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Présidentielle : les Burkinabè de Côte d’Ivoire sont mécontents

Publié le mercredi 16 novembre 2005 à 08h26min

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Le 13 novembre prochain, le Burkina Faso aura un nouveau président. La loi de ce pays n’autorise pas les Burkinabè de l’étranger à voter. Mais ce n’est pas pour autant que ces derniers se désintéressent à ce moment capital de la vie politique de leur pays d’origine. C’est le cas de ceux qui vivent en Côte d’Ivoire.

Vêtu d’un tee-shirt rouge et d’un pantalon Jean de couleur bleue, Soumaïla Kaboré est employé dans une usine de métallurgie à Abidjan. Son visage dégouline de sueur, et ses mains sont rouges de rouille. C’est la pause de midi en cette journée de vendredi 4 novembre 2005. Ce jeune homme se dirige vers un restaurant pour chercher de quoi manger. A 27 ans, il n’a jamais voté un président de la République. En effet, la loi ivoirienne ne reconnaît pas le droit de vote aux étrangers vivant dans ce pays. Il avoue discuter avec ses compatriotes de son quartier de la présidentielle burkinabè du 13 novembre prochain.

Aujourd’hui, grâce au passage de la RTB sur le satellite, beaucoup de Burkinabè comme Soumaîla arrivent à coller un visage au nom des onze challenges de Blaise Compaoré, le président sortant. Chaque soir, ils s’installent devant le petit écran pour suivre les différentes péripéties de la campagne électorale.

L’élection présidentielle est un moment crucial dans la vie politique d’un pays. C’est le moment où le citoyen lambda choisit librement le candidat qu’il juge capable de bien défendre ses intérêts. C’est également l’occasion pour lui de sanctionner le président sortant s’il juge son bilan négatif. Mais la loi du Burkina Faso ne permet pas aux Burkinabè vivant à l’étranger de voter celui qui va présider aux destinées de tous les fils de ce pays sans exception.

A l’instar de ceux de Côte d’Ivoire, les Burkinabè vivant à l’étranger ne cachent pas leur amertume face à cette mesure qu’ils jugent exclusionniste. C’est le cas de Zoumana Fofana : " Parce qu’on n’est pas au pays, on ne peut pas voter le président de notre République. Dans notre pays d’accueil , on ne nous autorise pas non plus à voter ".De l’ avis d’ Abdoulaye Sana, la crise actuelle que vit la Côte d’Ivoire a encore exacerbé la question. " Quand les jeunes patriotes passent à la télé, ils nous insultent car nous sommes les seuls étrangers de la sous-région qui ne peuvent pas participer à l’élection de notre président. Ils nous disent que Blaise Compaoré nous a oubliés. "

Ici, les ressortissants maliens et sénégalais votent leur président, bien que vivant en Côte d’Ivoire. Et Zoumana Fofana de se demander : " Sommes-nous des Burkinabè à part entière ou des Burkinabè entièrement à part ? " Du côté des autorités burkinabè, on évoque des raisons économiques et techniques pour expliquer cet état de fait. Mais ici, ces explications ne semblent pas assez convaincantes. Pour nos interlocuteurs, le Mali n’a pas plus de moyens que le Burkina. Si ce pays peut faire voter ses ressortissants, le Burkina en est également capable : " C’est simplement un manque de volonté politique. On ne sait pas si nos autorités en place ont peur que nous ne portions pas nos voix sur elles. Nous, on est frustré, parce que rejetés par notre pays ".

Quel que soit le vainqueur au soir du 13 novembre, les Burkinabè de Côte d’Ivoire attendent beaucoup de ce dernier. Le déclenchement de la guerre depuis un certain matin du 19 septembre 2002 n’a fait qu’aggraver les conditions de vie de beaucoup d’entre eux. Les tracasseries et rackets de certains agents des forces de l’ordre se sont exacerbés. Avec presque les larmes aux yeux, un vieil homme raconte : "

Aujourd’hui, quand tu tombes sur un contrôle de pièce d’identité, si tu présentes ta carte d’identité établie au Burkina à certains agents de police, c’est comme si tu possédais de la cocaïne ". Un autre, moins âgé que lui, renchérit : " Même avec la carte consulaire et le certificat de résidence, si tu es malin et que tu as 1000 FCFA, donne leur ça pour te sauver. Sinon, si c’est toi et l’agent seuls, il te dépouillera de tout ce que tu as. Et tu ne peux pas te plaindre, au risque de t’exposer à pire que ça. "

La position de Blaise Compaoré sur le foncier rural est plus que claire. Mais sur d’autres points comme la libre circulation des ressortissants burkinabè, Oumar Guébré affirme : " On est assez fatigué du balbutiement de notre gouvernement sur les rackets dont nous sommes victimes ".
Pour ce faire, il exige de la part de son pays, surtout du vainqueur de cette élection, l’ouverture d’un débat franc avec les autorités ivoiriennes. Avec un peu de nostalgie, Abdoulaye Sana se souvient de l’ère Sankara : " Au temps de Thomas Sankara, un Burkinabè était beaucoup respecté ici. Mais aujourd’hui, c’est totalement le contraire. Je dirais que c’est la faute de nos autorités. Si elles veulent qu’on soit respecté, on le sera. "

Des douze candidats en lice, Blaise Compaoré semble avoir la faveur de beaucoup de gens ici, s’ils devaient voter. C’est le sentiment de Zoumana Fofana qui pense qu’ " avec la situation actuelle, nous voterions pour Blaise Compaoré. On veut un homme qui a sa carrure. On ne connaît pas la force de frappe des autres candidats. C’est Compaoré qui peut décanter la situation ". Mais d’autres personnes comme Dembélé Jérôme auraient penché pour Me Bénéwendé Sankara : " Quand on le voit dans les meetings, il semble un peu convaincant par rapport à ses autres camarades de l’opposition. "

Ici, on regrette beaucoup le retrait de la candidature de Me Hermann Yaméogo. C’est le cas de Soumaïla Kaboré : " C’était l’occasion pour Hermann Yaméogo de mesurer sa côte de popularité. Après ses prises de position en faveur de Gbagbo sur RFI, je pense franchement que c’est un prétexte pour lui d’éviter un échec lamentable. "

Après cette présidentielle, la question du vote des Burkinabè de l’étranger devrait être débattue avec franchise. Comme on le constate ici en Côte d’Ivoire, ils veulent aussi avoir leur mot à dire sur le choix de leurs dirigeants politiques. C’est le voeux ardent d’ Abdoulaye Sana : " Que celui qui est élu se penche sur notre droit de vote. On n’a pas renié notre pays. On y retourne quand on peut. On a nos familles là-bas et beaucoup de nos compatriotes vivant ici investissent maintenant au Faso. "

JMT
L’Evénement

P.-S.

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