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<I>La nouvelle du vendredi</I> : L’incorrigible

Publié le vendredi 29 septembre 2006 à 07h18min

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Dieudonné est le fils unique d’une famille très pieuse. Il a deux sœurs qui viennent avant lui donc est le dernier de la famille. Sa mère a tant voulu d’un garçon qu’elle adressait incessamment de nombreuses neuvaines à Sainte Rita. Heureusement, elle finit par avoir Dieudonné.

Il faisait la fierté de sa famille et fut entouré de tout l’amour que tout enfant souhaite avoir. Il fréquenta à l’âge scolaire une école privée de renommée. Un privilège que ses sœurs n’ont même pas eu. Celles-ci ne seraient pas allées à l’école n’eût été la détermination de leur mère. Le père voyait en cela une perte d’argent.

Ainsi toute l’attention était portée sur Dieudonné. Cependant au fil du temps il se montra un garçon impossible, turbulent, irrespectueux. Le désespoir gagnait alors ses parents qui s’étaient investis pour faire de lui un homme. Ils ne comprenaient plus rien. Un adage ne dit-il pas que tu ne peux être un bon éducateur que si la providence te donne un enfant docile. Dieudonné faisait tellement de bêtises à l’école. Ce qui a valu à ses parents d’être convoqués plusieurs fois pour indiscipline notoire de leur fils.

Un jour que ses parents avaient été convoqués par son maître, celui-ci essaya de lui faire des remarques devant les siens. Ce qui irrita Dieudonné et il insulta copieusement le maître devant l’étonnement de ses parents et fit culbuter une table en se sauvant pour éviter la colère noire de celui-ci. Ces parents s’étonnèrent fort de son attitude. Ils avaient l’impression d’être devant un étranger qui pourtant était leur propre progéniture et laquelle ! Dieudonné lui, allait de bêtise en bêtise sans même se soucier de la réaction des ces derniers qui devaient toujours payer les pots cassés. Ils eurent à remplacer les trois jarres de la classe que leur fils avait délibérément réduites en morceaux parce que le maître lui avait administré une bonne correction pour indiscipline. L’école, après ses vaines tentatives de changer Dieudonné finit par le renvoyer simplement. « Quel diable a-t-il pris possession de mon fils ! » s’exclamait souvent sa mère.

Dans le quartier, nul repos pour ses parents. Sa mère était toujours en conflit avec les voisines parce que Dieudonné martyrisait leurs enfants. Ceux-ci craignaient de mettre le nez dehors par peur de le rencontrer pour recevoir à nouveau ses coups. Il tordait aussi le cou des poules des voisins qui s’aventuraient dans leur cour ou même devant leur porte. Conséquence, tout le monde lui était devenu hostile et méfiant. L’accès des cours voisines lui était maintenant interdit. Pour les familles, il était devenu une mauvaise fréquentation pour leurs enfants.

Les parents quant à eux ne désespéraient pas pour autant. Son père alla donc le réinscrire dans une école catholique. Les Frères étaient fiers de son niveau. C’était un enfant doué et très intelligent. Cela surprenait son enseignant qui n’hésitait pas à lui laisser la classe et des exercices à traiter avec ses camarades lorsqu’il avait à faire.

Mais c’était se méprendre sur Dieudonné. Celui-ci profitait de la responsabilité qu’on lui confiait pour escroquer ses camarades qui obtempéraient sous peine de conséquences sévères. Ceux-ci étaient tenus au secret, ce qui permit à Dieudonné de se faire une petite fortune qu’il dissimulait dans un trou bien enveloppée dans du plastique derrière la maison. Ce n’est que lorsque les plaintes de certains parents parvinrent à la direction de l’école qu’une sommation fut faite au maître de s’expliquer par rapport à l’argent perçu auprès de leurs enfants. Celui-ci n’y comprenait rien mais fit une enquête auprès de ses élèves pour connaître le responsable de ces raquettes. Dieudonné était une fois de plus au banc des accusés.

Malgré que tous témoignaient contre lui il nia énergiquement les faits. Il avait des réponses à toutes les questions que le maître, le directeur, ses parents lui posaient comme si il les avait préparées d’avance. De nombreuses pièces d’argent furent retrouvées dans son sac mais il refusa d’avouer qu’elles appartenaient à ses camarades. Ce qui mit son père dans un état d’hystérie, qui le bastonna comme s’il n’allait jamais s’arrêter.

Depuis cet incident, son père commença à le filer pour savoir où il avait caché le reste de l’argent et c’est là que Dieudonné le conduisit inconsciemment à sa fameuse cachette. Plus de mille francs y étaient cachés. Là encore, il fut corrigé sévèrement et l’argent restitué aux ayants droit. Comme si cela ne lui suffisait pas, il se mit aussitôt à d’autres bêtises.

La semaine suivante, il acheta un lance-pierre et des boîtes d’allumettes (avec lesquelles il fabriqua des détonateurs) au malheur des passants qu’il meurtrissait et effrayait. A bout de force, le père sidéré, la mère inquiète, décidèrent d’envoyer Dieudonné chez son oncle gendarme à Ouaga. Celui-ci était d’une parfaite rigueur que les parents de Dieudonné croyaient avoir trouvé la solution pour leur rejeton. Ils attendaient donc la fin de l’année scolaire pour le faire partir.

Les religieux quant à eux redoublèrent avec les conseils et les paroles bibliques pour tenter de le récupérer. Il promit à ceux-ci de changer surtout qu’il avait entendu parler de la sévérité de son oncle et de son prochain départ pour Ouaga. Il avait semblé si sérieux aux prêtres qu’ils tombèrent à la renverse quand ils apprirent le malheur de l’un d’eux. Dieudonné lui avait tendu un guet-apens à un carrefour.

Au passage de celui-ci, il lui avait balancé un détonateur qui le fit tomber de sa moto s’étalant de tout son long sur le sol, paniqué. Pendant qu’il essayait de se remettre de sa douleur au menton qui avait reçu le choc, à l’aide de son lance-pierre Dieudonné lui envoya un caillou sur la tête comme pour l’achever. Celui-ci hurla de douleur tentant de se relever, criant au secours à son « Bon Dieu ». Heureusement un passant pu mettre la main sur l’auteur qui tentait de s’échapper.

Devant le conseil de discipline, il accusa la victime de lui avoir fait des reproches. Dieudonné fut sans conteste renvoyé de l’école. Quand il quittait l’école, fier de lui, un élève commit l’erreur de s’en moquer. Ce qui lui a valu une bonne blessure sur la joue faite par Dieudonné à l’aide d’une lame qu’il gardait toujours sur lui pour de pareilles occasions. Conséquence, les parents durent prendre en charge les soins médicaux de l’élève. Dieudonné devenait un danger à ne pas ignorer et tout le monde souhaitait son départ.

Le cœur lourd de chagrin, sa mère l’accompagna à Ouaga chez l’oncle Alphonse comme prévu. Celui-ci, content de recevoir son neveu et sûr de le redresser promit à la mère que tout irait bien et qu’elle n’avait pas à s’inquiéter comme dit l’adage « quand les vagues atteignent la montagne c’est le terminus ». Il fut donc inscrit à la rentrée dans une école d’à-côté que fréquentaient déjà ses cousins. Tout ce temps, comme par miracle, Dieudonné s’était bien comporté. Mais c’était crier victoire très tôt. Chaque matin le sac au dos, il sortait au même moment que ses cousins pour l’école. Il avait suivi normalement les cours une bonne semaine puis après comme si le diable lui était encore apparu, il s’inscrit à l’école buissonnière. A la maison, personne ne reçut la visite de son maître qui venait comprendre la raison de ses absences répétées. Ce jour-là Dieudonné connut la sévérité de son oncle.

Depuis ce temps, il était redevenu le garçon impossible d’autrefois. Il volait l’argent et les condiments de sa tante, occasionnait coups et blessures à ses cousins et aux autres enfants du voisinage, vagabondait, insultait les adultes etc. Il était devenu un mauvais exemple pour ses cousins. Tous les jours, sa tante vociférait et lui infligeait des corrections corporelles. Ce, jusqu’à devenir dépressive. En plus l’oncle lui reprochait de ne pas beaucoup veiller sur Dieudonné. Cela était une source de conflit dans cette famille qui était en paix avant la venue de cet enfant qui n’était pas comme le commun des enfants. Le comble de toutes ses « gaffes » fut de mettre le feu au marché du quartier. Mais étant mineur, son oncle dû payer les dommages. Cependant, il n’avait plus d’argent de poche, de nouvelles tenues, en somme, il était privé de toutes les petites faveurs qu’on lui faisait auparavant.

La famille était tellement traumatisée que pour ne plus avoir des problèmes, sa tante finit par l’enchaîner dans la cour pour être sûre qu’il était hors d’état de nuire. Son oncle était fatigué de lui donner des coups à tout moment car Dieudonné semblait maintenant porter une carapace qui le protégeait et que la loi en vigueur dans ce pays interdisait. Il était imperturbable, l’esprit toujours vif, le regard serein et prêt à recommencer une autre bévue. Sa tante qui s’était abonnée depuis longtemps au paracétamol demanda à son mari de le renvoyer chez ses parents parce que cet enfant disait-elle semble être possédé par le diable et on n’y peut rien.

L’oncle refusa catégoriquement car pour lui l’enfant appartenait à toute la famille et ce n’est pas parce qu’il est impossible qu’il y renoncerait. Sa femme obtempéra et ne dit plus mot ni même considérer la présence de Dieudonné. Elle l’ignora depuis ce jour et se consacra seulement à l’éducation de ses enfants laissant son mari réparer tout seul les erreurs de son neveu qui semblait ne même pas prendre conscience de tout ce qu’il causait comme malheur. De surcroît, l’Action sociale interpella son oncle de maltraiter Dieudonné et qu’a-t-elle suggéré pour le faire changer ?

Il se mit à découcher et chaque fois il ramenait de nouvelles choses (habits, chaussures etc.) d’importante qualité. Quand son oncle voulut savoir d’où il tenait tout cela, il répondit que c’était des cadeaux de ses amis. On commença donc à soupçonner qu’il faisait partie d’une bande de voleurs qui l’entraînait certaines nuits dans les opérations. Alors l’oncle prit peur pour les retombées énormes à venir et le renvoya illico presto à ses parents à Abidjan qui étaient eux aussi dans la désolation. Chacun avait poussé un ouf de soulagement, Dieudonné était devenu du passé à Ouaga. Certains avaient l’impression d’avoir vécu un film mais tout était au beau fixe maintenant.

Plus tard son oncle apprit de son père qu’il s’était adonné à la drogue, qu’il ne fréquentait plus l’école et que son passe- temps favori était le vol. Sa mère fut convaincue que c’est le diable qui a incarné son enfant à la naissance. Puis après, plus de nouvelles de Dieudonné. Comment faire pour l’amener en prière d’exorcisme ? Cinq ans passèrent puis un jour, une lettre parvient à Alphonse venant d’Abidjan de la part de sa belle-soeur. Elle disait ceci :

Abidjan le .....

Cher beau-frère,

Ton frère n’a pas eu le courage de t’écrire pour t’informer du malheur qui s’est abattu sur nous dernièrement. Pour moi, c’est enfin un soulagement pour nous et c’en est un pour lui aussi. Tu ne te doutes certainement pas qu’il s’agit de ton neveu Dieudonné. Il nous a quittés il y a une semaine de cela, mort dans sa cellule en prison suite aux sévices reçus. Sache que depuis que tu nous l’a renvoyé nous n’avons pas pu depuis lors avoir une minute à nous. Oh Dieu, qu’avons nous fait pour mériter un tel sort ! Mais tout est fini maintenant. Dieudonné nous avait effacés de sa vie, on ne le voyait presque plus.

Quand il venait à la maison, c’était pour nous menacer et nous déposséder de notre argent. Il cambriolait les banques et fit la prison à maintes reprises. Mais cette fois, il avait dépassé les limites et ça lui a coûté cher. Ton frère est tout perturbé et je viens à toi par cette note te demander de le raisonner. Pour moi, Dieudonné est soulagé ainsi car s’il avait vécu on serait toujours dans l’angoisse à se demander qu’est-ce qu’il allait entreprendre cette fois-ci.

Il se serait peut-être mis à tuer des gens et je ne me serais jamais remise de cet échec. Ne t’en fais surtout pas mais prie Dieu surtout qu’il lui pardonne ses erreurs. Sur ce, je vous demande de bien vous porter. N’oublie pas le cas de ton frère. J’ai peur pour lui parce qu’il croit au mauvais sort et peut se faire récupérer par le fétichisme.

Antou

Alphonse avait fini de lire la lettre et la tenait suspendue au bout des doigts le regard vide. Il revoyait la vie de Dieudonné pendant son séjour dans sa famille puis s’exclama, les yeux remplis de larmes : « qu’est-ce qu’il nous fallait faire pour que tu changes mon petit ? Avons-nous oublié quelque chose à ton éducation ? Oh ! c’est fini maintenant, repose surtout en paix et que Dieu notre Père, ait la clémence de te pardonner ! Eh Dieudonné !... »

Et à l’entourage de pousser un ouf de soulagement à cette disparition tragique du jeune Dieudonné.

La société elle était une fois de plus heureuse de se débarrasser, fût-ce par la violence de ceux qui portent atteinte à sa sécurité et à sa tranquillité.

- une vermine de moins, criaient certains.

- C’est lui qui est allé chercher ses problèmes, il n’avait qu’a bien se comporter, disaient d’autres.

Eux n’avaient rien à y voir, à peine si beaucoup même l’avaient connu de son vivant peut-être en avaient-ils entendu seulement parler. Une façon rapide de se laver les mains.

Mais les parents qui ne peuvent oublier que c’était leur fils s’endeuillèrent et voudront toujours comprendre un tel destin. Ils ne cesseront de se culpabiliser et de le faire autant pour d’autres :

Avons-nous manqué à notre devoir de parents ?

Est-ce plutôt l’école et la société toute entière qui n’ont pas su le prendre ? Est-ce la faute à l’Etat pour manque de structure de réinsertion ?

Etait-il possédé par le diable ?

Pourquoi nos multiples appels à Dieu n’ont-ils été qu’échec et désespoir ?

Des questions restées sans réponses, sinon que des larmes, rien que des larmes.

Augustine Bambara

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 29 septembre 2006 à 19:05, par Aimé LOFO En réponse à : > <I>La nouvelle du vendredi</I> : L’incorrigible

    J’ai lu avec intérêt votre article. C’est domage que la vie de Dieudonné se soit ainsi et très vite achevée. Je comprends par là un cri de coeure d’une personne ou d’une famille. Dieudonné aurait pu apporté quelque chose à la société toute entière si elle s’était impliquée à sa récupération. Lorsque je vois tous ces enfants dits "de la rue" sans soutien et sans logement. je me demande ce qu’on fait pour leur recupération. Nous sommes tous responsables, les autorités politiques aussi car pour moi, nul n’est incorrigible. J’ai beaucoup apprécié le comportement de son oncle gendarme à la reception de la nouvelle. En tant que père et en tant que personne vivant quotidiennement avec des cas presque similaire, il se demande comment il aurait pu récupérer cet enfant.

    • Le 30 septembre 2006 à 00:25 En réponse à : > <I>La nouvelle du vendredi</I> : L’incorrigible

      Le comportement de l’oncle gendarme traduit en effet le fait que l’éducation n’est pas seulement une affaire des parents mais aussi de toute la société. Cependant, c’est une chose qu’on perds de plus en plus de vue. Pour ce qui est du cas de Dieudonné, ses parents sont fautifs pour l’avoir dorloté par rapport à ces soeurs.ils l’ont "pourri" dès le berceau, pour se rendre ensuite compte de leur erreur, mais trop tard.Comme quoi, on ne peut pas redresser un arbre déjà tordu. Sanwé Médard !

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