Drame de Yirgou : Des manifestants devant le palais de justice pour réclamer justice
LEFASO.NET | Par Aïssata Laure G. Sidibé
A l’appel du Collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés, à travers sa cellule féminine « Mouvement femmes debout », environ une centaine de personnes principalement des femmes se sont rassemblées devant le Palais de justice, le samedi 22 juin 2019, à Ouagadougou. Les manifestants dénoncent la lenteur de la justice dans le dossier de Yirgou. Ce sit-in sonnait comme une invite à rendre justice aux victimes.
Au Burkina Faso, le vivre ensemble est mis à rude épreuve. A preuve, les massacres de citoyens à Yirgou qui se sont étendus sur 20 villages des provinces du Sanmatenga et du Soum du seul fait de leur appartenance à la communauté peule. Provoquant ainsi, le déplacement de près de 10 000 personnes principalement des femmes et des enfants. Six mois après le début du drame, hormis l’audition de 160 témoins et la clôture de l’enquête concernant l’assassinat du chef de Yirgou par des hommes armés non identifiés, il n’y a toujours pas d’arrestations.
Afin de faire bouger la justice, des « guerrières » en compagnie d’hommes venus d’horizons divers ont investi, samedi, la devanture du Tribunal de grande instance de Ouagadougou pour y observer un sit-in. Ce rassemblement a été initié par le « Mouvement femmes debout (MFD) », avec l’appui d’autres organisations. Calebasses renversées sur les têtes, ayant l’air à la fois en colère et désorientés, les manifestants ont dans la discipline et le calme brandit des pancartes sur lesquelles on pouvait lire : « Non aux violences intercommunautaires », « plus jamais ça au Burkina Faso, « stop stigmatisation », « justice pour Yirgou », « oui à la cohésion sociale ».
Les calebasses renversées sur les têtes, un symbole
Cette opportunité a été saisie par la porte-parole du MFD, Apsa Diallo, pour lancer un cri du cœur. Elle demande aux autorités de soutenir les déplacés qui arrivent de différents sites et qui actuellement convergent vers Ouagadougou. Elle souhaite également la fin des exécutions sommaires mais aussi et surtout l’arrêt des massacres des différentes communautés, précisant que le combat engagé par sa structure n’est pas seulement pour la communauté peule. « Il est pour toutes les minorités qui sont stigmatisées ; qui se retrouvent à un moment donné face une injustice de quelque niveau que ce soit », soutient Mme Diallo pour éviter tout amalgame.
Et sur le choix du lieu du rassemblement, elle dira que « c’est tout une symbolique que de se mettre devant le Palais de justice pour réclamer justice pour les victimes des massacres », avant de déplorer le laxisme des autorités judiciaires. « Nous sommes dans un Etat de droit. Les structures sont indépendantes mais nous disons que si la volonté de rendre justice y ait, il y a longtemps que le cas de Yirgou aurait trouvé solution », selon elle.
La porte-parole du MFD a en outre fait savoir que la calebasse renversée sur la tête dépeint la situation de détresse dans laquelle vivent les rescapés de Yirgou : « Ce qui doit servir de récipient pour mettre le zom-koom ou le lait pour accueillir l’étranger est vide. Sur les sites, ça fait des jours que des vieillards meurent de faim ; que des femmes n’ont plus à manger pour leurs enfants ».
« Il faut une vraie volonté politique pour arrêter ces gens »
Approché, le secrétaire général (SG) du CISC, Dr Daouda Diallo, confirme que le procureur de Kaya a donné l’autorisation d’arrêter « les koglwéogo terroristes », soulignant qu’il y a des blocages dans l’exécution de la décision, car « les OPJ qui sont sous ses ordres obéissent à la hiérarchie militaire ».
Pour Dr Diallo, il faut lever ce goulot d’étranglement pour espérer arrêter les auteurs des assassinats. « On dit qu’ils sont armés mais pas plus que les terroristes que l’armée est en train de combattre aujourd’hui. Ils inquiètent et massacrent toujours les Burkinabè. Il faut une vraie volonté politique burkinabè et des citoyens honnêtes pour arrêter ces gens », pense-t-il.
Mais pour l’instant, les déplacés vivent des moments difficiles. « Dans les médias et sur les réseaux sociaux, sont diffusées des images de tentes emportées par des eaux de pluie à Barsalogho. A Kelbo, il y avait 3 000 villages qui sont des victimes directes des massacres de Yirgou mais ces déplacés n’ont jamais bénéficié de l’aide des autorités. Et pour se dédouaner, ces dernières évoquent la question sécuritaire », a confirmé le SG. Le CISC ne veut plus dormir avec ces orphelins dont , il peine, dit-il, à assurer, ne serait-ce que, l’alimentation. Ce faisant, il a invité l’ensemble de la population à se mobiliser pour les prochaines actions qu’il viendrait à lancer.
Aïssata Laure G. Sidibé
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