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Résister et vaincre, par l’intelligence

Point de vue

Publié le samedi 19 septembre 2015 à 13h05min

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Résister et vaincre, par l’intelligence

Le propos et l’écriture seront ici volontairement plus éparpillés et dispersés qu’en d’autres circonstances, parce qu’aussi bien la dispersion est à la fois ce que la terreur putschiste en ce moment dans notre pays souhaite et pratique, et, ce que cette terreur ignore aveuglément, une des formes de la résistance elle-même : résistance intelligente, qui ne consiste pas à s’attrouper et s’agglutiner comme des abeilles ou des moutons pour prendre des balles réelles en pleines poitrines.

Se disperser c’est se soustraire à la violence et à toute maîtrise, à tout ordre tel que celui qui plonge aujourd’hui le Burkina dans la crise et le désordre

2. La meilleure manière de résister au coup de force en cours étant d’abord, sous une plume, de ne pas reprendre tel quel le nom que les putschistes se sont attribué, mais de le refuser et le boycotter pour ne pas en faire la publicité et l’écho, je propose de toujours détourner ce nom, tant que durent la terreur et la résistance, et nous en détourner, en ce sens :

C.N.D est pour toute résistance au putsch le Camp (ou le corps) non National de Diendéré, pour Diendéré. Dans cette mesure où ce qui est proclamé "national" CND par les putschistes ne se limite en réalité qu’au seul RSP ; et parce que la "démocratie" qui y est accolée n’est qu’une farce.

Dans son esprit du moins, plutôt que dans la lettre du pseudonyme CND, il y avait bel et bien, et déjà, un Conseil National pour la Démocratie au Burkina Faso : c’est la Transition !

Car un consensus s’était bel et bien formé, après le tri du Conseil Constitutionnel, et malgré les déceptions des candidats et non des partis politiques recalés, pour que nous allions aux élections démocratiques et transparentes du 11 octobre 2015. D’où vient donc que des prétendus justiciers, chez qui les idées mêmes de République et de Démocratie n’ont jamais franchi les murs de leur caserne ni les privilèges de leur corps armé (ils nous l’ont eux-mêmes montré plus d’une fois sous la Transition), y trouvent, dans ce consensus républicain et démocratique, le fallacieux argument d’un "désordre" politique qui justifie à leurs yeux un coup de force ? D’où vient que ceux-là mêmes qui, par leurs actes et comportements, n’ont rien de démocrates, tirent sur des citoyens sans armes avec des balles réelles et qu’ils terrorisent, interrompent un processus démocratique finalement consensuel pour prétendre nous donner des leçons de démocratie ?

Pour quelle démocratie, s’il s’agit de faire un coup d’Etat pour venger une épouse régulièrement recalée à la candidature des législatives, ou de restaurer la seule ex majorité que les burkinabè ont pourtant chassée du pouvoir ?

De quel droit, si ce n’est celui inacceptable de la force brutale et sauvage, ceux-là mêmes qui sont cités dans des affaires de justice, et qui se sont lâchement tus devant la tentative de modification du 37, viennent-ils nous parler aujourd’hui de justice, d’égalité et d’exclusion ?

3. C’est à vrai dire uniquement en tant que problème que le CND des putschistes est national, jamais en tant que démocratique. Ce problème tout profondément NATIONAL, que l’on a eu tort de ne regarder et commenter que comme un problème local et périphérique, voire un "épiphénomène", réduit à sa seule dimension interpersonnelle et inter-rsp, ce problème est le problème RSP, lequel vient de lui-même se poser à nous aujourd’hui, très douloureusement, comme problème décidément national qui touche la nation burkinabè toute entière, la paralyse et la fait démocratiquement régresser.

À défaut de nous l’avoir posé pendant la Transition comme un grave problème national à résoudre d’urgence, ce problème s’impose amèrement à nous aujourd’hui de façon nationale : le serpent dont nous connaissions tous la tête venimeuse, et autour de laquelle nous avons inutilement tourné (rapport Diendéré sur le Rsp !), vient de nous mordre mortellement. Aussi bien, s’il y avait une faute de la Transition et de ses amis internationaux, c’est bien de n’avoir pas eu le courage d’essayer de frapper le serpent avant qu’il ne morde : faute mortelle. Mais cette Transition était de toute façon déjà morte (et la nation était déjà en danger) de son impuissance même à frapper et tuer le serpent : circonstance atténuante.

4. Or, de ce fait, si le CND, ce corps non national de Diendéré pour Diendéré (son bouclier peut-être aussi) n’est national que comme problème, on ne voit pas comment il pourrait jamais résoudre quelques prétendus problèmes ou fautes de la Transition, étant lui-même Le problème ou la maladie dont la Transition est morte pour l’instant. On ne voit pas comment le CND / RSP peut être la solution d’un problème qu’il est lui-même...

Le CND/RSP ne résoudra rien, n’est la solution de rien, puisqu’il est lui-même notre seul problème démocratique national, après le régime Compaoré. C’est précisément ce que nous subissons en ce moment.

5. Les responsables de l’ex majorité Compaoré ont tort de se réjouir du putsch actuel, comme des enfants à qui l’on redonne enfin, de nouveau, le jouet perdu : le problème RSP étant notre problème national, le poison qui fait et fera toujours obstacle à la construction d’une véritable démocratie au Burkina s’il n’est pas éliminé , il semble que c’est une grave erreur de jugement d’applaudir le coup de force en cours dans notre pays, lequel, tout bien considéré, n’arrange, quant à la démocratie, absolument personne en particulier, ni l’ex majorité, ni les ex opposants.

Au contraire, nous devons nous rendre compte aujourd’hui qu’aucune élection véritablement démocratique au Burkina Faso ne pourra jamais avoir lieu, que l’on revienne à la Transition ou que l’on se rende pieds et mains liés à Diendéré, si le problème RSP n’est pas résolu d’une façon ou d’une autre. Personne ne devra plus, après ce putsch, parler sérieusement d’élections et de Démocratie au Faso avec l’épée de Damoclès (et quelle épée, plutôt des armes lourdes !) qu’est le RSP.

Que les responsables et cadres de l’ex majorité Compaoré, notamment le CDP, fassent tout de même preuve d’un peu de réflexion : personnellement, parce que je suis démocrate, je me méfierais de suivre ou même ne suivrai jamais un homme qui fait un coup d’Etat parce que son épouse a été, comme d’autres, mais selon des règles et non par les armes, recalée à une candidature...

Franchement, il semble à toute personne réfléchie et responsable moins périlleux et moins ridicule de se faire l’avocat du prétendu diable-Transition que de (penser) trouver dans l’effroyable diable-RSP en personne nommé Diendéré, ou dans le mal démocratique burkinabè qu’est le RSP, son avocat et justicier... C’est une bien illusoire sécurité que de s’en remettre au diable comme au bon Dieu !

À moins d’avoir soi-même quelque chose de diabolique, c’est-à-dire de profondément non démocratique. Et, en effet, je crains et regrette que l’ex majorité et ses cadres ne se rendent toujours pas compte à quel point ils s’enferment dans une logique totalitaire et monopolistique qui consiste à ne pas supporter qu’un autre burkinabè qui n’est pas de leur parti gouverne le Faso ; et à ne s’aligner que derrière un seul homme, en l’absence duquel ils se retrouvent évidemment comme perdus et victimes du monde entier, pour gémir et souffrir le martyre. Ce sont eux-mêmes les premiers qui ne voulaient pas entendre parler de l’alternance, aujourd’hui ils se plaignent d’avoir été exclus du jeu démocratique de l’alternance !!

6. Si la parole du poète selon lequel " là où croît le danger, croît aussi ce qui sauve " est vraie, alors le putsch en cours dans notre pays est l’occasion ultime que le RSP lui-même nous offre pour en finir avec le mal et problème démocratiques qu’il est : toute véritable solution démocratique ne pourra maintenant que passer par la fin du RSP. La seule et unique condition ferme pour aller s’asseoir autour d’un Diendéré et parler démocratie et d’élections, à défaut d’un retour à la Transition, ne peut être que le désarmement du RSP, et de la remise à toute l’armée burkinabè des armes stockées à l’usage du seul RSP. Comme cela se fait dans tous les pays où l’armée et des armes sont impliquées dans les crises contre la démocratie, on désarme avant de parler élections.

La faute nationale et internationale de la Transition, encore une fois, aura été de vouloir foncer tête baissée vers des élections démocratiques et transparentes sans avoir jamais véritablement pris au sérieux la menace antidémocratique qui pouvait, comme cela se passe aujourd’hui, à tout moment empêcher la tenue de ces élections. Ou d’avoir pensé que ce sont les élections qui régleront d’elles-mêmes ce problème, sans jamais envisager que le RSP qui est ce problème puisse empêcher ces élections. C’est une illusion d’autruche de penser que le Burkina peut être une démocratie avec une armée absolument réduite à sa composante non démocratique et non républicaine, et malgré les signaux d’alerte à répétition envoyés par ce même RSP...

7. L’effet inattendu de ce putsch est que la Révolution d’octobre 2014, qu’il pense tuer et enterrer à travers la dissolution de la Transition, et jusqu’à en interdire la commémoration prochaine, cette révolution n’est pas morte. Au passage, tous ceux qui ont parlé de l’insurrection d’octobre 2014 comme d’un coup d’Etat ne voient-ils pas aujourd’hui les véritables coup d’état et putsch ? Et que disent-ils en comparaison de l’insurrection de 2014 ?

Les soldats putschistes du RSP prouvent même par leurs actes et comportements violents qu’il y a une vérité insurrectionnelle qui consiste à détruire et en finir avec ce que l’on n’aime pas pour de bonnes raisons, c’est-à-dire démocratiques. En quoi ces putschistes prennent exemple sur et imitent cela même qu’ils pensent et disent détruire, le révolutionnaire et le démocratique : sauf qu’il y a, faute de bonnes raisons, une différence entre la tragédie et la farce.

Précisément, faute de bonnes raisons, les putschistes du RSP s’adonnent à la TERREUR d’Etat, aux antipodes de toute démocratie, lorsque, comme c’est le cas en ce moment, l’autorité et la force publiques se livrent à des actes de violence normalement interdits aux individus. LA TRANSITION NE S’EST JAMAIS RENDUE COUPABLE D’UNE TELLE TERREUR !! Elle n’a tué ni fait tuer personne au Burkina Faso...

Par conséquent, et à la réflexion, pour reprendre ici la différence que R. Aron a vue entre la démocratie et le totalitarisme, les imperfections de la Transition que beaucoup s’égosillent vainement à ressasser, ne sont que de bien douces et sublimes vertus en comparaison de L’imperfection démocratique et républicaine, congénitale et incurable du RSP de Diendéré Compaoré. C’est exactement sur cette démarcation que nous nous postons, résistons et résisterons. Et cette différence ne passe pas, sauf pour ceux qui sont à court d’arguments, entre des burkinabè et des non ou moins burkinabè, mais entre des démocrates, de quelques partis politiques qu’ils soient, et des non voire antidémocrates.

8. Selon cette différence fondamentale entre le démocratique et le non démocratique, il y a deux manières d’occuper la rue : celle insurrectionnelle et révolutionnaire, nue et désarmée, contre l’inacceptable et l’insupportable ; et celle terrorisante, armée pour tirer et tuer des citoyens non armés avec des balles réelles, à la Nkurunziza du Burundi sur qui nos putschistes prennent exemple à n’en pas douter ...

Mais ce qui motive et encourage la première, insurrectionnelle et démocratique, c’est le souvenir et l’exemple des dictateurs les plus sanguinaires qui ont fini par être déchus, vaincus, jugés et condamnés ou exécutés. Or pour la première fois au Burkina Faso, un coup d’Etat ne soulève pas le peuple mais l’écrase. Pas de liesse ni d’allégresse, mais colère, morts et révolte : en cela le Coup Nul (archi nul et foireux) de/pour Diendéré (CND) est déjà en soi un échec. Résister aujourd’hui signifie rendre effectif et irréversible cet échec du putsch...

Kwesi Debrsèoyir Christophe DABIRE
di.kombo@yahoo.fr

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