Facebook et même Youporn sont bleu-blanc-rouge. En hommage aux victimes de l’attaque du 13 novembre 2015, le monde occidental et les instruments qui le caractérisent se sont mis aux couleurs de la France, tout en chantant « Liberté-Egalité-Fraternité ».

De Barack Obama à Angela Merkel en passant par Erdogan, les hommes influents du monde ont manifesté leur soutien total à la France, leur tristesse face à la barbarie de l’Etat islamique (EI ou Daesh).

Avant les évènements tragiques du Bataclan, des environs du stade de France et des restaurants français, le monde avait déjà pleuré pour la France. Egérie des africains attristés par l’attaque du journal Satirique Charlie Hebdo le 09 janvier 2015, les larmes de Yayi Boni, président du Bénin illustraient à elles seules le mal des africains, leur souffrance de voir la France souffrir.

Dans un élan de solidarité, la toile burkinabè, même railleuse vis-à-vis des présidents joujoux comme Yayi Boni avaient pris fait et cause pour la France. Sur la toile du Faso, l’on retrouvait abondamment le hashtag « Je suis Charlie ».

L’émotion passée, « Je suis Charlie » avait laissé la place à des débats sur l’Im passivité des africains vis-à-vis des massacres de leurs « frères africains », le rôle de l’islam dans le terrorisme, les motifs réels du terrorisme, des exemples d’actes terroristes passés sous silence dans le monde…Depuis, beaucoup d’eau ont coulé sous le pont.

Pourquoi ils sont Plutôt Charlie que Paris ?

24 heures après le drame du 13 novembre 2015, les premières divisions sont apparues. Indignée par l’insensibilité, voire la jouissance de certains internautes, l’activiste Monica Rinaldi Wermi lance le débat sur sa page Facebook à travers un post : « Depuis hier soir je vois sur les murs de mes amis et dans les groupes de discussions plusieurs types de réactions aux événements de Paris. Il y a ceux qui prient et compatissent. Ceux qui accusent la politique extérieure française. Ceux qui attendent les présidents africains aux rendez-vous de la prochaine marche (comme en janvier pour Charlie Hebdo...). Ils y en a même qui ont félicité les attaques… »
Les réactions à son écrit en informeront sur l’ambivalence des internautes burkinabè « compatissants mais accusateurs ».

Rodolphe Rodolphe (profil Facebook) dit ne pas être Paris pour raisons de convenances personnelles : « Je ne suis pas Paris. Je suis Cameroun, Nigéria, Côte D’Ivoire, Tchad, RDC, Niger, Burkina Faso, Mali, Libye…Pour tout dire, je suis kaddafi ! Je suis maman Africa, violée, exploitée, pillée et détruite par Paris »…
Sur d’autres profils, des internautes optent pour le rappel des crimes odieux qui ont émaillé la vie des nations africaines, des pays du Moyen orient. Boucherie de la secte Boko Haram au Nigéria (plus de 2.000 morts du 06 au 08 janvier 2015, massacre de Garissa (148 étudiants tués au Keneya) , guerres en Côte d’Ivoire, au Mali, au nord Kivu…

Poussant le débat plus loin, le site français Slate Afrique opte pour un rappel historique sur le fondamentalisme religieux. De l’inquisition à la sécession américaine, Slate Afrique a broché des périodes de l’histoire où des « chrétiens américains  » tuaient des noirs au nom de leur Dieu.

Dans un autre article, Slate Afrique tentera d’éclipser la version occidentale (officielle) de la crise syrienne. Selon ce site, les occidentaux sont des intrus dans une crise aux origines séculaires, confessionnelles, géopolitiques…Ce média décrit la Syrie comme un pays peuplé majoritairement de Sunnites, dirigé par des Alaouites (clan de Bachar Al Assad), en proie à Daesh et aux jeux troubles de l’OTAN et des puissances Sunnites (Arabie Saoudite, Qatar, Emirats Arabe Unis)… A l’analyse, Slate Afrique donne des raisons pour ne pas être Paris, parce que Paris ne serait pas aussi innocente comme on la présente.

Effet Poutine, perte de confiance aux médias occidentaux et rébellion des stars
Entre Charlie et Paris, le monde a évolué et la croisade internationale contre le terrorisme a connu une évolution notable. Après un discours tonitruant face à l’assemblée onusienne, la Russie de Vladimir Poutine a entamé des frappes en Syrie depuis le 30 septembre 2015.

Accusé de ne frapper que des « terroristes modérés » de l’opposition syrienne libre, du Front Al Nosra ( nom de la branche syrienne d’Al Qaeda, le même mouvement qui a frappé les tours jumelles de New York), la Russie de Abou Ali Poutine (surnom donné à Poutine par des syriens) a permis au monde de voir, de lire et d’entendre une autre version de la crise syrienne.

Prenant le contre-pied de la propagande occidentale, orchestrée par des médias s’informant exclusivement auprès de l’Office syrien des droits humains (OSDH, basé en Angleterre), les russes ont montré au monde ce à quoi ressemblaient les « rebelles syriens modérés ».

Depuis, les bourdes des bonzes Etats-uniens (Mc Cain, la Russie attaque des rebelles formés et armés par la CIA), l’ébranlement « après attentat » de la position française du « tout sauf Bachar »…, les déclarations fracassantes de politiques et de stars françaises ont fini par influencer des opinions.

Au lieu d’être une victime, la France, ou du moins des acteurs français sont pointés comme étant une partie du problème. Ceci expliquant l’attitude des internautes qui refusent d’être Paris.

Allant plus loin, l’ex footballeur Eric Cantona, pointe pour sa part l’élite politique de son pays : « Voici les vrais responsables de nos malheurs (Sarkozy, Hollande et Marine...). Jusqu’à Jacques Chirac, la France n’avait que des amis et des alliés dans le monde arabe. La France était perçue comme une nation qui partout favorisait la paix et le dialogue. Puis Sarkozy est arrivé et tout a changé. Nos amis d’hier sont devenus nos ennemis. Nos alliés d’hier sont devenus nos adversaires d’aujourd’hui. En Afghanistan, en Irak, en Libye, au Tchad, en Syrie nous avons semé la mort et la terreur. Nous avons voulu imposer "la démocratie" à coups de bombes à des peuples qui n’en veulent pas. Nous avons voulu exporter des valeurs auxquelles nous-mêmes ne croyons plus. Nous avons infligé tellement de souffrances qu’aujourd’hui nous récoltons ce que nous avons semé. Nos politiciens font les guerres au lieu de s’occuper des problèmes graves de notre pays. Le chômage explose, la misère s’étend, nos retraités font les poubelles pour pouvoir survivre, notre jeunesse n’a plus d’espoir et nos gouvernements dépensent des milliards à bombarder des pays et des peuples étrangers.

Arrêtons de nous mêler des affaires du monde. Nous ne sommes ni des exemples à suivre ni des justiciers. Il est temps d’ouvrir les yeux : à force de semer la haine, le racisme et la mort, nous, nous récoltons le terrorisme et la peur. Et ces politiciens irresponsables qui nous conduisent vers l’abîme, ces pompiers pyromanes, profitent du terrorisme pour nous infliger l’état d’urgence, réduire nos libertés et nous dresser les uns contre les autres au risque de provoquer une guerre civile dans notre propre pays. Ces politiciens qui nous gouvernent ne méritent pas notre confiance car ils nous ont tous trahis. Il n’y en a pas un pour sauver l’autre. Malgré la peine immense, la légitime colère et la tristesse que nous éprouvons tous, nous devons rester lucides et unis. Ne nous trompons pas d’ennemis et ne faisons pas payer à nos compatriotes musulmans, les conséquences de la folie guerrière de nos gouvernements. Nous sommes gouvernés par des pompiers pyromanes qui sont les vrais responsables de ce que nous sommes en train de vivre. Ne nous laissons pas égarer par l’émotion et laissons plutôt place à la lucidité et la RAISON. Ces politiciens ne sont pas qualifiés pour garantir notre sécurité car leur politique de guerre ne fera que favoriser encore plus le terrorisme. »

Ousséni Bancé
Lefaso.net