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Sosthène William Sanou, étudiant burkinabè en Tunisie : « A l’université, on ne vit pas le racisme ; mais dans la rue, c’est très fréquent ».

Publié le mercredi 17 avril 2013 à 21h46min

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Sosthène William Sanou, étudiant burkinabè en Tunisie : « A l’université, on ne vit pas le racisme ; mais dans la rue, c’est très fréquent ».

Présent à Ouagadougou dans le cadre de la mission sectorielle d’hommes d’affaires tunisiens venus à la rencontre de leurs compères du Burkina, Sosthène William Sanou, étudiant en Master dans le domaine business consulting en management stratégique à Tunis, par ailleurs Secrétaire général de l’Association des Etudiants et stagiaires en Tunisie, nous parle de la vie universitaire et de l’insertion des étudiants burkinabè au sein de la société tunisienne.

Lefaso.net : Combien sont-ils, les étudiants Burkinabè en Tunisie ?

Sosthène William Sanou (SWS) : Actuellement, on a 190 personnes qui sont répertoriées sur le registre de l’Ambassade du Burkina à Tunis. Mais en réalité, on a en environ 250 étudiants et stagiaires burkinabè en Tunisie. C’est ce nombre que nous avons au niveau de notre association.

Lefaso.net : Pouvez-vous nous décrire un peu le dynamisme de la solidarité entre étudiants Burkinabè en Tunisie ?

SWS : Entre étudiants Burkinabè, ça se passe de la meilleure des façons. On n’est pas très nombreux. Et vous savez, il est plus facile d’être solidaire quand on n’est pas très nombreux. Je prends l’exemple de la communauté malienne, c’est plus de 2 000 étudiants ; et c’est un peu difficile de les intégrer. Mais nous, c’est plus facile.

Le seul problème chez nous, c’est l’intégration des étudiants des établissements publics et les étudiants islamiques qui sont un peu éloignés de la ville, étant donné que toutes les activités associatives sont menées à Tunis. Pour les réunir fréquemment et essayer de faire des activités ensemble, c’est un peu difficile. Mais on est en partenariat avec l’association des étudiants africains qui réunit toutes les communautés estudiantines noires en Tunisie. On partage les mêmes valeurs avec toutes ces communautés, ce qui fait qu’on travaille ensemble, on mène des activités ensemble.

Lefaso.net : Parlez-nous de votre insertion tant académique que sociale en Tunisie ?

SWS : Vous savez, les Burkinabè à l’extérieur n’ont pas généralement de grands problèmes au niveau de l’encadrement. Au regard de ce que l’Etat et les parents mettent pour les études, on se doit d’envoyer de bons résultats scolaires.

Dans l’ensemble, depuis qu’on est en Tunisie, on observe généralement que les burkinabè sont très brillants et apportent à leurs parents satisfaction. Jusque-là, on n’a pas entendu dire qu’un burkinabè a failli à sa mission d’ambassadeur sur le plan des études. Nous nous battons pour satisfaire toujours aux attentes de nos parents ; et c’est très bien pour le Burkina Faso. On est reconnu comme ressortissant d’un pays ayant de la valeur éducative qui fait ses preuves hors du territoire national.

Maintenant par rapport à l’intégration sociale, ça se passe très bien. On arrive à s’entendre avec nos amis d’études avec qui on partage la grande partie de notre temps. Entre Burkinabè, on ne se voit pas fréquemment, parce qu’on est réparti dans plusieurs villes. Seuls ceux qui sont dans les établissements privés se retrouvent à Tunis. Mais c’est à l’occasion des assemblées générales de notre association qu’on se retrouve pour discuter notamment sur les difficultés que l’on rencontre de part et d’autre et sur les projets associatifs.

Lefaso.net : Les étudiants tunisiens avec qui vous passez le plus de temps, qu’en est-il du degré de convivialité de vos rapports ?

SWS : Entre étudiants, ça se passe bien puisse qu’il nous appartient tous d’être solidaires et de se conformer aux règles clairement établies et qui prônent la solidarité en excluant le racisme.
Mais dire qu’on a aucun problème en Tunisie, on aurait menti. On a énormément de problèmes au niveau administratif quand on veut obtenir le visa et pour l’obtention de la carte de séjour lorsqu’on est nouvel arrivant, il y a de véritables problèmes qu’on ne cesse de soulever. Sinon le reste, ça va.

Lefaso.net : L’on reproche très souvent aux pays maghrébins comme la Tunisie d’avoir un fort potentiel de racistes. Qu’en est-il, selon vous ?

SWS : Je pense que dans tous les pays, un homme de couleur minoritaire est un peu méprisé et regardé d’une autre manière. Maintenant, quand on parle de pays arabes, on voit directement le côté raciste avant de voir le bien que ces pays peuvent apporter aussi.

Parlant du racisme, je dirai oui, on vit ça très souvent, mais pas de la part de nos camarades étudiants ; c’est surtout dans la rue. D’une façon générale, c’est ceux qui n’ont pas une culture éducative, qui pratiquent des actes racistes. Par contre, ceux qui ont une ouverture d’esprit, qui ont découvert le monde, sont assez tolérants. A l’université, on ne vit pas le racisme comme ça, mais dans la rue, c’est très fréquent.

Lefaso.net : Comment vous y prenez-vous face à des actes racistes ?

SWS : On a tous un tempérament, on est tous différents. Les réactions sont différentes d’une personne à l’autre. Il y a des gens qui réagissent violemment, tandis que d’autres le font de façon posée.

De mon côté, j’arrive à réagir de la façon la plus calme à de tels actes que je qualifie même de passagers en me disant que je suis là pour un objectif précis- bons résultats scolaires- si bien que j’arrive à évacuer rapidement la colère que ces actes engendrent en moi.

Lefaso.net : Vous arrive-t-il parfois d’avoir des problèmes avec la police tunisienne dont la rigueur est souvent décriée ?

SWS : Oui ! On a d’énormes problèmes avec la police là-bas. Nous qui venons d’un pays pas très développé économiquement, on nous considère à peine comme étant des étudiants venus vraiment pour étudier.

Avec l’aide de notre Ambassade là-bas qui se bat énormément, nous arrivons à éviter beaucoup de problèmes avec la police en général. Mais c’est la police des frontières au niveau de l’aéroport qui est très stricte envers nous. Ces policiers diront qu’ils font leur travail, mais est-ce vraiment leur travail ? On peut tous se poser cette question, parce qu’il y a des réalités que l’on vit. On a lu un article dénonçant cette réalité, article publié récemment sur le site Lefaso.net. Et ce sont des réalités qu’on vit très fréquemment ; on se garde d’en parler, mais c’est une réalité, beaucoup de gens la vivent. Nous étudiants burkinabè, nous vivons cela toutes les fois que nous entreprenons les démarches pour l’obtention d’un visa ou autre document de voyage. C’est dommage, c’est énorme, et ça dérange vraiment ! Mais je crois que les gens verront bientôt comment régler ces problèmes.

Lefaso.net : Quel est votre regard, en tant que burkinabè résident à l’étranger, sur le Burkina Faso ?

SWS : Oui, moi je suis tout le temps surpris lorsque je rencontre ceux qui connaissent le pays et qui parlent de l’intégrité du burkinabè. On nous parle vraiment bien du Burkina. En tout cas, pour ceux qui connaissent l’Afrique de l’ouest, l’Afrique noire, le Burkina est très bien vu à l’extérieur.

Maintenant, nous aussi, on est ambassadeur de notre culture à l’étranger. Dans ce sens, on lutte pour plus de visibilité du pays en prouvant que le burkinabè reste l’homme intègre, fier d’être le ressortissant d’un pays qui a ses valeurs que sont le respect, la loyauté, et vraiment l’amour de son prochain comme on nous les a apprises. Le Burkina se distingue par ces valeurs ; et nous, on en est très fier si bien qu’on peut sortir crier partout je suis Burkinabè, et ça fait énormément plaisir.

Lefaso.net : Peut-on penser à vous voir rentrer au pays pour travailler à la fin de vos études ?

SWS : Oui, bien sûr ! Je peux dire que tous ceux qui sont à l’étranger pour des études désirent un jour ou l’autre rentrer au pays et contribuer à son développement au moyen de ce qu’ils ont appris à l’étranger.

C’est vrai que quand on voit un peu les difficultés que les gens affrontent dans les universités ici, on a peur de venir pour se retrouver dans pareilles situations ; d’autre part aussi, quand on voit comment le pays évolue, on a envie de venir apporter quelque chose à ce processus. On a tous envie de revenir ; tôt ou tard, on reviendra.

Entretien réalisé par Fulbert Paré

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