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Réformes politiques : L’inclusion au service de l’intérêt général

Publié le vendredi 30 décembre 2011 à 00h39min

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Cette réflexion, d’un observateur inculte, n’est pas conforme à la politique telle qu’elle est mise en œuvre par certains praticiens de la politique, pour qui contribuer au bien commun est une exception. La politique est perçue par beaucoup d’observateurs comme un raccourci vers la satisfaction des intérêts particuliers et partisans, la courte échelle pour s’enrichir. Dans la pratique, il est question d’humiliations, d’insultes, de rejets et de contradictions. La politique est l’expression d’une démarche partisane. Il faut choisir son camp : la gauche ou la droite, la majorité ou la minorité, le pouvoir ou l’opposition. Il s’agit là de préjugés et de clichés transformés en vérité absolue, en paradigme, en parole d’évangile pour l’intérêt personnel du « politicien ». L’acteur politique s’est approprié cette façon de faire la politique.

Il n’y a pas de place pour le compromis, pour l’équilibre, pour les intérêts partagés en politique. L’exclusion est le paradigme accepté par tous. « Si tu n’es pas avec nous, tu es contre nous ». Si ce n’est pas chaud, c’est froid. Pas de place pour l’indifférence, pas de place pour le tiède en politique. Tout porteur de projet de société qui ne rentre pas dans ce cadre est rejeté comme le traduit le refus des candidatures indépendantes aux législatives et aux municipales au Burkina Faso. On ne peut pas construire un pays par des positions extrêmes.

Si la politique est l’art de gouverner la cité pour l’intérêt général, si la politique se définit comme le devoir de satisfaire les besoins des populations de la commune, rurale ou urbaine, alors pourquoi l’exclusion dans la démarche ? Pourquoi doit-on obligatoirement choisir son camp, souvent contre les intérêts de la population, ces personnes concrètes qui vivent, qui nous regardent et qui nous interpellent ?

Protéger et promouvoir les intérêts de la nation et le patrimoine commun devraient privilégier la communion, la communication et la synergie. La politique, héritée de la colonisation, est celle de diviser pour régner, celle de l’alternance sans alternative, celle du remplacement du mal par le pire.

Les réformes politiques dont il est question au Burkina Faso devraient permettre de remettre en cause le sens de la politique se limitant à la « politique politicienne », celle au nom de laquelle on est prêt à tuer pour rester ou pour arriver au pouvoir. Celle de la menace, du chaos. Au nom de la politique, des milliers d’hommes et de femmes, de milliers d’enfants et de vieillards ont vu leurs espoirs brisés, leur avenir confisqué, leur dignité bafouée. Il est temps de changer le fusil d’épaule. Il est temps de se rappeler l’origine noble du mot politique : l’art de servir, de se donner et d’orienter.

Il serait intéressant de mettre en place un code d’éthique et de déontologie de l’acteur politique. Ce code précisera les principes, les valeurs et les qualités de l’acteur politique. Pour faire la politique, il faut simplement adhérer aux dispositions du code qui fondamentalement visent en priorité la promotion et la protection de l’intérêt général. La politique de service, de partage, de solidarité, de complémentarité ne laisse pas de place à l’exclusion et à la marginalisation.

Toute personne, sans discrimination qui s’engage à respecter et à répondre aux exigences du code, peut donc s’engager en politique. La politique est un métier noble qui doit se donner des règles de conduite dont le but est de contribuer à l’amélioration de la qualité de la politique et de ses acteurs. Il faut un engagement profond à servir, à faire preuve de sacerdoce et de don de soi.

Prenons l’exemple de la complexité de la conduite politique au Burkina Faso. L’opposition contient des nuances : parlementaires et extra parlementaires, radicale et « molle ». La majorité au Burkina Faso est aussi complexe : le parti majoritaire et la mouvance présidentielle, à identité floue. A cela s’ajoute le nomadisme politique permettant de passer d’une rive à l’autre. Cette réalité invite à un comportement humble ouvert à l’inclusion, à l’acceptation, à la tolérance et au respect mutuel.

Il ne faut pas oublier ces associations et ces organisations de la société civile qui sont des machines à fabriquer des acteurs pour la politique, véritables espaces de formation de politiciens qui au nom de défense de causes non partisanes finissent par franchir le pas pour entrer en politique. En cas de déchéance, ils retournent tranquillement dans la société civile attendant de meilleurs moments. Tous sont inanimes pour présenter aux populations une fausse mais « vendable » vérité : « se sacrifier pour la défense des intérêts communs ».

En plus, beaucoup d’acteurs politiques sont en même temps initiateurs, dirigeants ou inspirateurs d’associations qui leur fournissent de la visibilité et constituent des forces de mobilisation. Celles-ci mi-politiques, mi-civiles ne facilitent pas la lisibilité du jeu politique. La confusion devient insondable lorsqu’on ajoute à cela l’instrumentalisation politicienne de la chefferie coutumière et traditionnelle et l’intrusion des puissances économiques dans la « politique politicienne ». Et que dire des syndicats, ces organisations corporatistes qui représentent à certains moments la vraie opposition ?

Il est facile d’accuser le camp d’en face, de fuir ses responsabilités et de fermer les yeux sur les évidences. La politique de l’irresponsabilité, de l’accusation et de la fuite en avant devient la règle. L’autocritique, la remise en cause de ses propres certitudes et l’auto évaluation de ses propres actes et gestes sont une trahison à la discipline du parti.
La politique a besoin d’être déconstruite pour ériger l’intérêt général en priorité cardinale. Le Burkina Faso devrait être perçu comme la totalité, la partie commune qui est la propriété de tous et non d’un individu ou d’un parti. Le défi majeur est l’amélioration de la qualité du personnel politique au Burkina Faso.

Car l’acteur politique est avant tout une solution pour ses concitoyens. Il doit faire siennes les vertus d’intégrité, de probité, de don de soi, de pardon et de tolérance.
Cette réflexion est une humble invitation à l’action synergique des acteurs politiques au service de l’intérêt général. Elle n’a pas pour objectif de demander pourquoi cela n’a pas marché car face à notre échec collectif, nous avons deux possibilités en termes de réponse : soit produire des justifications, soit produire des résultats. On a suffisamment produit des justifications, passons maintenant à la création de résultats.

La politique et ses acteurs ont fini par ériger des paradigmes, des traditions et des habitudes. Ces paradigmes, fondés sur la division et l’approche partisane du pouvoir, n’ont pas permis de contribuer significativement au progrès des masses. Il importe de s’interroger sur ces paradigmes, de les remettre en cause et de s’autoriser d’autres manières de faire.
On ne vient pas en politique pour « se chercher » mais pour apporter de la valeur au progrès de la nation. L’acteur politique participe à rédiger le grand livre de l’histoire dans lequel est inscrit son propre nom en lettres d’or. L’acteur politique ne recherche pas à accumuler des biens matériels mais à marquer ses contemporains et les générations futures pour son élan d’amour, de pardon, de service et de don de paix.

Il ne bâtit pas ses propres immeubles, il bâtit l’espérance d’un futur meilleur en se donnant au présent. Il sait tirer leçon du passé et dessiner un avenir de promesses et de possibles.
Réformer la politique, c’est d’abord réformer les politiciens en véritables serviteurs de l’intérêt général car si l’acteur change, le résultat prendra la même couleur. C’est l’artisan qui invente l’article. C’est l’Homme qui anime l’institution. L’espèce politique doit connaître une mutation si nous voulons plus de paix et de progrès. Elle devrait être constituée d’Hommes d’Etat soucieux des prochaines générations et non pas d’Hommes politiques préoccupés par les prochaines élections. Un auteur anomyme conclut : « Rien n’a changé, sauf mon attitude, c’est pour cela que tout a changé ». Osons inventer une autre politique. Pour paraphraser un homme d’église, « Essayons cette folie pour voir ! ».

Dr Poussi Sawadogo
Animateur/Facilitateur de processus de changement et Motivateur transculturel
Enseignant à l’ULB/Doyen du CRYSPAD

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Vos commentaires

  • Le 30 décembre 2011 à 08:54 En réponse à : Réformes politiques : L’inclusion au service de l’intérêt général

    merci pour la réflexion...

  • Le 30 décembre 2011 à 10:44, par democrate En réponse à : Réformes politiques : L’inclusion au service de l’intérêt général

    Vous avez raisoon:il est nécessaire de moraliser la vie publique. Dans cez pays, tout porte à croire que la politique, c’est le fait de réussir par la force à s’accaparer la machine étatique et utiliser la force particulière à celle-ci pour imposer une pensée, disons une idéologie unique permettant de satisfaire les besoins du groupe au pouvoir. Sinon comment comprendre que depuis plus d’un quart de siècle, c’est le même groupe, avec ses contradictions internes bien sûr, quis’accroche au pouvoir. Et penser autrement que lui est devenu parlà de l’hérésie !

  • Le 30 décembre 2011 à 10:49 En réponse à : Réformes politiques : L’inclusion au service de l’intérêt général

    Docteur Poussi Sawadogo,c’est avec une très grande concentration que j’ai lu votre dissertion et s’il est vrai que l’homme politique est là pour servir son peuple,pourquoi chez nous,ils sont uniquement là pour se servir ?A la question,c’est parceque le système le permet,c’est aussi simple que cela car ce que vous dénoncez,à savoir la corruption,les détournements,déborde largement le cercle de nos politiciens.
    Alors pour seule solution pour combattre ce mal,vous nous proposez "la mise d’un code d’éthique et de déontologie de l’acteur politique".Soit mais c’est insuffisant mon cher Docteur car vous n’êtes pas sans ignoré qu’un Etat respecteux et fort est construit sur un tripode:Exécutif,Législatif et Judiciaire.
    Au Burkina,ceux que vous appelez les politiciens=Exécutif+Législatif mais le Judiciaire est inexistant puisque tout autant corrompu que les politiciens de ce pays et ils se tiennent par la barbichette d’où tous nos malheurs.
    En vérité,tant que notre pseudo justice n’est pas indépendante pour devenir une VRAIE JUSTICE,votre solution ne règle aucunement rien.
    En conclusion,votre contribution m’a laissé sur ma faim

  • Le 30 décembre 2011 à 10:51 En réponse à : Réformes politiques : L’inclusion au service de l’intérêt général

    trouvez lui une autre photo. et de grâce mieux que celle là. sinon ses propos ne cadre pas avec son image. merci

  • Le 30 décembre 2011 à 12:27 En réponse à : Réformes politiques : L’inclusion au service de l’intérêt général

    Très belle réflexion Dr Sawadogo. Le BF a du chemin à parcourir au regard des politiciens actuels dont la plupart ne sont là que pour leurs intérêts personnels, l’enrichissement. On a affaire plutôt à des politiciens préoccupés par les prochaines élections qu’il faudrait gagner par tous les moyens pour continuer à s’enrichir, que soucieux des générations futures.

  • Le 30 décembre 2011 à 23:30, par pagomdziri En réponse à : Réformes politiques : L’inclusion au service de l’intérêt général

    A quand l’éradication du Paludisme Politique dans notre cher Faso ?

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