L’humeur de Pathé Barry : « Je ne suis pas insurrection » !
Vous pouvez penser ce que vous voulez mais je vous dis que cette loi que le CNT a votée là est injuste. Elle fait la part trop belle à certains au détriment d’une fraction de la population. Ça ne se passera pas ainsi. Nous entrerons en résistance. Advienne que pourra.
Nous nous battrons avec tous les moyens à notre disposition pour rentrer dans nos droits. Vous avantagez certains seulement et vous croyez que nous croiserons les doigts pour vous regarder mettre en péril notre avenir ? Les autres, je dis bien tous les autres, savent à quoi s’en tenir depuis le vote de la loi. Même si tous n’en sont pas satisfaits, au moins savent-ils à quelle sauce ils seront mangés. Mais… et nous ?
Quel sort nous est réservé ? Nous, c’est tous ceux qui avaient quitté le parti au pouvoir pour aller voir si l’herbe était plus verte chez leurs adversaires les plus irréductibles et qui, par la suite, sommes repartis à la maison mère. Aucun alinéa de la nouvelle loi ne parle de nous. Et pourtant, nous sommes de ce pays également. Allons seulement ! On va voir ce qu’on va voir.
Il faut qu’on nous dise où nous sommes classés dans tout ça. Sommes-nous électeurs et éligibles ?
En quittant nos premiers compagnons, nous leur avions rendu nos cartes de membres. Mas c’est pendant que nous faisions le chemin inverse vers eux que les événements se sont précipités. Nous n’avons même pas eu le temps de déposer nos balluchons ni de nous faire confectionner de nouvelles cartes. Peut-on dire que nous avons soutenu la modification de l’article 37 ? Publiquement ?
Soyez raisonnables ! Moi je pense que non. S’il y a vraiment une justice indépendante dans ce pays, notre cas sera examiné avec la plus grande attention. Nous ne sommes plus encartés. Nous sommes au milieu. En équilibre précaire.
Toute cette situation alambiquée a une seule cause : l’insurrection populaire. Je m’insurge à mon tour contre elle. Et ses acteurs. Et leurs dérives. Une promotion inespérée ! Hélas, gâchée par une foutue insurrection. Une insurrection qui aurait pu ou qui aurait dû être évitée et qui est arrivée trop tôt. Juste une semaine avant le passage de mon dossier au Conseil des Ministres. Snif !
En effet, j’avais reçu des promesses fermes que si j’acceptais abandonner mes nouveaux amis pour rentrer à la maison, mon dossier de mutation à Ouaga serait examiné avec la plus grande attention. Mieux, je serais nommé « Chargé de Mission » au ministère. J’eus préféré « Directeur de Cabinet » ou « Directeur Général ». Mais mes papiers ne permettaient pas de me nommer à de tels postes. On me rassura néanmoins que « Chargé de Mission », c’est un fourre-tout ou personne ne jette un coup d’œil alors qu’il y a à manger dedans. Je ferais du tourisme dans tous les recoins du Burkina et même au-delà, aux frais de la princesse. J’oublierais ce qu’on appelle « fin de mois »car je présiderais des séminaires et ateliers à Manga, Ziniaré ou Kaya, assis dans mon bureau de Ouaga. Et les per-diem pleuvraient. L’unique effort exigé serait de prendre la peine de saisir un stylo et d’apposer ma signature au bas d’une liste de participants. Vous parlez de farniente !
C’était d’ailleurs en prévision de cette nomination que je suis allé louer une maison à Ouaga. Et quand le propriétaire a exigé que je lui verse 3 mois de loyers comme caution de sécurité, je le lui ai réglé séance tenante. Maintenant que les choses ont tourné au vinaigre, ce suceur du peuple refuse de me rembourser mon argent. Dieu ! Que la morale a vraiment foutu le camp chez certains. « Tu veux manger sans efforts ? Dieu te voit ! », lui ai-je lancé avant de repartir, courroucé.
Je suis mal à l’aise auprès de mes collègues maintenant. Le regard des autres fait mal. Surtout avec cette vague d’arrestations provoquée par Ibriga. Pour le moment, mon ami ex-maire n’a pas été inquiété. Mais sait-on jamais ? Cette « Opération Mains Sales à Laver » risque de toucher des gros calibres. Les menus fretins seront-ils inquiétés ? Moi, en tout cas, je n’ai reçu que quelques parcelles pour appâter ceux qui accepteraient me suivre. Je les ai toutes vendues, me disant que ce qui était devant serait encore plus doux et que les parents paysans que j’avais réunis pour ma conférence de presse ne se souciaient pas de parcelles. Si on m’arrête, je parlerai. Je parlerai des dossiers sédimentés qui dorment dans certains tiroirs. Je ne coulerai pas seul.
Qui pouvait prévoir une accélération aussi brusque des événements ? Va-t-on me croire encore si j’organisais une autre conférence de presse pour annoncer mon ralliement au bon camp ? Celui de la victoire ? Mes cousins au village vont-ils accepter refaire le déplacement sur Ouaga ?
Je ne veux pas voler au secours de la victoire, hein ! Je me cherche. Tout le monde se cherche. J’ai un cousin haut placé dans les instances actuelles. Mais lui-même se cherche. Il ne prendrait aucun risque pour me protéger. Et je le comprends. Avec cette surveillance accrue, parfois même excessive, que les gens exercent les uns sur les autres, il est prudent de se méfier. En attendant.
Dans un pays où les gens sont prêts à redescendre dans la rue à tout moment, ou ceux qui sont censés aider mettent parfois des bâtons dans les roues, il faut faire attention. Car tout ce que vous dites pourrait être retenu contre vous. Les gens ne comprenant pas le discours imagé, si vous leur dites que les décisions se prendraient désormais dans la rue, il faut vous attendre à ce qu’ils vous croient littéralement et vous le rappellent de temps à autre afin que vous « teniez vos promesses ». Vous tenez un discours menaçant ceux d’en face ? Même vos partisans, frileux, se sentent visés et vous fragilisent, en vous rappelant que c’est par la rue que vous êtes venus et que vous risquez d’y retourner en vitesse.
Mais tout ça n’est pas mon problème. Le mien est ailleurs. J’ai besoin du soutien de mes proches en ces moments difficiles de ma vie. Mais l’inspecteur, vous vous en souvenez ? Ce fonctionnaire trop zélé qui, la dernière fois, voulait me faire la morale sur mes absences inexpliquées à l’école ? Celui que j’ai remis à sa place après l’avoir humilié devant son épouse ? Eh bien ! Il refuse obstinément de m’adresser la parole alors que, pour regagner sa sympathie, je ramène, à chaque sortie, des fruits pour ses enfants.
Pire, les bambins du quartier ont, comme par enchantement, découvert une chanson de Black So Man intitulé, « le Procès », qu’ils se mettent à fredonner dès qu’ils me voient :
« Arrêtez qui de droit
Destituez qui de droit
Car nul n’est au-dessus de la loi. »
Je sais qui est derrière cette honteuse cabale et je le tiendrai pour responsable de toute détérioration du climat social dans le quartier.
Pour ne rien arranger, voilà qu’à présent ma femme me suspecte d’avoir pété un plomb. Elle dort depuis un certain temps avec les enfants. Elle prétend, à mon grand étonnement, que chaque nuit et ce, à plusieurs reprises, je me lève en sursaut et en sueurs, pour crier, tel un dément :
« JE NE SUIS PAS INSURRECTION ! »
BARRY Pathé
Enseignant à Kaya
Vos commentaires
1. Le 13 avril 2015 à 13:29 En réponse à : L’humeur de Pathé Barry : « Je ne suis pas insurrection » !
Poésie ou comédie !? Tout de même amusant.
2. Le 13 avril 2015 à 13:53, par papy En réponse à : L’humeur de Pathé Barry : « Je ne suis pas insurrection » !
Ça change un peu nos humeurs. Avec cette situation tout est au ralenti. Espérons que ça aille un jour. J parle pour les honnêtes citoyens. Sinon les autres, hum....... ils ont trouvé ce qu ils étaient en train de chercher.....
3. Le 13 avril 2015 à 13:55, par peter En réponse à : L’humeur de Pathé Barry : « Je ne suis pas insurrection » !
Pourquoi lefaso.net publie-t-il de tels torchons ?
4. Le 13 avril 2015 à 14:19, par Kassoum En réponse à : L’humeur de Pathé Barry : « Je ne suis pas insurrection » !
Vous etes, sans modestie, une grande figure dans l’art de exprimer, de communiquer... Je me plais vraiment à vous lire tout le temps. Si on pouvait vous lire ici chaque semaine, cela plairait surement à beaucoup de lecteurs, et moi en premier !
Merci !
5. Le 13 avril 2015 à 14:27, par Dumper En réponse à : L’humeur de Pathé Barry : « Je ne suis pas insurrection » !
MDR. M. BARRY vous êtes trop fort.
Merci à vous qui nous redonnez le sourir.
Trop cool.
Longue vie à vous et surtout restez vous même. Ne laissez pas votre "voisin" vous changer. MDR
6. Le 13 avril 2015 à 14:54, par Abdoulaye Sanfo En réponse à : L’humeur de Pathé Barry : « Je ne suis pas insurrection » !
Merci pour ce beau poème. J’étais fatigué et tu m’as reveillé. Vive le rêve car il n’est point réalité. Et si, seulement si, on recommençait l’histoire. Cette belle histoire des peuples qui inspirent les peuples mais qui n’enseignent pas les hommes endurcis refusant d’être éduqués par l’exemple. Alors je suis en octobre 2014 ; plus précisement le 29 ! je suis Blaise Compaoré. Je décide ce soir là, contre toute attente, contre les avis des conseillers, contre les plans d’avenir de mes hommes, contre tout bon sens - alors je décide d’organiser une conférence de presse surprise. Et j’annone, oui j’annonce et je disparaît dans la nature, en mission prolongée suivie d’asile. Oui j’annonce "Je ne modifie aucun article de ma constitution" - d’ailleurs, je me sens malade ; mon successeur constitutionnel prend la relève pour compter de ce soir et sera chargé d’organiser des élections libres, sérieuses inclusif, et sans faute. Oui, c’est moi, Blaise qui ai décidé ainsi. Vive les femmes et les hommes, vive le Burkina Faso. J’ai parlé.
Et sous le feu du ronronnement de l’hélicoptère, Blaise est parti, libre et acclamé. Quelle belle histoire d’un Blaise qui a réussi, bel exemple pour le Monde sous developpé qui se massacre dans les élections
7. Le 13 avril 2015 à 15:04 En réponse à : L’humeur de Pathé Barry : « Je ne suis pas insurrection » !
Pathé Barry, une loi ne pourra jamais avantager et les loups et les agneaux. Memes les fetiches du village ne sont pas a l’ avantage des sorciers, des malfaiteurs.CNT, vous avez le soutien de la majorite. C’est l’essentiel. Quand on veut saluer le lepreux par le poignet, il veut vous embrasser. Dicko a construit sa villa a 250 millions. il peut nous dire ou un prof biochimiste peut avoir 250 millions ? Si on ne l’a pas encore pris, il n’a qu’a remercier le CNT pour sa lenteur.
Excitez- vous comme vous voulez. On vous traitera de la meme maniere qu’ on a traite votre mecene qui s’ ennuie a mort aujourd’ hui a Abidjan. Ne blaguez pas avec le peuple burkinabe. Ila vu la lumiere et plus rien ne sera comme avant.
8. Le 13 avril 2015 à 15:08, par Levériteur En réponse à : L’humeur de Pathé Barry : « Je ne suis pas insurrection » !
En tout cas ton inpecteur a eu tord. Moi, je sui en provincr, mais jai constaté que la rentrée du 1er Avril fut 1véritabl vrai réel proisson d’avril. Le MENA doit revoir beaucoup de choses. La composition après le CEP, c’est ridicul et irresponsable. Tout le sait qu’après les examens, les esprits sont deja aux vaccances.
9. Le 13 avril 2015 à 15:20 En réponse à : L’humeur de Pathé Barry : « Je ne suis pas insurrection » !
yako !ça va te passer ms ça prendra du tps.
10. Le 13 avril 2015 à 15:41, par Goodman En réponse à : L’humeur de Pathé Barry : « Je ne suis pas insurrection » !
Très beau, vérité et poésie semblent pour une des rares fois, rimées ensemble.
Que puis-je dire de plus ? c’est beau, c’est très beau, c’est excessivement beau
11. Le 13 avril 2015 à 16:05, par Rapug-yandé En réponse à : L’humeur de Pathé Barry : « Je ne suis pas insurrection » !
Merci Barry. J’ai ri jusqu’à en couler des larmes. La fatigue que je ressentais s’en est allé. Merci pour cette fiction.
12. Le 13 avril 2015 à 16:10, par article 37 En réponse à : L’humeur de Pathé Barry : « Je ne suis pas insurrection » !
Monsieur BARRY, quand nous sommes sortis les 28, 30 et 31 octobre, personne ne vous demandé quoi que ce soit. restez droit dans vos bottes. Vous avez vos avis, les nôtres demeurent. Il va vous falloir encore de temps pour que vous ouvrez les yeux, vous les enfants gâtés du régime COMPAORE.
13. Le 13 avril 2015 à 16:40, par article 37 En réponse à : L’humeur de Pathé Barry : « Je ne suis pas insurrection » !
Il y a les voleurs qui ont pillé le MENA qui doivent mis aux arrêts avant qu’ils ne s’évanouissent dans la nature. Ceux qui ont volé les moustiquaires et qui jouent aux innocents. Vite, car il y en a qui se préparent à disparaître dans la nature.
14. Le 13 avril 2015 à 18:27, par zomkom En réponse à : L’humeur de Pathé Barry : « Je ne suis pas insurrection » !
Ha la la moins un tu etais charge de missions...Il faut plutot investir dans ton cheptel plutot qu’en politique ha ha ha !
15. Le 13 avril 2015 à 18:29, par Bilassi Konkaosse En réponse à : L’humeur de Pathé Barry : « Je ne suis pas insurrection » !
Pate de porc, vous avez nomme Ibriga pour qu’ il fasse du boulot. Il est en train de coffrer tous les saopris qui pris nos sous manger choueeeeee. S’ il ne le faisait pas, il aurait a repondre un autre jour. On faisait des rapports qu’ on transmets a l’ ASCE et ya fohe. C’est fini maintenant. On sera ce voir. Big Up , Ibriga. Il y aura beaucoup de pleur et de gemissement mais ya woto.
16. Le 14 avril 2015 à 10:02 En réponse à : L’humeur de Pathé Barry : « Je ne suis pas insurrection » !
Que le commentateur 2 saches lire et respecter les autres !! Félicitations M. Barry, "brave enseignant de brousse" à Kaya !
17. Le 14 avril 2015 à 11:09, par Messager En réponse à : L’humeur de Pathé Barry : « Je ne suis pas insurrection » !
MERCI BON BERGER. ON VA VOTER UNE LOI CONTRE LE NOMADISME POLITIQUE ET VOUS AUREZ VOTRE CARTE DE RESIDENCE ET NOUS FOUTRE LA PAIX. SOYEZ INSURRECTION POUR MERITER LE TITRE DE TITRE DE CITOYEN BURKINABE........ PAUVRE BERGER !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
18. Le 14 avril 2015 à 12:51, par zoutinga En réponse à : L’humeur de Pathé Barry : « Je ne suis pas insurrection » !
Tu es formidable. beaucoup de courage
19. Le 14 avril 2015 à 13:02, par biriki En réponse à : L’humeur de Pathé Barry : « Je ne suis pas insurrection » !
Blaise, vient voir ce que tu as fait de notre éducation, certains ne comprennent même pas les figures de style. Le gars dit le contraire de ce qu’il pense pour mieux attirer l’attention des autres et les gens pensent qu’il pense mal ! On appelle ça ironie. Bravo à Pathé Barry.
20. Le 14 avril 2015 à 16:41, par izalakoun En réponse à : L’humeur de Pathé Barry : « Je ne suis pas insurrection » !
moi je t’appelle:le MAMANE burkinabe. cherche a faire valoir tes competence. ..vers bengue !
21. Le 14 avril 2015 à 18:26, par Abdoulaye En réponse à : L’humeur de Pathé Barry : « Je ne suis pas insurrection » !
Mr Pathé Barry : « Je ne suis pas insurrection » !, et vous voulez que ça nous fait quoi si vous n’êtes insurrection, le train du changement est en marche et personne, et rien ne vas l’arrêté. Finalement, vous pleurez sur qui ? pour vos amis politique ? nous voulons nous autres un changement qualitatif de vie de la grande majorité pauvre qui ne peuvent pas manger a plus forte raison se soignée. Bien sur que si l’on pers des privilèges lies au départ d’un régime, on peut ne pas être « insurrection » !
22. Le 15 avril 2015 à 00:13, par le maître En réponse à : L’humeur de Pathé Barry : « Je ne suis pas insurrection » !
Pathé, courage, dire le contraire de ce qu’on pense, voilà une des figures de style que beaucoup aiment . Malheureusement certains ne sont pas à mesure de te comprendre.
Beaucoup de courage pour ce travail littéraire que tu nous berce.
23. Le 16 avril 2015 à 14:28, par antipeter En réponse à : L’humeur de Pathé Barry : « Je ne suis pas insurrection » !
Peter, commentateur num 3, cest la meme raison qui fait qu’ils ont publier le tien. barry, vas y