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Lettre de Malabo : Hamidou Diabo, un concierge intouchable

Publié le vendredi 10 février 2012 à 00h32min

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De tous les Burkinabè qui résident sur l’île, il est vraiment un homme veinard. Sa situation est différente des autres, et il peut aller là où bon lui semble sans être inquiété par qui que ce soit. Celui dont nous voulons parler est originaire de Zabré ; il répond au nom d’Hamidou Diabo. Concierge chez la sœur aînée du président Obiang Nguema Mbasogo, il est comme un personnage intouchable bien qu’il n’ait pas de visa.

Quand on arrive à Malabo 2, à proximité de Rotonda de Razel, se dresse majestueusement un immeuble à trois niveaux. Il est bien visible et presque tous les chauffeurs de taxi à Malabo savent à qui il appartient. Quand on vous dépose à côté de l’appartement, on vous regarde en pensant peut-être que vous êtes de la famille présidentielle.

C’est là que travaille Hamidou Diabo comme concierge. Dans la cour de l’appartement, il y a une petite maisonnette qui lui sert de logement. Chaque soir, il sort un poste téléviseur pour suivre les matches de la CAN avec un groupe de jeunes qui habitent un village contigu à l’appartement.
Depuis notre arrivée, Hamidou est toujours resté discret et nous l’avons abordé quand il était au troisième étage en train de démonter des lits d’une place.

Nous avons cru, un moment, qu’il allait toucher à notre lit de deux places après cette affaire des serviettes et draps disparus que nous avions évoquée dans les coulisses de notre édition du mardi 7 février 2012. Mais il nous a rassuré que ce n’est pas pour nous mettre à la porte. Les lits qu’il démontent ont été loués avant que la presse et les supporters n’arrivent ici. C’est sa patronne (la sœur aînée du président Obiang Nguema Mbasogo) qui lui a demandé de le faire, et les lits doivent être restitués à son propriétaire.

L’échéance de la location arrivant à son terme le lundi 6 février dernier, il ne nous restait plus qu’à libérer les lieux rapidement. Nous avons vu des Chinois faire des va-et-vient et tout laissait croire qu’ils seront les nouveaux locataires.

Nous faisons nos bagages pour ne pas avoir des ennuis surtout que la patronne peut faire de nous ce qu’elle veut. Son frère préside aux destinées de ce pays depuis 30 ans et c’est à nous de savoir à quoi nous en tenir. Personnellement, j’ai suffisamment de problèmes pour qu’on me jette dans une prison obscure. Mes bagages étant faits, je déboule les escaliers et en un laps de temps, je me retrouve dans la cour.

Peu de temps après, une 4 X 4 flambant neuve entre dans la cour. Au volant, je vois une jeune femme avec à bord des filles dont je reconnais certaines. Elles sont là pour faire le ménage. La conductrice échange avec elles en espagnol et inspecte un moment la cour avant d’aller saluer des Chinois qui font des travaux. De l’endroit où je suis, j’observe attentivement tout ce qui se passe. La jeune femme, avant de repartir, vient vers moi et me salue.
« Monsieur, vous n’allez pas monter pour vous reposez ? », me dit-elle.

Nous attendons qu’on vienne nous chercher pour l’aéroport. Nous partons aujourd’hui à Libreville, lui répondis-je.
- « Qui doit venir vous cherchez ? », demande-t-elle encore.

C’est le consul du Burkina. La fille du propriétaire de l’appartement regarde le badge que je porte et demande ce que je fais. Quand j’ai prononcé le mot journaliste, elle s’est contentée de dire OK. Puis, elle monte dans sa voiture et repart. Je vous le dis, à l’instant même, mon cœur ne bat plus la chamade. Je suis remonté à l’appartement pour profiter du climatiseur. Les Chinois venaient d’installer le courant. Auparavant, c’était un groupe électrogène qui fonctionnait 24 sur 24 heures et pour le moment, c’est un forage d’une grande capacité qui alimente toutes les chambres en eau.
Hamidou, que j’ai revu après, m’a raconté comment il est arrivé en Guinée-Equatoriale.

C’est par un mois de septembre qu’il a débarqué à Malabo en provenance de Cotonou. Son titre de transport a été pris en charge par son père qui avait fait plus de dix ans en Guinée-Equatoriale. Il rentrait définitivement au Burkina après avoir travaillé avec la sœur du président Obiang. En reconnaissance des services rendus, celle-ci avait demandé à son employé s’il avait un fils qui pouvait venir travailler avec elle. C’est ainsi qu’Hamidou a quitté son Zabré natal pour ce pays qui lui était inconnu. Il n’avait pour seul bagage qu’un petit sac qui contenait un objet précieux : une lettre.

J’ai l’intention de rester à Malabo

A l’aéroport, on lui fait payer 50 000 FCFA et une fois à la sortie, le voyageur est accueilli par un envoyé de la sœur du président.
Quelques jours après son arrivée sur l’île, il rencontre l’ancienne patronne de son père. Les choses se mettent en marche et le voici à l’appartement où il est concierge. Il est à sa deuxième année à Malabo et il parle couramment l’espagnol.

A la question de savoir si ses papiers sont en règle, il nous a répondu qu’il n’a pas de visa et sa patronne trouve d’ailleurs que ce n’est pas nécessaire. Mais n’a-t-il pas peur d’être arrêté en ville comme les autres étrangers sans papiers ? Selon Hamidou, depuis qu’on a su qu’il est au service de la sœur du président, la police ne lui a jamais demandé un quelconque document à présenter.

« Ma patronne m’a dit de la prévenir si des gens me dérangent en ville », ajoute-t-il un peu fier. Quand des agents, raconte-t-il, effectuent une rafle dans le kiosque où il prend d’habitude un café, il est non seulement épargné, mais on s’efface devant lui par déférence. En outre, si des gens réussissent à s’échapper et pénètrent dans la cour de l’appartement, aucun policier ne tente de s’approcher du portail. Là où il dort, c’est un peu comme une représentation diplomatique et il est devenu un personnage intouchable dans un pays où la plupart de ses compatriotes se cherchent.

Maintenant, la question qui me brûlait les lèvres était de savoir si le concierge perçoit un bon salaire. Moi qui pensais qu’il allait faire mystère de cela, il me répond sans hésiter qu’il est bien traité. L’enfant de Zabré m’a simplement dit qu’il a ouvert un compte à Tenkodogo (province du Boulgou) où il envoie chaque mois 200 000 FCFA. Je tombe des nues et je me demande intérieurement s’il ne faut pas rester à Malabo.

Ah, je vois les gens du Golf à L’Observateur Paalga en train de rire près du baobab alors qu’eux-mêmes se cherchent. A dire vrai, c’est vraiment tentant mais pourrais-je bénéficier de hautes protections comme le concierge ? Bon, je ne vais pas épiloguer pendant des heures ! J’ai encore le temps de réfléchir et puis, le fait que les vols pour Libreville sont pleins, je suis pour le moment bloqué sur l’île.

Mon retour à Ouagadougou est en principe prévu pour le 13 février 2012. Si on ne me voit pas au journal, il se pourrait que j’aie décidé de rester à Malabo. Hamidou est là et peut-être sait-on jamais.

A demain peut-être…

Justin Daboné

L’Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 10 février 2012 à 05:47 En réponse à : Lettre de Malabo : Hamidou Diabo, un concierge intouchable

    Je le conseille d’entrer en possession de documents de résidence car on ne sait pas quand est ce que ses protecteurs pourraient perdre le controle. Le Président pourrait un jour être viré. Même celui d’Egypte a perdu son pouvoir, Kadaffi qui était presque un Dieu en Lybie sauvagement tué. Mais c’est déjà bien qu’il ait pensé à avoir de l’argent au Burkina. Bon courage soldat.

  • Le 10 février 2012 à 10:42, par Bara En réponse à : Lettre de Malabo : Hamidou Diabo, un concierge intouchable

    Je vois que le cousin s’en sort très bien avec des économies de 200000FCFA/mois soit 305€.Il n’a rien à envier de ceux qui sont en Italie puisque y a rare qui peuvent économiser cette somme par mois.Du courage n’dagni.

    • Le 10 février 2012 à 22:17, par bootigoa En réponse à : Lettre de Malabo : Hamidou Diabo, un concierge intouchable

      est-ce vraiment ton dagni.Dis lui de venir souvent au village quand il aura l’ocassion.aussi, ses autres dagni voudront être à sa place.qu’il fasse quelque chose.k’an mo kaaa so.

  • Le 10 février 2012 à 13:54 En réponse à : Lettre de Malabo : Hamidou Diabo, un concierge intouchable

    Merci Justin ; lol .
    je ne savais pas nque tu etait aussi peureux ..........

  • Le 26 mars 2012 à 15:38, par guendé abdoulaye (abidjan) En réponse à : Lettre de Malabo : Hamidou Diabo, un concierge intouchable

    ndagni il faut souvant secourir tes compatriotes.ok cousin

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