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Une fronde arabe à longue portée

Publié le vendredi 11 mars 2011 à 01h02min

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Vingt ans après le vent de l’Est qui a soufflé violemment sur le continent africain en général et sa partie subsaharienne en particulier, la soif de la liberté s’empare à nouveau du berceau de l’humanité. Cette fois-ci, c’est le quintet arabe (Algérie, Egypte, Libye, Maroc, Tunisie) qui se trouve dans la tourmente. Les régimes des uns plient l’échine, ceux des autres se dressent en cas de réveil brutal de leurs populations. Le rempart arabe s’est mis à vaciller contre toute attente. La révolte brusque et brutale dans des pays considérés contre les plus avancés inquiète à la fois les grandes puissances ainsi que les autres Etats et leurs dirigeants qui se sont barricadés dans des tours d’Ivoire pour ne pas entendre et interpréter intelligemment le bouillonnement social au sein de leurs compatriotes.

Et cela, pour deux raisons : l’effondrement du bastion arabe pourrait soit favoriser l’arrivée de groupes intégristes hostiles à l’Occident et à son allié israélien, soit susciter une vague de soulèvement dans plusieurs pays comme cela a été le cas dans les années 1990. Déjà, le tourbillon soulevé par la rue a même contaminé des voisins d’outre-mer rouge.

Tout comme en 1990, les fondements d’un tel ras-le-bol contre des dirigeants sont les mêmes : le peuple qui croupit dans la misère réclame davantage d’espace d’expression et des moyens de sa survie. Il est temps que chaque dirigeant africain et arabe se donne les facultés nécessaires pour mieux appréhender les dessous de ce qui advient dans les pays maghrébins. Le régime très policier de Zine Abidine Ben Ali de la très enviée Tunisie et celui très contrôlé de Hosni Moubarak avec sa toute puissante Egypte se sont effondrés comme des châteaux de carte.

En réalité, ces pays ont miroité sous l’apparence lointaine ou extérieure de leur prétendue opulence et le mensonge savamment entretenu par leurs gouvernants. Dès que la face de l’iceberg a fondu, la nudité de ces Etats s’est révélée au monde entier. Une minorité s’est arrogée les pleins droits de réduire au silence une majorité et d’exploiter les immenses richesses à son seul profit. Quand a sonné l’heure du « Trop, c’est trop », elle l’a apprise à ses dépens. Tant que Ben Ali jouait le jeu de certaines puissances et parvenait à se cacher derrières les nombreuses avancées sur tous les plans, sa stratégie de Général des renseignements qui a consisté à étouffer les aspirations profondes de ses compatriotes a marché à merveille, pendant vingt-trois (23) ans jusqu’au jour du 11 janvier 20011.

« Un gouvernement par le peuple sans que soit donné au peuple le moyen d’être informé n’est que le prologue d’une farce ou d’une tragédie, ou peut-être des deux », avertit dès 1822, James Madison, quatrième président des Etats-Unis. Les démocraties de façades malicieusement et cyniquement mises en place aux lendemains de la chute du bloc de l’Est sont en d’être rectifiées et corrigées par la farouche volonté du peuple. A lui seul revient cette force et ce droit oints de courage spectaculaire pour vaincre l’impossible. « Révolte unanime, soulèvement populaire, colère incontrôlable », le peuple dispose de cette légitimité incontestée pour venir à bout de toute légalité sapée.

Les injustices et les inégalités sociales modelées par une répartition disparate et inconsciente des richesses entraînent un éclatement humain dont les effets des fragments sont imprévisibles.
Tant que Hosni Moubarak se contentait d’être l’allié de Washington et le porte flambeau du panarabisme, son bras de fer avec une grande partie de sa classe politique a tourné en sa faveur jusqu’à l’heure de sa chute le 11 février 2011. Dans les deux cas, il y a eu gestion familiale, groupusculaire et clanique des affaires de l’Etat qui a fini par emporter les concepteurs et leurs acolytes. Ils ont tous semé l’opacité, l’oppression et bien d’autres abus en se réfugiant derrière un bonheur en glacier. Sous le joug de la pauvreté et de la misère, les plus nombreux ont vaincu avec la seule conviction qu’ils n’avaient plus rien à perdre.

Voilà ce qui arrive quand des dirigeants choisissent de mettre leurs peuples dos au mur. La foule est capable de mouvements inimaginables quand sa dignité est foulée au pied et lorsqu’elle est réduite à la faim. L’affrontement es- toujours à son avantage car c’est elle qui détient, en réalité, le vrai pouvoir. Aucun Etat ne peut prétendre être à l’abri de ce réveil conscient et douloureux de ses habitants. « Quand les uns mangent et les autres regardent, ainsi naissent les révolutions », a prévenu, en son temps, un héros national burkinabé. Aucun dirigeant africain ne peut continuer de conduire les destinées de son pays dans la conviction épicurienne : « Je n’ai jamais désiré plaire à la foule.

Car ce qu’elle connaît, je l’ignore et ce que je sais est loin de sa compréhension ». Les pantins de la démocratie doivent se tenir prêts : après le vent de l’Est, voici la fronde arabe. Et elle pourrait bien inspirer à des horizons insoupçonnés. Le premier évènement semble un avertissement qui a mis le sable dans les yeux de plusieurs dirigeants et la machine de leurs régimes. Ceux qui se sont vus obligés de à l’ôter intelligemment pour bien voir la réalité en face, comme au Ghana ou au Botswana s’en sont honorablement sortis. Le second apparaît comme une emprise sous la fatalité qui terrasse et foudroie sans prévenir.

Martin BONSDAWENDE

Pour lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 11 mars 2011 à 09:54, par le solutionneur En réponse à : Une fronde arabe à longue portée

    De nos jours, si les dictateurs ne veulent pas ressembler aux démocrates, les peuples soumis veulent ressembler aux peuples libres. une des meilleure voie pour accéder à cette liberté est : "les manifestations de rue". une des opportunités à exploiter est : "le refus des armées de tirer sur les citoyens". Si certains dirigeants ne veulent pas prendre les bons exemples, certains peuples courageux les obligeront à le faire. Trop c’est trop. De nos jours, on ne peut plus continuer à exploiter impunément un peuple sous prétexte qu’il est analphabète, ou incapable de revendiquer ses droits. "Les peuples ont droits à leurs droits, qu’ils les revendiquent ou non" et c’est le devoir de toute équipe dirigeante de leur accorder cela.

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