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Sawadogo Jean Pierre (Camp de transit de Nicla) : « Les autorités burkinabè ne nous ont apporté aucune assistance »

Publié le vendredi 11 avril 2008 à 12h07min

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Chassés de leurs plantations à l’avènement de la rébellion ivoirienne dans la région de Guiglo, abandonnés par leurs autorités, les Burkinabé déplacés internes du camp de Nicla parlent de leurs misères et plaident pour une solution définitive à leur retour dans leurs localités d’origine. Entretien.

Bonjour M.Sawadogo, depuis quand êtes vous dans ce site et combien êtes vous à ce jour ?

Nous sommes arrivés ici dans le premier trimestre qui a suivi l’éclatement de la crise ivoirienne le 19 septembre 2002. Après avoir été chassés de nos plantations dans les localités de Bloléquin, de Toulépleu et de Logoualé. Certains d’entre nous ont perdu la vie. Au début nous étions au nombre de 6.000. Pour un site qui ne pouvait accueillir que 500 personnes. Le HCR a dû nous construire d’autres tentes. Mais aujourd’hui, nous ne sommes plus que 2000.

Où sont passés les autres ?

Ils ont pu regagner leurs localités à Toulépleu et à Guiglo après des interventions des autorités. D’autres ont préféré retourner au pays parce qu’ils ne croyaient pas à ce qu’une solution soit rapidement trouvée à la crise. Tous ceux qui restent ici viennent de Bloléquin. Nous ne pouvons pas y retourner parce que les villageois ne sont pas encore disposés à nous accepter.

Comment vivez-vous depuis ces six ans ?

On vit très difficilement dans ce site avec nos enfants et nos femmes. Nous sommes confrontés à beaucoup de maladies dues au cadre de vie précaire. Médecin sans frontière qui s’occupait de notre santé s’est retiré depuis l’an dernier et ce n’est pas du tout facile.

Et au niveau de l’alimentation ?

C’est le PAM qui nous alimente en céréales depuis 2002. Chaque mois, il nous distribue des rations alimentaires mais ce n’est pas du tout suffisant. On n’est obligé de se débrouiller avec. Nous sommes obligés de faire des petits boulots en ville pour survivre. On n’essaye de trouver un petit espace pour cultiver du maïs quand nos femmes vont faire du nettoyage pour cinq cent où mille franc en ville.
Mais pourquoi n’avez vous pas préférer rentrer au pays comme les autres ?

C’est difficile d’abandonner ce qu’on a mis toute sa vie à bâtir, pour s’enfuir. Nos plantations sont ici, notre vie également. Nous avons travaillé dure pour ça. Et dans nos campements tout le monde sait qu’on n’a jamais volé ni triché au travail. C’est la guerre qui créé cette situation de rejet de l’autre, donc nous espérons qu’après la guerre tout le monde reviendra à des meilleurs sentiments.

Quels sont vos rapports aujourd’hui avec les autorités locales ?

Nous n’avons aucun problème avec les autorités locales depuis 2003. C’est d’ailleurs grâce à eux que nous vivons en sécurité ici. Le Chef d’Etat-major, le général Mangou, nous a rendu visite une fois. Il nous a distribué, à l’occasion, des vêtements. En dehors du général nous avons reçu la visite du ministre de la solidarité et des victimes de guerre, M. Louis André Dacoury-Tabley qui est venu ici avec une forte délégation, l’an dernier, nous témoigner sa solidarité et promis de s’impliquer dans la recherche de solution à notre retour. C’est tout.

Et les autorités Burkinabé d’Abidjan, qu’ont-ils fait pour vous ?

(Il soupire d’abord). On dit que c’est dans le malheur qu’on reconnaît les vrais frères. Depuis six ans que nous vivons ici nous n’avons reçu aucun soutien des autorités burkinabè. Peut-être que nous ne présentons aucun intérêt à leurs yeux. Nous avons personnellement saisi l’ambassadeur Emile Ilboudo à plusieurs reprises sur notre calvaire, sans suite. Il avait peur de venir nous voir. Il craignait pour sa sécurité. Il avait finalement promis que si la situation s’apaisait il allait venir mais jamais il n’a mis les pieds ici.

Quel appel avez vous à lancer aux autorités des deux pays ?

Notre message est un message de conciliation. Nous demandons aux cadres de cette région qui sont à Abidjan de venir intervenir auprès de leurs parents. Il leur appartient de sensibiliser leurs frères que la guerre est finie et que nous ne sommes pas des ennemis. Nous devrons réapprendre à vivre ensemble en paix. Cette guerre était la guerre des militaires et non des civils. Quand à nos autorités burkinabè, nous leur demandons d’avoir un peu d’égard pour nous. C’est pour nous qu’elles prétendent travailler et nous ne comprenons pas qu’elles puissent nous abandonner dans les difficultés. Je voudrais également vous remercier personnellement parce que depuis 2003, vous ne cessez de défendre notre cause dans les journaux. Ce sont des journalistes comme vous dont le petit peuple à besoin pour se faire entendre des dirigeants. Merci beaucoup.

Alexandre Lebel Ilboudo

Lefaso.net

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