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Pont du Nakambé : Un piège mortel sur la Nationale 4

Publié le vendredi 9 février 2007 à 07h16min

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L’étroitesse du pont du Nakambé reste le seul point noir du projet de renforcement complémentaire de la route nationale 4 (RN4) Ouagadougou-Koupèla. Il étrangle la voie et cause de nombreux accidents graves. Elargir le pont de Nakambé ou même le reconstruire permettra à la RN4 d’être “la route du développement”.

La route nationale numéro 4 (RN4) reliant Ouagadougou à Koupèla fait sa mue sans y associer le pont du Nakambé. Les travaux de renforcement complémentaire de ce tronçon portent uniquement sur l’augmentation de la largeur de la voie. La chaussée et les accotements passent à neuf mètres alors que le pont du Nakambé reste à six mètres de large.

Cette situation de route large donnant sur un pont étroit ne va pas sans conséquences graves pour des usagers et la circulation. Le pont du Nakambé représente une zone extrêmement dangereuse pour le trafic routier. “Il n’y a pas un chauffeur qui ne craint pas ce pont là”, avoue Adama Jean Baptiste Ilboudo, transporteur de charbon sur l’axe Fada N’Gourma-Ouagadougou.

Situé à l’entrée du village de Kougri à 55 kilomètres de Ouagadougou, le pont du Nakambé étrangle la voie. La zone évoque des mauvais souvenirs pour les habitants du village et suscite la peur des usagers. “Il ne se passe pas un ou deux mois sans qu’un accident grave ne survienne sur le pont”, explique Mahamadi Kaboré, conseiller municipal de Kougri, commune rurale de Zam. D’ailleurs, aux deux entrées de la zone, l’avertissement de l’entreprise SOGEA-SATOM est ferme : “danger, chaussée rétrécie”.

Malgré cet appel à l’extrême prudence et à la vigilance, des accidents graves ne cessent de survenir sur le pont Nakambé. Ayant pris goût à la largeur de la route, certains chauffeurs ne font plus attention lorsqu’ils arrivent sur le pont. Ils ne mesurent pas son étroitesse et tombent ainsi dans “ce guet apens”. Impossible de tenter un croisement à ce niveau au risque de se retrouver dix mètres plus bas dans les flots. L’absence de cassis à dos d’âne aux entrées de la zone ne permet pas d’imposer le ralentissement aux véhicules.

Ainsi, entre le 12 janvier 2006 et le 26 janvier 2007, ce sont cinq accidents graves qui ont survenu sur le pont du Nakambé. Si l’on ne déplore pas de pertes en vie humaine, les dégâts matériels sont énormes. Il arrive que des commerçants de province ou des opérateurs économiques perdent tous leurs investissements à “ce point noir” de la RN4. “Les villageois sont parfois traumatisés de voir des personnes perdre toutes leurs fortunes après un accident”, indique Mahamadi Kaboré.

En dehors des fûts peints en rouge et blanc posés de part et d’autre de la zone, le pont du Nakambé ne dispose même pas de garde-corps pour amortir les chocs et empêcher les véhicules de tomber dans le fleuve. “Quand un accident survient toute la circulation est bloquée. Il faut attendre 3 à 5 heures de temps pour que la voie soit dégagée. La file d’attente peut atteindre jusqu’à 100 véhicules”, explique un chauffeur de citerne malien.

Trop étroit pour une voie stratégique

Le Burkina Faso nourrit l’ambition de se positionner comme le carrefour de la sous-région. Les transports étant perçus comme un levier de développement.
Dans cette logique, la RN4 doit favoriser les échanges nationaux et sous régionaux. Cette route nationale permet de rallier la capitale burkinabè à de nombreuses provinces et aux pays voisins : Niger, Bénin, Togo, Ghana. Le trafic y est intense et varié. C’est une voie stratégique pour les pays d’hinterland. Elle connaît la fréquentation de véhicules et d’usagers de plusieurs nationalités.

Le pont du Nakambé semble aujourd’hui la seule entrave à la libre circulation des personnes et des biens par la nationale n°4. Construit en 1946, les spécialistes des ponts et chaussées sont unanimes à reconnaître qu’il ne répond plus aux normes internationales. “Cette zone constitue un véritable danger pour les usagers aussi bien de jour que de nuit”, soutiennent-ils.

La seule alternative pour permettre à la RN4 de jouer pleinement son rôle dans le développement du pays, c’est d’élargir le pont du Nakambé afin de parer aux pertes en vie humaine et aux dégâts matériels. “Nous avons entendu dire que cette route va beaucoup contribuer au développement du Burkina Faso. Mais si on considère les accidents survenus à cause de l’étroitesse du pont, le constat est amer. On reste même sceptique”, rappelle Mahamadi Kaboré, conseiller municipal de Kougri.

Toutefois, des professionnels du transport routier burkinabè estiment qu’il faut aller au-delà de la seule volonté d’élargir le pont et reconstruire un autre. Et cela, à cause du bruit des ferrailles du pont que l’on entend quand un poids lourd y circule. “Il faut accepter de reconnaître que le pont est amorti et trouver les moyens d’en reconstruire. Le pire serait qu’il s’effondre un jour. Une grande partie des efforts de développement va en pâtir”, relève l’un deux.

Jolivet Emmaüs


Etat des accidents sur le pont du Nakambé (janvier 2006-janvier 2007)

Accident N°1 : Le 12 Janvier 2006 aux environs de 16 H 00, une semi remorque de marque Renault à destination de Ouagadougou croise une autre semi remorque sur le pont du Nakambé. Suite à une mauvaise appréciation de la vitesse de la semi remorque qui venait de Ouagadougou et surtout au rétrécissement du pont, le conducteur de la Renault effectue un mauvais croisement. Ce dernier heurta violemment les gardes corps du pont coté gauche qui cédèrent. La circulation a été bloquée pendant plusieurs heures.
Bilan des victimes : il n’y avait pas eu de victimes humaines Bilan matériel : les dégâts matériels étaient assez importants.

Accident N°2 : Dans la nuit du 17 Février 2006 deux citernes se croisent sur le pont ; tous voulant passer et personne ne voulant céder le passage à l’autre. La citerne venant de Lomé monte donc sur le trottoir pour éviter une collision entre les deux. Elle glissa sur le trottoir et tomba carrément dans le cours d’eau. Ce qui entraîna des fuites de carburant dans le Nakambé.
Bilan des victimes : il n’y avait pas eu de victimes humaines Bilan matériel : les dégâts matériels étaient assez importants ainsi qu’une pollution du marigot

Accident N°3 : Dans la nuit du 23 Mars 2006, un conducteur de citerne ébloui par les feux de brouillard d’une semi remorque à destination de Lomé se heurta violemment contre le pont. La citerne reçut un choc au niveau de la cabine qui bascula de l’autre coté des gardes corps. La cabine balançait donc dans le vide.
Bilan des victimes : il n’y avait pas eu de victimes humaines
Bilan matériel : les dégâts matériels étaient assez importants.

Accident N° 4 : Dans la nuit du 09 Septembre 2006, une ambulance de type camionnette land Cruiser en partance de Ouagadougou arrive au niveau du pont du Nakambé. Une Mercedes 190 stationnait juste à l’entrée du pont (150 mètres environ) du coté de l’ambulance. Le chauffeur voulant doubler ce véhicule croise un autre véhicule déjà engagé sur le pont. l’ambulance essaya d’éviter le croisement et se retrouva au bas du talus coté gauche.
Bilan des victimes : une blessée grave coté ambulance
Bilan matériel : dégâts matériels importants

Accident N°5 : Dans la nuit du 26 Janvier 2007, un camion chargé de marchandises diverses a quitté Ouagadougou en partance pour Piéga. Compte tenu de l’étroitesse du pont sur le Nakambé, celui a eu un accrochage avec un camion citerne qui allait vers Ouagadougou. Le camion de marchandises a perdu le contrôle et est aller se heurter contre ce qui reste des gardes corps du pont sur le coté gauche, avant de s’étaler au travers de la chaussée, empêchant la circulation. Le camion citerne a continué sa route sans s’arrêter.
Bilan des victimes : il n’y avait pas eu de victimes humaines. Bilan matériel : les dégâts matériels étaient importants.

Source : Direction Générale des Routes
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S.O.S pour le pont du Nakambé

“La route du développement passe par le développement de la route”. Décideurs, gouvernants et bailleurs de fonds s’accordent sur cette citation à chaque inauguration d’infrastructures routières. L’essor du secteur des transports terrestres (personnes et marchandises) au Burkina Faso s’explique en partie par les efforts consentis par le gouvernement ces dernières années pour bâtir un réseau routier fiable, facteur de développement. Et les bailleurs de fonds ont toujours apporté leur soutien à ces chantiers.

Ouagadougou-Kongoussi, Kaya-Dori, Dédougou-Bobo-Dioulasso, Ouagadougou-Léo-frontière du Ghana... les tronçons déjà bitumés et à bitumer se mesurent en milliers de kilomètres. “Promouvoir la circulation efficace et efficiente des personnes et des biens afin d’assurer un bien-être aux populations”, s’avère ainsi la volonté d’un peuple, soutenu par ses amis à travers le monde. Si l’Union européenne a bien voulu financer les travaux de renforcement complémentaires de la RN4 Ouagadougou-Koupèla, c’est qu’elle est convaincue de la pertinence d’un tel projet et de sa nécessité à l’émergence de l’économie nationale.

Cet axe est vital pour toute une nation et même la sous-région ouest-africaine. Laisser le chantier au goulot du pont du Nakambé serait la l’abandonner en l’état. Or comme dirait les mossi, “on n’enterre pas un cadavre en laissant ses pieds dehors”. Si les travaux de la RN4 prennent fin sans résoudre l’équation des accidents graves posée par l’étroitesse du pont de Nakambé, l’Union européenne aurait alors accompli certes une œuvre utile mais à moitié.

Il faut aller jusqu’au bout dans ce projet pour qu’il atteigne tous ses objectifs pour l’épanouissement des populations. Car les dégâts matériels et peut-être les pertes en vies humaines qui surviendront au pont de Nakambé viendront compromettre la contribution que l’Union européenne a voulu apporter au développement du Burkina Faso en finançant les travaux de renforcement complémentaires de la RN4.

Jolivet Emmaüs
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Cris de cœur des usagers et des riverains

* Mady Sawadogo, observateur météo hydraulique à Kougri : “Beaucoup d’accidents surviennent sur le pont. Il n’y a certes pas eu de pertes en vie humaine l’année dernière jusqu’à nos jours, mais c’est un phénomène inquiétant pour le village. Car pour le dernier accident, tous les habitants se sont réveillés aux environs de 23 h pour porter secours aux passagers du camion de 10 tonnes qui s’est renversé.

Ensemble, nous avons essayé de sauver ce qui peut l’être de leurs marchandises. Le camion transportait d’importants articles de commerçant.
Les dégâts matériels ont été énormes. Mais Dieu merci, le niveau de l’eau du fleuve Nakambé n’était pas très élevé. Les passagers tombés à l’eau ont pu être sauvés. C’est une situation récurrente. La seule façon d’y remédier, c’est d’élargir le pont “.

* Ibrahim Kaboré, transporteur de passagers sur l’axe Koupèla-Ouagadougou-Koupèla : “Nous nous réjouissons du fait que le tronçon Ouagadougou-Koupéla soit refectionné. Cela a rendu le trafic plus fluide. La seule embûche reste le pont du Nakambé. Pour nous qui fréquentions régulièrement cet axe, nous savons qu’il faut être extrêmement prudent à ce niveau.Tenter un croisement sur le pont, c’est prendre un risque énorme et exposer la vie de ses passagers.

Pour des usagers qui empruntent la RN 4 pour la première fois, le pont du Nakambé représente un danger potentiel. Ils croient que la zone a les mêmes dimensions que le reste de la voie. D’ailleurs la plupart des accidents sont provoqués par des chauffeurs non habitués au trajet. Il faut donc adapter les normes du pont à celles de l’ensemble de la route nationale. Une telle entreprise évitera beaucoup de désagrément”.

* Mahamadi Kaboré, conseiller municipal de Kougri, commune rurale de Zam : “Ce qui se passe sur le pont du Nakambé fait extrêmement souffrir les habitants du village et les usagers de la Route nationale numéro 4. Nous avons entendu dire que c’est une voie qui va beaucoup contribuer au développement du Burkina Faso. Mais si l’on considère les accidents survenus à cause de l’étroitesse du pont de Nakambé, le constat est amer. On reste même sceptique. L’endroit est trop étroit pour le croisement de camions et remorques. Il ne se passe pas un ou deux mois sans que l’on y assiste à des accidents graves.

Les villageois sont parfois traumatisés de voir des personnes perdre toutes leurs fortunes. Voir des individus tout perdre du coup peut décourager toute envie d’entreprendre. N’eût été la promptitude avec laquelle la population a réagi pour sauver passagers et marchandises lors de l’accident du 26 janvier 2007, le bilan aurait été lourd. Nous avons même craint pour un passager car il ne savait plus où il était. Il a commencé à délirer. J’irai plus loin même pour dire que le pont est ne tient plus.

Tout remue quand un véhicule y passe. Il n’y a ni dos d’âne ni des agents de sécurité pour amener les usagers à ralentir. Le village de Kougri a trop souffert des accidents survenus sur le pont Nakambé. Ceux qui sont un peu âgé se rappellent qu’il y a une vingtaine d’années, un accident sur ce même pont a tué une trentaine de personnes. Ce drame continue de marquer les esprits au village. Il faut donc trouver les solutions pour que de tel drame ne se reproduise pas”.

* Adama Jean Baptiste Ilboudo, transporteur de charbon sur l’axe Fada N’Gourma-Ouagadougou : “ L’élargissement de la route est un soulagement pour nous conducteurs de grands camions. Mais que cette initiative aille jusqu’au bout.
Car en même temps que nous roulons sans problème sur la route, ce sont les gros véhicules qui éprouvent le plus de difficultés.

A cause du poids de notre charge et de la longueur du camion, toute erreur à ce niveau peut-être fatal. Il n’y a pas un chauffeur qui ne craint pas cette zone. Aider réellement les usagers, c’est améliorer la circulation sur le pont du Nakambé comme sur tout le tronçon”.

Propos recueillis par Jolivet Emmaüs

Sidwaya

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