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Les Burkinabè de France se souhaitent « Bonne année » !

Publié le mardi 5 février 2008 à 11h55min

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P. Grégoire N’DO, chargé d’affaires

Le drapeau aux couleurs défraîchies flotte sur le 159 Bld Haussmann dans le 8e arrondissement de Paris, siège de l’ambassade du Burkina en France. A l’intérieur, une vingtaine de personnes ont déjà pris place dans la salle des fêtes où doit avoir lieu, en cet après-midi du 3 février 2008, la cérémonie de présentation des vœux entre la représentation diplomatique et les Burkinabè de France.

« C’était prévu pour 13 heures, mais il faut qu’on attende encore » souffle, agacé un membre de l’ambassade. Avec un retard de plus de 30 minutes, la cérémonie peut enfin commencer par la décoration de cinq compatriotes, récompensés pour services rendus à la communauté burkinabè de France et au pays.

C’est le président du Conseil supérieur de la communication (CSC), Luc Adolphe Tiao, présent à Paris pour assister à une rencontre des responsables des organes de régulation de l’audiovisuel qui a remis aux récipiendaires leurs médailles. Emmanuel Bationo et Dieudonné Zoungrana ont ainsi reçu la médaille de Chevalier de l’ordre du mérite burkinabè avec agrafe travail, Etienne Nabi, un des 8 nouveaux délégués élus au Conseil supérieur des Burkinabè de l’étranger (CSBE) celle de Chevalier de l’ordre du mérite burkinabè avec agrafe éducation. Pascal Kafando, 69 ans a été fait Chevalier de l’ordre du mérite burkinabè et Jean-Baptiste Noaga Oualian, Chevalier de l’ordre national. Après quoi, la série des discours pouvait commencer.

Au nom du personnel, Mme Laurence Diakité a formulé des « vœux de santé, de prospérité et de succès » au Chargé d’Affaires a.i, Firmin N’Do », souligné « le dynamisme qui anime toujours notre représentation » et, se référant au nombre croissant de demandeurs de visas, plus de 20 000 en 2007 « constate que notre pays est en passe de devenir une des destinations privilégiées ». Elle a aussi noté « les faiblesses que nous devons déceler et corriger au plus vite » et invité ses collègues, « si ce n’est déjà fait, à prendre l’engagement d’améliorer ses performances au cours de l’année 2008 ».

On a aussi appris que l’immeuble de la rue Vaugirard, dans le 6e arrondissement, qui abritait le Centre de gestion des étudiants, tombé en désuétude depuis quelques années, est en cours de rénovation.
En attendant la formation du nouveau bureau des délégués, Etienne Nabi est convaincu que « mieux encore que par le passé », la diaspora Burkinabè de France « saura se mobiliser pour toutes les causes nationales, faire preuve de solidarité » et « répondre aux appels des frères et sœurs au pays ».

En attendant la nomination d’un ambassadeur après la nomination de Filippe Savadogo comme ministre dans le gouvernement de Tertius Zongo, le patron des lieux, Firmin N’Do a d’abord félicité le personnel pour sa mobilisation dans l’accomplissement de sa mission, salué la bonne organisation des délégués au CSBE, félicité le comité qui en a eu la charge et souligné « les bonnes relations qui existent entre le Burkina et la France ». Après la rencontre des présidents Blaise Compaoré et Nicolas Sarkozy au sommet Europe Afrique de Lisbonne en décembre dernier, la visite au Burkina, le 26 janvier dernier du ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner, venu féliciter Blaise Compaoré et le soutenir pour sa médiation dans la crise ivoirienne, le numéro un burkinabè devrait effectuer courant mars 2008, une visite en France à l’invitation de son homologue français.

Comme d’habitude, la cérémonie s’est prolongée autour du traditionnel buffet, fait de brochettes et autres « maassa », ces galettes que savent bien faire mijoter les femmes burkinabè.

Joachim Vokouma, Lefaso.net


Quelques récipiendaires s’expriment

Les décorés : Jean-Bapitiste Noaga Oualian, Pascal Kafando, Emmanuel Bationo, Dieudonné Zoungrana, Etienne Nabi

Pascal Kafando, 69 ans, père de trois enfants, originaire de Saponé, Chevalier de l’ordre du mérite burkinabè

Je suis arrivé en France le 27 avril 1966 par bateau pour faire un stage de trois ans et je devais retourner travailler en Côte d’Ivoire à la Solibra. Mais à la fin du stage, j’ai demandé si je pouvais rester parce que je me sentais bien dans ce pays. On a dit non, qu’il fallait que je retourne dans la société qui m’avait envoyé faire le stage. Comme j’insistais, les gens ont finalement accepté et je suis resté. Je suis à la retraite depuis 2005, mes enfants sont majeurs et travaillent tous, et si je suis encore en France, c’est parce que ma femme travaille et je ne vais pas aller vivre au Burkina et laisser ma femme ici ! A sa retraite on pourrait bien aller vivre au Burkina.

Franchement je suis content de ma décoration mais je suis surpris qu’on ait pensé à moi. Je ne savais pas que les gens pensaient du bien de moi et je rendais les services à des gens comme ça, gratuitement sans rein attendre. Tant mieux si des gens reconnaissent que ce que je fais est bien, et peut être un exemple pour les autres. En tout cas, tout ce qui contribue au bien être des Burkinabè, je suis pour ; et si je n’arrive pas à faire comme il faut, au moins j’aurais essayé

Jean-Baptiste Noaga Oualian, marié père de 2 enfants, Chevalier de l’ordre national

Je suis exactement de Silga, qui relève du canton du Tougri, devenu département mais qui n’a jamais été un cercle. On était d’abord de Kaya, ensuite de Boulsa et quand la révolution est arrivée, Tougri est devenu un département.

Cette distinction est pour moi un vrai motif de fierté et le maire de Tougri m’a déjà téléphoné pour me féliciter, parce le maire est le fils du défunt chef de Tougri qui, dans la hiérarchie de Boulsa, devrait m’appeler son oncle. Parce qu’en réalité, mon nom d’origine, c’est Kafando et si je porte le nom Oualian, c’est parce que dans les années 40, lors des recensements dans les moments de reconstitution de la Haute-Volta, si on prend Boulsa, sur plus 200 villages, les chefs étaient des Kafando. Un des chefs de Boulsa a alors proposé que certains changent de nom, c’est ainsi que mon grand-père est passé de Kafando à Oualian, mais en réalité, la vraie orthographe c’est Ouali, la cigogne en mooré, car dans le système moaga, on peut changer de nom en respectant certains critères. Moi je ne peux m’appeler ni Sawadogo, ni Sébgo ni Koutou car il faut que le nom patronymique renvoie à quelque chose d’exploit. La cigogne est l’oiseau qui quitte le Burkina et qui va en Alsace, donc qui parcours facilement 4500 km, ce qui est un exploit.

En mooré on dit sigraouali, mais les administrateurs ont écrit Oualian
Je suis arrivé en France le 6 décembre 1968, parce que la France avait accordé 71 bourses à la Haute-Volta après les évènements de mai 68, et à l’époque j’avais fait voté une motion en Haute-Volta pour que nous n’allions nulle part qu’en Afrique pour suivre les études supérieures. C’est un vrai paradoxe, non ? Je suis venu poursuivre des études d’Espagnol et après ma licence je suis rentré au pays en 1982. Le ministre de l’Education nationale à l’époque m’a alors dit que je n’avais plus d’avenir chez moi, alors je suis revenu en France faire une maîtrise en documentation et grâce à ce diplôme, j’ai pu me faire un place à la Sorbonne. J’étais tellement engagé dans la lutte contre les partis uniques et la gabegie que je suis devenu indésirable en Haute-Volta, et ce jusqu’à l’avènement de la révolution d’août 83. A partir de cette date, je suis enfin devenu désirable au pays et c’est comme ça que j’ai été invité par le président du Conseil national de la révolution (CNR) et je suis allé déclarer mon soutien à la révolution qui avait cours. J’étais ensuite pour la rectification car j’estimais que la révolution se dévoyait mais je suis déçu de la tournure qu’ont prise les évènements.

Compte tenu de tous mes combats, cette distinction est enfin la reconnaissance de quelque chose à laquelle j’ai donné toute ma vie au point de compromettre ma carrière personnelle. Certains me disaient par exemple : « Tu n’es même pas malin, regarde, tes copains ont maintenant des villas au pays et toi tu es toujours là à lutter pour des intérêts collectifs, au lieu de t’occuper de toi ». Pour tout cela, cette médaille est pour moi enfin une reconnaissance que ma lutte pour les intérêts collectifs, à savoir, le progrès et la démocratie au Burkina est enfin reconnue quelque part par les instances supérieures du pays.

Emmanuel Bationo, né en 1943 à Réo, père de 6 enfants, Chevalier de l’ordre du mérite burkinabè avec agrafe travail

Je suis arrivé en France 1976 en tant que cuisinier et j’ai beaucoup bénéficié du soutien de ma femme qui est malheureusement décédée en 2000. Je crois que c’est elle qui méritait de porter cette médaille car c’est grâce à elle que j’ai cette reconnaissance et quand on mettait la médaille sur mon habit, je pensais à elle. Je suis venu d’Abidjan avec des coopérants français comme cuisinier et une fois en France, ils m’ont trouvé de la place, ont été gentils avec moi et m’ont considéré comme un membre de leur famille. Je ne manquais de rien, j’avais beaucoup d’avantages et c’est ainsi que j’ai pu apporter de l’aide à beaucoup de gens qui venaient du Burkina et qui avaient des difficultés. Dans l’homonymat, j’apportais du soutien à des Burkinabè gens qui avaient des problèmes de logement alors qu’ils sont là pour suivre des formations. Beaucoup trouvaient du réconfort chez moi grâce à la disponibilité de ma femme. Je n’attendais rien et je suis surpris mais fier de l’honneur qui m’est fait et je remercie ceux qui ont pensé à moi.

J.V.

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