Vainqueur de la boucle du coton en 2006, champion national 2005 et 2006, Jérémie Ouédraogo, natif de Kokologho, à 50 km à l’Ouest de Ouagadougou, n’arrête pas de collectionner les trophées. Du haut de ses cent soixante-quatorze centimètres pour 67 kg, Jérémie Ouédraogo est arrivé au vélo de manière fortuite. C’était en 1996, à
Boussé (50 Km au Nord de Ouagadougou). « Boussé organisait, à l’occasion de sa fête annuelle, une course cycliste. La course se fait avec des vélos ordinaires, et se déroule autour du marché. Sans que je ne sache pourquoi, cette année-là j’ai pris le départ. A l’arrivée, j’étais quatrième », se souvient l’actuel maillot jaune du Tour du Faso.

De retour à Ouagadougou, il devient adepte de la discipline et s’inscrit au vélo club du quartier Somgandé. « Chaque coureur devait trouver son propre vélo. Les montures n’étaient pas conventionnelles. Il suffisait de remplacer les guidons du vélo ordinaire par ceux d’un vélo de course et le tour était joué. » Heureusement, pour lui, cette expérience ne va durer qu’un an. Déjà, il intéressait des clubs plus structurés, notamment l’AS-SIFA et l’ASFA-Y. Finalement, Alassane D. Ouangraoua, plus déterminé, parvient à placer Jérémie sous la bannière du RCK (Racing club du Kadiogo).

Le coureur avoue toutefois que ce n’est pas le Pérou chez les Cheminots. De plus, il est l’unique cartouche du club, ce qui l’oblige à l’exploit personnel chaque fois qu’il veut faire le podium. « Je suis un sprinter. Il fallait des rouleurs à mes côtés, pour m’entraîner dans leurs roues. Hélas, mes coéquipiers semblent ne pas suivre le rythme, me laissant le plus souvent faire le boulot tout seul », déplore-il. On comprend donc son aisance quand il se retrouve en sélection pour le Tour du Faso. Cependant, modeste, il soutient : « Il est vrai que j’ai gagné le Tour du Faso 2005, mais ce sont les autres coureurs burkinabè qui ont le mérite, eux qui ont couru pour moi. »

« Je compte rebeloter ! »

L’explosion totale de ce coureur, l’année dernière, n’est pas un fait du hasard. Depuis 2001, en effet, Laurent Dupuis l’accueille dans son écurie, en France, où il bénéficie de conditions idéales de travail. Fort de cela, il promet, avant de prendre le départ du Tour, le maillot jaune à sa fiancée, Awa Ouédraogo. Il savait compter sur les bénédictions de personnes âgées qu’il sollicite partout. « Je ne fais pas de wack. Par contre, j’ai l’habitude de donner des pièces d’argent aux vieux. En retour, ils me bénissent. Cela me suffit », confie le coureur.

Malgré l’argent que ses coéquipiers et lui ont amassé sur le Tour, malgré le paiement exceptionnel des primes, cette fois-ci par le ministère des Sports, le natif de Boussé dit qu’il n’est pas encore à l’abri de tout besoin. Par contre, il mesure à sa juste valeur toute la célébrité que son triomphe lui a apportée. « Dans les rues, des filles m’interpellent, me font des yeux doux ; ce n’est pas mauvais, même si je ne cède pas forcément... mais ça, ne le dites pas à ma fiancée », avertit-il un rien espiègle.« Gagner le Tour du Faso, c’est un pur bonheur. Je compte rebeloter ! », a tenu à annoncer celui qui fait désormais partie des seigneurs de la petite reine africaine. Les concurrents de ce 20e Tour et particulièrement les prétendants au titre sont donc avertis.

Par Jérémie Nion
Fasozine