Ils sont à plus de 17 000 km du Burkina Faso, étudient certainement dans de bien meilleures conditions. Et pourtant, ils se soucient de leurs « frères » étudiants restés au pays, précisément ceux de l’Université de Ouagadougou. C’est le sentiment que les étudiants et stagiaires du Burkina Faso à Taïwan ont affiché dans la soirée du mardi 22 mai 2012, lors d’une rencontre à Taipei, avec une équipe gouvernementale burkinabè constituée du Premier ministre, Luc Adolphe Tiao, du ministre des Infrastructures et du Désenclavement, Jean Bertin Ouédraogo, du ministre de l’Education nationale et de l’Alphabétisation, Koumba Boly/ Barry et du ministre délégué chargé de la Coopération régionale, Vincent Zakané.

« Nous avons le cœur meurtri de savoir que nos frères au pays sont dans l’impasse », a fait savoir le président de l’association qui les regroupe, Kora Alain S. C. Benon. En effet, les bacheliers de la session 2011 sont toujours en attente d’accéder à l’université alors que la session du Baccalauréat de cette année a démarré, avec les épreuves sportives. Pour lui, il faut nécessairement trouver une solution dans le sens du rétablissement du cursus universitaire normal. Sur la question, il n’a pas manqué de propositions : un dialogue franc du gouvernement avec les étudiants et les enseignants afin d’imaginer un scénario de sortie de crise réaliste et efficace.

Ces étudiants qui disent « avoir appris beaucoup de choses » de par leur séjour en République de Chine (Taïwan), sont allés au-delà du supérieur pour mener une réflexion autour du système éducatif burkinabè dans sa globalité. Leur porte-parole, M. Benon, a suggéré une réforme en profondeur, dudit système, dans l’optique d’introduire l’éducation civique à tous les niveaux du cursus. C’est à ce prix que les Burkinabè apprendront à respecter le bien public dont ils contribuent, d’une manière ou d’une autre, à l’achat ou à la construction. Il a, par ailleurs, recommandé, pour le primaire et le secondaire, à mettre l’accent sur la connaissance du Burkina par les élèves. Ainsi, a-t-il estimé, les apprenants pourront avoir de meilleurs repères, en s’identifiant, par exemple, aux valeureux hommes du pays.

Vaillants ambassadeurs !

Ces idées énoncées par des étudiants burkinabè vivant à l’extérieur ont arraché des acclamations « discrètes » au ministre de l’Education nationale, Koumba Boly/Barry, assise au présidium, avec le Premier ministre. Luc Adolphe Tiao, lui-même, s’est dit édifié par la démarche constructive de ces étudiants qui, au lieu de « bombarder » la délégation gouvernementale de leurs propres préoccupations, comme c’est souvent le cas à ces occasions, ont choisi de tracer des pistes d’un Burkina Faso émergent. C’est la preuve, à son avis, que ces « jeunes » ont changé de mentalité et sont appelés à devenir de véritables leaders.

Après avoir tenu ces propos, le Premier ministre n’était pas au bout de son étonnement. Puisque les échanges qui ont suivi les discours introductifs ont enregistré une profusion de projets pour le développement du Faso : l’énergie solaire, l’usage quasi-systématique de l’informatique pour optimiser les modes de gestion, la création d’un ministère chargé des Ressources humaines…Luc Adolphe Tiao, visiblement intéressé par certains projets, assortis d’arguments chiffrés, les a recensés, dans la perspective de les approfondir et de juger de leur faisabilité.

A entendre l’ambassadeur du Burkina Faso à Taipei, Jacques Sawadogo, les étudiants et stagiaires burkinabè font aussi bonne impression dans leur pays d’accueil. Au nombre de 84 dont 16 filles, selon les statistiques de l’ambassade, ils sont à différents niveaux de formation (PHD, Master et Bachelor, etc.). Leurs filières sont aussi variées : médecine, informatique, électronique, agronomie, relations internationales, commerce international, la comptabilité, apprentissage de la langue chinoise… Des élèves officiers d’actives y sont aussi en formation. A tous ceux-ci, il faut ajouter les Burkinabè qui bénéficient de bourses de courte durée (1 à 6 mois), estimés à 86 pour l’année 2011. Dans cette variété, le point commun des étudiants burkinabè, a confié M. Sawadogo, demeure l’excellence.

Il n’a pas tari d’exemples : un Burkinabè sorti 1er d’un joute oratoire en mandarin et en taïwanais, un brillant mathématicien recruté par une firme américaine, un groupe d’étudiants burkinabè qui remporte en Mongolie, le 1er prix d’une compétition internationale avec un projet sur les lampes solaires, etc. Ce qui lui a fait dire que les ambassadeurs du « pays des Hommes intègres » en République de Chine Taïwan sont ces étudiants. Conscients de la qualité des enseignements (académique et de vie) reçus à Taïwan, ils ont demandé au gouvernement de travailler avec ses partenaires taïwanais à doubler le nombre de bourses accordé annuellement au Burkina Faso. Cette doléance a trouvé une oreille attentive, parce que dès le lendemain, au cours d’une visite au siège du Fonds taïwanais de développement et de coopération internationale (ICDF), Luc Adolphe Tiao a entamé la défense de ce dossier auprès du secrétaire général dudit fonds, Tao Wen-lung. Mais comme tous bons ambassadeurs, ces étudiants et stagiaires doivent revenir au Burkina pour construire le pays, a insisté le Premier ministre.

Koumia Alassane KARAMA ( karamalass@yahoo.fr ) : Envoyé spécial à Taipei

Sidwaya