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Alternance politique : Le Burkina à l’épreuve du pouvoir de Blaise

Publié le vendredi 8 juillet 2011 à 02h18min

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Se décidera, ne se décidera-t-il pas à annoncer la fin de son bail prévue pour 2015 ? Alors que le débat fait rage sur la longévité du Blaiso national au pouvoir depuis 1987, ses thuriféraires seraient en train de tenter de lui faire jouer les prolongations à travers un projet de « réformes politiques » qu’une partie de l’opinion publique (et pas la moindre) soupçonne de vouloir aménager pour un règne ad vitam aeternam à l’enfant terrible de Ziniaré. Du coup, c’est tout le Burkina qui se met à l’épreuve d’un président qui, constitutionnellement, est supposé achever son dernier mandat, mais n’est nullement préoccupé de confirmer ou d’infirmer l’éventualité qui taraude les uns et les autres. Ne serait-ce pas parce que le sujet divise la “Nation” ?

Le docteur Bobognessan, le président du Conseil consultatif sur les réformes politiques (CCRP), a beau marteler qu’ils ne sont pas là pour « modifier l’article 37 », cela ne semble pas rassurer les partisans du “tout sauf Blaise en 2015”, convaincus qu’ils sont de ce que la création de son ministère ainsi que celle de la structure qu’il préside ne visent qu’à assurer un mandat illimité au Blaiso national.

A la deuxième semaine des travaux du CCRP, le sujet n’est pas encore abordé, mais il ne saura tarder, si ce n’est déjà fait, dans le chapitre global concernant la redéfinition des rapports entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire.

D’ores et déjà, les prémisses relatives à la « loi d’amnistie » et à l’« âge plafond du président » ne trompent pas sur l’issue des discussions à venir. Non pas qu’elles viendraient confirmer le déverrouillage ou non de la limitation du mandat présidentiel. Mais lorsqu’une assemblée consultative se préoccupe d’une loi d’amnistie pour un président en fonction, cela sous-entend que soit on veut lui aménager une porte de sortie, soit qu’on cherche à lui assurer une virginité juridique.

Pour ce qui concerne les âges minimum et maximum pour être candidat à la magistrature suprême, ceux-ci sont respectivement fixés à 35 et 70 ans. Sans faire une fixation particulière sur le président actuel du Faso, force est de constater que non seulement il ne cracherait pas sur une loi amnistiante, mais qu’il a soufflé seulement ses 60 bougies en février dernier. Toutes choses qui le rendraient apte à briguer la présidence jusqu’en 2020, si d’aventure les choses venaient à être modifiées en faveur de nouvelles règles de candidature.

En tous les cas, le suspense reste entier. Tôt ou tard, l’agenda du CCRP le conduira à la fameuse question qui fâche ou qui divise (c’est selon). La délibération sur le destin politique de Blaise Compaoré est inévitable pour les 68 membres du CCRP qui devront jouer toute la crédibilité de cette instance à partir de la discussion que va susciter cette question brûlante.

On peut se risquer à dire que de la résolution qu’ils auront à prendre dépendra de l’issue de ce processus de réformes que le gouvernement a engagé sans l’opposition statutaire et un front d’organisations de la société civile qui n’en voient pas l’opportunité. Si les travaux du CCRP sur l’alternance aboutissaient à la continuité avec Blaise Compaoré, cela donnerait indéniablement raison à tous ceux qui ont proclamé dès le départ que le projet de réformes n’était qu’une gymnastique destinée à lui offrir des mandats illimités en toute légalité.

Mais au-delà du jeu et de l’enjeu, c’est la question même de l’alternance qui met le Burkina politique à la croisée des chemins. Pour avoir battu le record de longévité à la tête de son pays, le Blaiso national n’est plus un président comme les autres. Il est devenu lui-même un casse-tête pour une classe politique (de la majorité et de l’opposition) qui ne sait comment trouver les ressources nécessaires pour le déboulonner sans trop de dégâts. Naturellement, les faibles et les timides choisissent de le laisser continuer à régner jusqu’à ce qu’il n’en puisse plus lui-même.

Sauf que cette solution est d’autant plus facile et suicidaire que les affres de ses effets pervers sont vivaces en République démocratique du Congo de Mobutu et plus près de nous en Côte d’Ivoire d’Houphouët, ou encore au Togo d’Eyadema.

Les récentes révolutions du Maghreb montrent bien que lorsque le président ne se soucie plus d’alternance, c’est la rue qui finit par la lui imposer. Et les conséquences sociales et économiques de ce changement non préparé peuvent se révéler plus catastrophiques qu’on peut l’imaginer, comme on le voit aujourd’hui en Tunisie et en Egypte. Il reste maintenant à savoir si le Burkina peut s’offrir le luxe d’un changement brusque et brutal sans compromettre ses acquis institutionnels et surtout politiques. La classe politique actuelle est-elle capable d’offrir des garanties nécessaires et suffisantes à Blaise Compaoré pour l’empêcher de suivre la mauvaise voie du pouvoir à vie ?

Telle est certainement la grande question qu’on aimerait voir le CCRP affronter.
Mais en faisant cavalier sans certains partis d’opposition et organisations de la société civile, cette structure ne risque pas d’aller aussi loin qu’on est en droit d’attendre d’elle. Les convulsions socio-militaires que le Burkina a connues ces derniers mois commandent probablement une introspection plus profonde d’une gestion des affaires publiques, de la justice et aussi des limites des hommes et des femmes qui nous gouvernent. Car, une démocratie sans alternance véritable est tout aussi illusoire pour un pays que pour une nation qui ne compte que sur un homme providentiel pour se bâtir.

F. Quophy

Journal du Jeudi

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Vos commentaires

  • Le 8 juillet 2011 à 06:01, par Sarko En réponse à : Alternance politique : Le Burkina à l’épreuve du pouvoir de Blaise

    Ok pour la chute de l’article mais pas d’accord pour les propos suivants ’’Il reste maintenant à savoir si le Burkina peut s’offrir le luxe d’un changement brusque et brutal sans compromettre ses acquis institutionnels et surtout politiques.’’ Il y a comme une contradiction ? Non ? Enfin ! Bon article globalement. Bon vent.

    Par Sarko

  • Le 8 juillet 2011 à 07:29, par soyons sérein En réponse à : Alternance politique : Le Burkina à l’épreuve du pouvoir de Blaise

    Le débat sur l’article 37 est un faut débat en ce qui concerne le Président actuel. je pense sagement qu’il faut éviter de lui faire croire qu’il peut se représenter. Modification ou pas, il ne peut se prévaloir du bénéfice d’une quelconque modification de l’article 37.

    Démonstration :
    * Pour qu’il se présente pour son 3è mandat, il a été argué que la loi n’ést pas retroactive dans la mesure où il avait été élu sous la forme non limitative de l’actuel article 37
    * Mais pour le 3è et 4è mandat actuel, il a été élu sous la forme limitative de l’article 37
    * Donc, même si l’article 37 venait à être illimité et la loi étant non rétroactive, il ne peut donc pas s’en prévaloir.

    Pourquoi donc vouloir qu’il se prononce sur quelque chose qui est tout à fait clair même pour un non juriste. Arrêtons ce débat, c’est une diversion. Le seul enjeu pour lui dans le CCRP doit être la question d’amnistie présidentielle. Il devrait amener ses ouailles à s’en préoccuper sérieusement, sinon ces derniers vont lui tirer une balle dans le pied à son insu. A chacun sa bataille. Pour les membres du CCRP, c’est comment garantir pour choix une chapelle future (augmentation du nombre de député, mise en place d’un sénat...)

    Pour terminer, j’invite les journalistes à se documenter auprès des juristes pour avoir leur avis. Il en existe au Burkina et ailleurs, afin de clore ce débat qui n’a pas lieu.

  • Le 8 juillet 2011 à 13:00, par Gjau En réponse à : Alternance politique : Le Burkina à l’épreuve du pouvoir de Blaise

    Je partage en partie le point de vue de l’auteur sur la possible modification de l’article 37 susceptible de créer un povoir à vie et les conséquences imprévisbles qui pourront en découler.Mais à mon humble avis je crois que l’alternance ne se décrète pas, elle n’est pas servie sur un plateau d’or,elle doit réfléter l’engagement et la conviction de nos hommes politques à offrir à leur peuple de bons projets de société. L’oppostion aurait dû participer au CCRP pour partager ses points de vue et s’opposer au fameux article incriminé plutot que d’opter pour la politique de la chaise vide qui ne paie pas. L’alternance passe d’abord par leur présence sur la table de concertation .

    • Le 8 juillet 2011 à 14:41, par Alternance-oui En réponse à : Alternance politique : Le Burkina à l’épreuve du pouvoir de Blaise

      Sip une alternance n’est pas forcément l’arrivée d’une opposition au pouvoir car elle s’opère aussi à l’intérieur d’un même parti politique.Un même parti politique peut gagner les élections présidentielles Nxfois mais pas avec la même personne pendant 50 ans au pouvoir.Il ne faut pas abuser.Dans tous les cas que le CCRP s’amuse à jouer avec le feu en modifiant l’article 37 de notre constitution pour que Mr Compaoré se rerererereprésente.On verra ce qui va arriver.Trop c’est trop

    • Le 8 juillet 2011 à 16:42 En réponse à : Alternance politique : Le Burkina à l’épreuve du pouvoir de Blaise

      Mon frère il ne faut pas te faire des illusions. Tout le monde sait ce qu’il faut faire pour approfondir notre democratie. Le Mali, le Ghana et le Benin tous près de nous ont-ils eu besoin de tant de reformes ? Leurs presidents ont-ils fait des reformes pour se maintenir ? Dans tous les cas si Blaise COMPAORE ne part pas pendant qu’il est temps il partira dans des conditions difficiles ; La fin des dictateurs a sonné et celui qui ne l’a pas compris le regretera amèrement. Voyez ce qui se dessine pour WADE et ce qui arrive au tout puissant KADHAFI. BLAISE n’est pas plus dur qu’eux.

  • Le 8 juillet 2011 à 19:05 En réponse à : Alternance politique : Le Burkina à l’épreuve du pouvoir de Blaise

    Et, pourquoi Blaise ne dit pas ce qu’il pense sur cet article 37 car le concerne directement. et, de ce qu’il va faire en 2015 ? Il suffit de voir le remue ménage du côté du Sénégal avec le vieux Wade qui veut rebeloter pour positionner son fils que les gens détestent. On sent que cela ne passera pas avec les sénégalais. La crise actuelle au Burkina est liée aussi à cette trop longue durée de 24 ans au pouvoir jusqu’à ce jour. C’est bien l’usure du pouvoir qui est ici la cause du ras le bol car, les gens aspirent à une meilleure gouvernance, etc. Or, le pouvoir en place n’apporte aucun espoir réel de changement.
    Pour l’instant, nous sommes dans la trêve des confiseurs mais jusqu’à quand ? Quel sera l’élément déclencheur à une éventuelle reprise de la crise ? Assurément, un des plus gros risques est bien le fameux article 37 qui pourrait être la goutte d’eau qui va faire déborder le vase si Blaise et son CDP veulent le modifier !

  • Le 8 juillet 2011 à 23:13, par corbbo En réponse à : Alternance politique : Le Burkina à l’épreuve du pouvoir de Blaise

    La question de la survie politique de B. Compaore est en train de se resoudre.Peut-on parler de l’apres 2015 si l’instabilite socio-economique a deja affaibli Blaise.Pourra t-il tenir jusqu’en 2015,telle est la vraie question.

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