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Comment composer avec les sollicitations financières ? (2)

Publié le mercredi 17 avril 2019 à 22h00min

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Comment composer avec les sollicitations financières ? (2)

Que faire lorsqu’une personne se retrouve prise à soutenir des frères et sœurs en difficultés en plus d’avoir à s’occuper de ses propres parents âgés et sans ressources ? Que faire quand « la famille », « l’amitié », ou la « fraternité religieuse » deviennent des outils de pression psychologique pour justifier des demandes d’aides, ou justifier une vie vécue dans la dépendance ? Les réponses à ces questions ne sont pas toujours évidentes ou du moins pas toujours faciles à implémenter.

Dans une chronique antérieure, j’abordais la question épineuse des sollicitations financières, en proposant certaines avenues telles que l’établissement d’un budget et l’élaboration de limites relationnelles afin de mieux composer avec celles-ci. À ces deux éléments, un autre facteur essentiel à considérer pour une saine gestion des sollicitations, c’est la gestion de nos émotions. Il est connu, que l’argent et les émotions produisent rarement des décisions optimales ! Les personnes qui réussissent le mieux par exemple en matière d’investissement sont souvent connues pour être celles qui savent garder leur sang-froid en période de panique.

Par nature, les sollicitations interviennent dans un contexte hautement relationnel, où les émotions, telles que la peur du rejet, le désir de plaire, de sauver une réputation, etc. entrent en jeu. Les émotions s’amplifient davantage lorsque les liens relationnels sont forts. C’est la raison pour laquelle des personnes pourtant très réfléchies s’endettent pour des proches et se mettent à risque financièrement, pour pallier l’irresponsabilité d’autrui. Nul n’est immunisé contre ces biais émotionnels. Les émotions font partie de l’expérience humaine, il ne s’agit pas de les nier, mais de savoir les gérer, au lieu d’en être conduits. Ainsi, pour composer avec les sollicitations financières, il est essentiel de reconnaître l’existence de certains pièges émotionnels, et comprendre certains mécanismes psychologiques en jeu.

1.) Reconnaissez et rejetez le piège de la culpabilité

Selon les psychologues Ted & Brad Klontz, la culpabilité est l’une des raisons clés qui nous amènent à répondre à des sollicitations que nous savons intellectuellement hors de nos capacités financières et nocives pour la maturation du demandeur. Le sentiment de culpabilité naît en nous, parce que nous entretenons des pensées culpabilisantes, telles que « Comment pourrais-je avoir de l’argent et le laisser souffrir même si… ? » « Comment pourrais-je ne pas lui donner, c’est ainsi qu’on a toujours fonctionné dans la famille ? ». La culpabilité d’avoir à déroger à une règle non écrite, la culpabilité de laisser une personne assumer elle-même la responsabilité de ses actes, etc. Bien que nous soyons parfois conscients du danger de nos interventions, nos émotions nous jouent des tours.

Le piège des émotions réside dans leur intensité. Les émotions intenses ont tendance à aveugler notre jugement et à ne nous faire voir que l’instant présent qui peut s’avérer fatal à long terme. En cédant à la pression de la culpabilité, la relation entre le demandeur d’argent et le donateur se renforcera à court terme. Mais à la longue, le donateur finit souvent par se retrouver à devoir constamment aider à nouveau le demandeur qui n’apprend pas de ses erreurs. Le donateur continue de le faire non pas parce qu’il le veut, mais parce qu’il se sent coupable de laisser quelqu’un souffrir (ou plutôt coupables de laisser une personne apprendre des leçons de la vie et changer). Après un certain temps, la charge financière commence à se faire sentir chez le donateur qui alors se met à éprouver un ressentiment envers le demandeur. Le demandeur quant à lui s’étant habitué à toujours se faire secourir par le donateur, finit par considérer inconsciemment l’aide comme « un dû ».

Lorsque le donateur commence à ne plus répondre aux sollicitations, le demandeur se sent lésé dans « ses droits acquis ». Le ressentiment et la colère naissent de part et d’autre et la relation finit par se détériorer au nom d’une « aide ». Pour éviter ces conséquences à long terme, il nous faut savoir reconnaître le sentiment de culpabilité qui peut agir en nous et nous poser plutôt la question suivante « cette façon de faire, l’aidera-t-elle vraiment à sortir de son problème ou la rendra-t-elle dépendante ? ». Reconnaissez les émotions qui vous animent et donnez-vous le droit de réfléchir.

2.) Comprenez l’effet psychologique de l’argent et utilisez-le positivement

L’argent à un effet psychologique sur le cerveau. Notre cerveau à tendance à considérer l’argent comme une forme de récompense. Lorsqu’un employé reçoit un bonus, il l’associe à une récompense. Il est ainsi incité à répéter sa performance. De la même façon lorsqu’une personne reçoit constamment de l’aide pour la scolarité, son cerveau associe cette aide à une récompense et donc une incitation à continuer à vivre dans cette sollicitation annuelle. Le cerveau est étrange !

Ce phénomène psychologique est l’une des raisons pour laquelle certaines personnes (bien portantes) que vous aidez depuis des années continuent de dépendre de vous. Sans vous en rendre compte, vous avez utilisé l’effet psychologique de l’argent comme une arme contre elles et contre vous aussi. Une arme qui a détruit en ces personnes toutes motivations à rechercher à s’en sortir par elles-mêmes, puisqu’elles ont été « récompensées » à ne pas changer. Une arme qui vous a aussi détruite parce que vous les avez rendues dépendantes de vous. Pour éviter ce phénomène destructeur, la littérature financière, recommande fortement d’allouer principalement le soutien financier a des personnes qui ne peuvent pas travailler (par exemple des personnes physiquement inaptes) et selon vos moyens.

Soutenir régulièrement des personnes qui ne veulent pas travailler (par exemple des personnes qui refusent un travail qu’elles qualifient de sous-métier, préférant dépendre d’autrui) ou encore des personnes qui ne savent pas gérer serait dommageable. Ce serait les encourager à continuer sur un chemin néfaste pour leur propre développement et pour votre relation.

L’une des expressions que nous utilisons en finances pour désigner ce phénomène néfaste et qui a été popularisé par l’auteur Dave Ramsey est celui de « donner de l’alcool à un alcoolique ». Lorsqu’un alcoolique a soif, il est en crise, si vous lui donnez de l’alcool vous calmez sa crise, mais vous ne réglez pas son problème, car dans peu de temps il aura une autre crise. Vous contribuez à alimenter sa dépendance. De la même façon lorsque vous donnez de l’argent à une personne qui est fréquemment à court d’argent par mauvaise gestion, vous calmez la crise, en attendant la prochaine crise, parce que le problème de fonds demeure.

La meilleure façon d’aider un alcoolique c’est de l’amener en réhabilitation. La meilleure façon d’aider une personne qui ne sait pas administrer ses finances, c’est de lui apporter une aide qui l’encouragera à changer, à résoudre le problème de fonds. Vous pourrez par exemple lui acheter un livre sur les finances qu’elle devra lire ou rendre votre aide conditionnelle à ce qu’elle rencontre un spécialiste du domaine qui attestera de progrès, ou délimiter la durée de votre aide dans un temps défini d’avance.

Quant à la personne qui ne veut pas travailler, vous pouvez utiliser l’argent comme un facteur positif pour la remettre en emploi, en lui donnant de l’argent à condition qu’elle fasse un travail pour vous, ou selon le nombre de curriculum vitae qu’elle déposera par semaine. La personne que vous aidez n’a peut-être pas assez d’argent, mais elle a probablement du temps pour faire en contrepartie un travail. Vous utilisez ainsi l’argent comme un moyen de la stimuler à se rendre utile et se prendre en main. Évidemment, le bénéficiaire est en droit de refuser vos conditions, mais vous comprendrez à quel type de personnes vous avez à faire : une personne qui veut vraiment s’en sortir une bonne fois pour toute ou une personne qui désire juste calmer ses crises. Les idées peuvent être multiples, mais elles demanderont toute une dose de courage.

Composer avec les sollicitations n’est pas une problématique facile qui se règle uniquement par des chiffres. Composer avec les sollicitations c’est savoir gérer ses émotions.

Cet article marque la fin d’une première série publiée grâce aux bons soins de « Lefaso.net ». Vous trouverez dans des précédents articles de la chronique, de nombreuses ressources qui vous aideront dans la gestion de vos finances. Passez à l’action et bon succès !

Cedric Zongo
Conférencier, formateur en finances personnelles
www.cedriczongo.com

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