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S.E.M. Mamadou Sissoko : "En Italie, nous n’avons pas que des Bissa"

Publié le mercredi 7 septembre 2005 à 08h29min

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S.E.M. Mamadou Sissoko

Enseignant de droit international de formation, Mamadou Sissoko a assumé des postes de responsabilité à la mission diplomatique du Burkina à Dakar avant d’être nommé ambassadeur à Rome, en Italie.

De passage à Ouagadougou, il nous a reçus chez lui le vendredi 2 septembre 2005. Il nous parle dans cet entretien de sa tâche et de la communauté burkinabè qui réside dans ce pays hôte.

Après le Sénégal, vous avez pris des galons. Comment vous êtes-vous retrouvé en Italie ?

• J’ai pris des galons, c’est vous qui le dites. Toutes les ambassades se valent. Le travail réalisé à Dakar est aussi important et noble que celui qui se fait actuellement à Rome. Je suis arrivé en Italie le 1er juillet 2003 après avoir reçu les recommandations et les instructions du président du Faso afin de pouvoir remplir correctement ma mission. A mon arrivée, j’ai trouvé une équipe en place et il s’agissait de m’y insérer pour jouer mon rôle.

Justement, vos premiers pas n’ont-ils pas été difficiles ?

• Les difficultés sont inhérentes à toute prise de fonction. J’arrive dans un pays où l’administration fonctionne dans une langue que je ne comprends pas, c’est déjà une difficulté. Mais les autorités italiennes usent de tous les moyens pour que je puisse réaliser ma mission dans de meilleures conditions. L’ambassade couvre en plus de l’Italie, huit autres pays dont la Grèce, la Roumanie et la Turquie. La spécificité c’est que, en plus du bilatéral, elle s’occupe du multilatéral ; c’est-à-dire qu’elle représente le Burkina auprès de la FAO, du FIDA et du PAM. En matière de développement rural, le Système des Nations unies a centralisé, à Rome, ses institutions spécialisées et nous sommes également accrédité auprès d’elles. Mais au bout de quelques temps, nous avons pu nous engager dans la dynamique.

A combien peut-on estimer le nombre de ressortissants burkinabè en Italie ?

• Il est difficile de donner un chiffre exact. Parce qu’il y a ceux qui y vivent régulièrement avec des documents officiels, ceux qui travaillent sans papiers et ceux qui n’ont pas de travail mais qui y résident. Il faut alors se fier aux statistiques fournies par le ministère des Affaires étrangères italien. A ce titre, les Burkinabè sont estimés à 4500 ou 5000 personnes. Nous pensons qu’il y a plus que ça. Mais nous ferons un travail le moment venu pour en déterminer le nombre exact.

Avez-vous une idée de la composition de cette communauté burkinabè ?

• (Rires). Quand on parle de nos compatriotes en Italie, on ne voit que les Bissa. Cela ne correspond pas tout à fait à la réalité, même s’il est vrai qu’ils sont majoritaires. Sachez qu’il y a également des Mossi et des ressortissants de l’ouest du Burkina Faso.

Dans quels secteurs d’activité les recrute-t-on en grand nombre ?

• A l’origine, les immigrants burkinabè étaient dans les plantations au Sud de Naple jusqu’en Sicile, pour appuyer les récoltes de tomates. C’était une immigration saisonnière. Mais aujourd’hui, cette immigration a beaucoup évolué. La majorité vit au Nord et travaille dans les usines. C’est dire qu’il y a eu une évolution de statut, de mentalité et de culture. Ce sont des salariés qui bénéficient de rémunérations fixes au même titre que les ouvriers industriels des pays de l’Europe de l’Est.

On dit de nos compatriotes qu’ils sont de gros travailleurs. Avez-vous trouvé en eux cette qualité ?

• Franchement, ils honorent le Burkina. Ce sont des travailleurs reconnus comme tels par les autorités italiennes. Ils sont très attachés à leur travail et sont ponctuels au service.

N’êtes-vous pas souvent assaillis au niveau de l’ambassade par les problèmes de vos compatriotes ?

• Il y a des problèmes réels mais qui, nous l’espérons, trouveront leur solution au fil du temps. Ces problèmes sont de plusieurs ordres. D’une part, le fait (vrai ou supposé) de rivalités internes dans la communauté du fait des origines diverses.

Mon objectif est de créer les conditions de l’émergence d’une vision patriotique, au-delà des identités locales. Il y a une évolution et ils comprennent. D’autre part, il y a les problèmes d’ordre social, notamment les conflits au sein des couples.

Nous pensons pour cela que l’ambassade doit avoir un assistant social qui s’occupera de ces questions. Ces problèmes se poseront davantage au fur et à mesure que la communauté croîtra et également du fait de la différence d’âge entre les époux.

Par ailleurs, le troisième problème est lié à l’immigration elle-même. Les immigrés ne vivent pas par dilettantisme. Ils songent à leur famille au pays et à leur retour. Or les textes ne sont pas totalement en phase avec les préoccupations de nos compatriotes. Cela n’est pas spécifique au seul Burkina Faso et les ambassades africaines sont en négociation avec les autorités italiennes pour stabiliser le statut social des immigrés africains.

Quelle a été la touche Sissoko à l’ambassade ?

• Je ne sais pas ce que vous appelez touche Sissoko. Par contre, ce que je sais, c’est qu’à mon arrivée, j’étais animé d’une mission bien spécifique sur instructions du président du Faso, pour que cette communauté burkinabè puisse trouver une oreille attentive par rapport à ses préoccupations. Cela se faisait déjà et il était de mon devoir de renforcer cet aspect. Je fais mon travail, j’assume mes responsabilités avec la conscience que je peux être toujours utile et que je dois même l’être.

Le fait que l’ambassade du Burkina en Italie couvre plusieurs pays n’est-il pas une tâche supplémentaire ?

• Pour réaliser notre travail, nous nous appuyons sur des consuls honoraires dans ces pays. Les moyens du Burkina ne permettent pas d’ouvrir une ambassade dans tous les pays. C’est pourquoi on localise des lieux qui, géographiquement, stratégiquement et géopolitiquement, permettent d’assumer la représentation diplomatique des autres pays. C’est vrai qu’il y a un travail supplémentaire, mais avec l’organisation, on contourne ces difficultés. Et avec internet de nos jours, la tâche est de plus en plus facile.

Parlez-vous l’italien ?

• (Rires). Pas du tout. On ne peut pas se permettre d’apprendre facilement une langue à tout âge. Par contre, mes deux derniers enfants parlent correctement l’italien. J’ai quelque part une compensation (rires). Mais je dispose de beaucoup de moyens pour pénétrer les textes. Il y a des logiciels qui permettent des traductions instantanées. En plus, mes secrétaires sont italiennes. Au bout de deux ans de fonction, je ne suis tout de même pas au point de départ.

Vous êtes dans un grand pays de football. Aimez-vous ce sport ? Et quelle est votre équipe préférée ?

• Oui, mais je n’ai pas de préférence dans les équipes. Je dois d’ailleurs dire qu’il y a beaucoup de nos compatriotes dont les talents footballistiques sont reconnus par les Italiens, surtout au Nord.

Avez-vous un message à adresser à la communauté burkinabè en Italie ?

• D’abord, je les exhorte à garder l’image qui est la leur, celle d’immigrés sérieux et travailleurs. Je leur demande ensuite d’avoir un sens élevé de l’union et de la solidarité. Les événements qui se sont déroulés dans les pays voisins où les Burkinabè ont été très affectés doivent servir de leçon pour qu’on comprenne que, quand ont est à l’étranger, le premier parapluie, c’est le compatriote à côté.

Le second, c’est le terroir. Quand la situation l’exige, il faut revenir au pays. Les immigrés peuvent beaucoup aider au développement de leur pays pour peu qu’on mette à leur disposition les moyens institutionnels, juridiques et organiques nécessaires. Ce travail est en train d’être fait au ministère des Affaires étrangères, à travers le Conseil supérieur des Burkinabè de l’extérieur.

Il faut s’appuyer sur cela pour investir au pays et avoir un logement au village. De plus en plus, les projets se développent au Burkina avec les barrages et il y a des terres cultivables. Ce sont des possibilités qui s’offrent à eux pour apporter leur contribution au développement. Enfin, je voudrais leur demander de respecter les lois italiennes. Quand on est à l’étranger, il faut éviter de s’exposer à des problèmes.

Propos receuillis par O. Sidpawalemdé & Adama Ouédraogo

Pour tout contact : Via xx Settembre n°86 - Roma Tel : B. (+39) 06 42 01 33 35 Fax : (+39) 06 42 39 10 63 E-mail : ambabf.roma@tin.it

L’Observateur

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