondamentalement ? • Non. L’Amérique reste l’Amérique et Barack Obama est Américain, a été élu par ses compatriotes pour résoudre leurs problèmes. Il ne faut pas que les Africains pensent qu’il va favoriser l’Afrique.

Et puis, il faut également que les Africains cessent leurs nègreries, qu’ils se disciplinent. Je suis sûr qu’en Afrique, l’événement Obama n’aurait jamais eu lieu. Quoi qu’on dise, les Blancs peuvent aussi avoir le ventre blanc, chez nous c’est la jalousie et les mesquineries qui nous retardent.

Interview réalisée à New-Jersey par Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana

L’Observateur Paalga

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