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Me Antoinette Ouédraogo, nouveau Bâtonnier : "Je n’arrive pas avec des chantiers"

Publié le vendredi 23 juin 2006 à 07h46min

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Me Antoinette Ouédraogo est le nouveau bâtonnier de l’Ordre des avocats du Burkina. Elue le 17 juin 2006, elle nous livre, à travers cet entretien, ses premiers sentiments face à la mission qui l’attend.

"Le Pays" : Vous êtes le nouveau bâtonnier de l’ordre. Comment y êtes-vous arrivée ? Ce fut difficile ?

Me Antoinette Ouédraogo : Toute élection est difficile. Elle est encore plus difficile quand elle a lieu dans un milieu où tout le monde a le même cursus académique, et où personne ne peut dire qu’il est plus intelligent que l’autre. Ce fut difficile et c’est à coup d’arguments que chacun a pu engranger des voix au premier tour. Puis au second tour, le troisième candidat nous a départagés.

Vous attendiez-vous à un second tour ?

Je ne croyais pas à un premier tour unique. On se connaît dans le milieu. On sait qui est de telle ou telle obédience. Pour moi, c’était clair qu’il y aurait un deuxième tour. Tout comme c’était clair qu’il y aurait des alliances pour départager les candidats, et ces alliances se sont formées de façon naturelle.

Première femme bâtonnier, quelle est votre vision pour le corps ?

Moi, je ne suis pas très prétentieuse en ce qui concerne mon mandat. J’ai un programme que tous mes confrères connaissent. Ce qui m’importe d’abord, c’est de faire en sorte que ce corps soit uni et solidaire. Que les avocats puissent travailler dans de bonnes conditions. Il s’agit pour moi de veiller à ce que le minimum que nous devons avoir, nous puissions le mériter.

Je n’arrive pas avec des chantiers. J’arrive plutôt avec des thèmes inhérents aux conditions d’exercice, à l’union des avocats face à tout adversaire. Nos relations à l’intérieur et à l’extérieur ont besoin d’être améliorées. Il faut savoir que nos conditions de vie ne sont pas les mêmes, sauf quand on se retrouve dans une salle d’audience, empilés les uns sur les autres, de façon indigne. A ce moment-là, et seulement à ce moment, nous sommes pareils.

A l’extérieur, on n’a pas beaucoup cultivé l’amitié et la solidarité. Il est temps de s’occuper de ce chantier-là.

Vous continuez la mise en oeuvre de la CARPA ? Quelle est votre opinion là-dessus, quand on sait que le projet a fait couler beaucoup d’encre et de salive ?

Le bâtonnier Kéré est venu trouver la question de la CARPA complètement réglée. Sous Me Harouna Sawadogo, j’étais membre du conseil de l’Ordre. C’est un élément de mon cabinet qui a été désigné pour rédiger les textes fondamentaux de la CARPA. La CARPA était prête depuis 2002. Mais, on avait beaucoup de priorités. Le bâtonnier avait dit, en son temps, "allons au plus urgent, et celui qui viendra achèvera la mise en oeuvre de la CARPA". Sinon, le bâtonnier Kéré n’est pas venu mettre en place la CARPA. Il a parachevé un travail qui avait déjà été entamé. C’est une continuité.

La CARPA a été initiée en connaissance de cause. Il y a 12 ou 13 ans, la chronique était alimentée par les "ceci et cela" des avocats. Nous avons alors voulu sécuriser le justiciable et l’avocat lui-même afin qu’il ne tombe pas dans la tentation de puiser dans l’argent de son client. Pour le client, il y a la certitude de rentrer dans ses fonds.

La CARPA sera ce qu’elle sera. C’est très bien, la CARPA. Mais elle est inutile pour un avocat qui n’a pas de dossier. Il faut avoir de l’argent pour le mettre à la CARPA.

Et si vous n’en avez pas ?

Pour moi, on peut s’enorgueillir de la mise en place de la CARPA. Mais personnellement, je suis plus attachée à l’amélioration des conditions d’exercice de la profession.

C’est-à-dire ?

Il y a beaucoup de choses. Il faut que les jeunes avocats puissent être accompagnés. Ce n’est pas que quelqu’un va aller toucher de l’argent et le leur remettre par pitié. Nous devons réfléchir à comment aider les jeunes avocats à s’installer. Si on a la chance d’avoir un avocat en enquête préliminaire, même si c’est 50 000 F CFA, c’est quelque chose pour quelqu’un qui n’a pas de dossier.

En Côte d’Ivoire, au Mali et au Niger, ils ont des avocats lors de l’enquête préliminaire. Nous, on est là. On s’en fout. On a l’impression que l’avocat est peut-être dérangeant lors de cette enquête.

Ce que les uns et les autres oublient, nous sommes potentiellement des gens qu’on peut arrêter, détenir arbitrairement, et même vous "chauffer" un peu pour entendre ce qu’ils veulent entendre. Mais, s’il y a un avocat, ils ne peuvent pas le faire.

J’en ai parlé dans mon programme. C’est un des thèmes que j’aborde.

Revenons à l’unité du corps. Par quels moyens comptez-vous y parvenir ?

Personnellement, je pense que c’est une question difficile, et la réponse peut être compliquée. Mais je dis toujours que si vous voulez quelque chose, soyez l’image de ce que vous voulez. Si vous voulez l’unité, c’est à vous de la rechercher. Il faut être quelqu’un qui a toujours recherché cette unité. L’unité, ce n’est pas la vassalisation. Non. Elle est une expression commune d’une appartenance commune.

Dans les autres corps, au-delà du nôtre, les gens aiment l’aspect clanique. Mais quelqu’un a dit qu’on s’améliorait au contact des autres. Il faut s’enrichir au contact des autres, au besoin les harceler. C’est cette humilité que nous n’avons pas encore. Il y a plusieurs formes d’union, mais je pense que je vais avec des préjugés favorables. Premièrement, le thème fort de ma campagne était "notre projet commun", parce que je voulais que chacun s’y retrouve.

Deuxièmement, à l’élection du 17 juin 2006, ce fut la première fois que presque tous les avocats ont fait le déplacement pour élire chacun son bâtonnier. Ensuite, le résultat. 77, c’est le plus grand score jamais réalisé par un candidat ; cela fait 59%. Tout cela mis ensemble, je pense que je n’aurai pas beaucoup de problèmes à convaincre les uns et les autres.

La preuve, des gens n’ont pas voté pour moi, mais sont restés dans la salle jusqu’à la fin du scrutin. Ce matin (20 juin 2006), certains m’ont appelée et m’ont félicitée. Sincèrement, je pense que c’est un pont. La réalité de la désunion, on la voit, mais je pense que nous pouvons réaliser l’union. Même à l’occasion d’une procédure, on peut démarrer la fraternisation avec un confrère.

Vous gérez beaucoup de dossiers. Vous défendez notamment l’Etat dans certains dossiers. Ne serez-vous pas surchargée avec cette nouvelle responsabilité ?

Non, je ne pense pas. Je travaille beaucoup. 2 heures du matin, c’est le meilleur moment pour moi pour travailler, et j’ai des collaborateurs qui sont à mes côtés et qui m’épaulent très bien.

Propos recueillis par Abdoulaye TAO

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 23 juin 2006 à 23:56 En réponse à : > Me Antoinette Ouédraogo, nouveau Bâtonnier : "Je n’arrive pas avec des chantiers"

    L’interview accordée par celle qui sera le futur bâtonnier du Burkina Faso au mois d’octobre prochain m’inspire la réflexion suivante :
    En effet, je constate que cet entretien n’est pas, du tout, rassurant pour mes confrères du Burkina Faso. Venir insinuer, suputer, alléguer, pour un nouveau Bâtonnier, qui n’a pas encore prit ces fonctions, que le bâtonnier Kéré n’a pas mis en place la CARPA est une appréciation parfaitement erronée de la réalité de la CARPA au Burkina Faso. Ce n’est pas parce que les avocats n’ont pas de fonds à mettre en CARPA que la mise en place de la CARPA n’est pas importante par comparaison de l’aide qui devra être apportée à l’installation des jeunes avocats. Je vois, personnellement, à quel point, mon confrère Antoinette OUEDRAOGO, qui, faut-il le rappeler, n’a pas encore prit ses fonctions, est en train de minimiser ou même de fragiliser la fonction de Bâtonnier. Quand viendra l’heure de l’exercice effectif de cette fonction par ce nouveau Bâtonnier, j’espère que celle-ci aura une autre grille de lecture du rôle du Bâtonnier. Elle pense à l’union, et, cependant,celle-ci n’hésite pas à émettre des critiques injustifiées à l’égard de son prédécesseur au mépris de tout. D’ailleurs, je suis très mal placé pour apprécier le bilan du Bâtonnier Kéré, pour la simple raison que je suis son frère cadet exerçant en France. Mais je puis garantir à Me Antoinette OUEDRAOGO que ce n’est pas à travers des propos de ce genre qu’elle pourra favoriser, renforcer l’émergence de l’union des avocats du Burkina Faso dans la confraternité. Je vous le dis ouvertement, à travers votre critique incompréhensible sur l’importance de la mise en place de la CARPA, j’estime, personnellement, pour ma part, que vous n’avez pas observé l’obligation minimale de réserve et de délicatesse que l’on peut observer à l’égard d’un confrère et, partant, le respect élémentaire du travail accompli par votre prédécesseur qui a le malheur d’être mon frère. Je suis, vous l’aurez certainement constaté et compris, moins virulent et moins méchant à votre égard, en raison de ce que le Bâtonnier Kéré est mon frère. Vous le saurez, également, dans notre famille, on ne touche pas à un cheveu de la fratrie, surtout, pour l’injustice dont le bâtonnier Kéré est victime de votre part dans vos propos hasardeux, hâtifs, partiels et partiaux sur l’importance de la mise en place de la CARPA. En tout état de cause, le Burkina Faso est, sur ce plan, largement en avance de plus de 20 ans sur la majorité des pays africains. En tout état de cause, nous aurons, largement et pendant trois années consécutives de votre mandat, l’occasion d’apprécier votre bilan personnel à la tête de l’ordre. Pourvu que Dieu nous accorde longue vie... Me Paul Kéré, Docteur en Droit, Enseignant de Droit à l’Université Henri POINCARE, Avocat au Barreau de Nancy, 3 Ter, Rue du Général FABVIER, (54000) Nancy France.

    • Le 24 juin 2006 à 19:04 En réponse à : > Me Antoinette Ouédraogo, nouveau Bâtonnier : "Je n’arrive pas avec des chantiers"

      Kéré, connaissant ta droiture et ton courage légendaire, tu as dit tout haut ce que la majorité des confrères Burkinabé pensent tout bas. Nombreux sont les confrères (qui ont même voté pour Me Antoinette OUEDRAOGO) à s’indigner de cette interview scabreuse. Mais trève de commentaires. Une chose est sûre : Dieu rendra au centuple au bâtonnier Barthélémy Kéré pour ce qu’il a fait pour notre ordre. C’est avec une attention particulière que nous suivrons le déroulement du mandat du futur bâtonnier Antoinette OUEDRAOGO, d’autant plus qu’elle énonce, de manière péremptoire qu’elle "n’arrive pas avec des chantiers...". Un avocat indigné.

    • Le 26 juin 2006 à 12:32, par Kéré, Nancy En réponse à : > Me Antoinette Ouédraogo, nouveau Bâtonnier : "Je n’arrive pas avec des chantiers"

      A la suite de ma réflexion sur les termes de l’interview accordée par le futur Bâtonnier Me Antoinette OUEDRAOGO, j’ai essuyé une critique de la part de mon frère aîné. Je me propose, en enfant terrible de la fratrie (et j’en assume pleinement la responsabilité) de vous livrer l’intégralité de ce message personnel en espérant que le Bâtonnier Kéré sera, une fois de plus, indulgent à mon égard.
      Voici les propos du Bâtonnier Kéré.

      "Il ne s’agit pas bien évidemment et comme toujours de toucher à ta liberté ; mais j’ai trouvé dommage que tu aies jugé nécessaire de répondre aux propos de Mme Le Bâtonnier élu du Burkina Faso. Je sais et je comprends que c’est choquant quand on sait ce qu’il a fallu entreprendre pour faire de la CARPA une réalité au Burkina. Mais je ne trouve pas nécessaire de faire de la polémique. L’opinion burkinabè a suivi avec moi les étapes de la mise en place effective de la CARPA depuis l’arrivée de la première mission d’évaluation de l’UNCA en janvier 2004 après le début de ma négociation avec le Barreau de Paris et l’UNCA en novembre 2003 et après ma prise de fonction en octobre 2003. Si la question avait été réglée, je me serai orienté vers d’autres chantiers. En tout état de cause Me Ouédraogo prétend que la CARPA était prête mais que le conseil de l’ordre dont elle était membre aurait poursuivi d’autres priorités ; j’aurais, personnellement souhaité savoir quelles sont-elles, ces priorités par rapport à la CAPA ; la seule réponse suffirait à voir que, au moins, Me Antoinette Ouédraogo et, au surplus, tout le conseil de l’ordre qu’elle incrimine se savent pas ce que c’est que la CARPA. La légèreté des propos de notre Bâtonnier "sans chantiers" n’est pas un mépris seulement pour le Bâtonnier KERE : C’est une déconsidération totale du Barreau de Paris et de l’Union des CARPA de France et tous leurs partenaires pour leur merveilleuse collaboration pour ma mise en place de la CARPA au Burkina ; C’est aussi une giffle au Président COMPAORE qui, lorsque je lui ai expliqué le mécanisme CARPA inscrit au point 4 de mon programme s’est exclamé [mais cette CARPA est un instrument de bonne gouvernance !] ; de fait, il m’a accompagné parfois discrètement, souvent ouvertement par les membres de son gouvernement et notamment le garde des Sceaux, jusqu’au lancement officiel le 28 avril 2006. Je rapelle que le Gouvernement y était présent par au moins huit ministres sans compter les Présidents d’Institutions de l’Etat ou le Chef d’Etat Major Particulier de la Présidence du Faso.... Au demeurant, tout le monde se souvient du point CARPA évoqué lors de la présentation des voeux des corps constitués au Chef de l’Etat en décembre 2004, de l’engagement public du Président du Faso à Ouaga 2000 en début 2005 devant les corps constitués à faire bénéficier le barreau de son soutien sur les deux points que j’ai soulevé à savoir la mise en place de la CARPA et la réussite de la Conférence Internationale des Barreaux (CIB) 2005. Je ne vois même pas pourquoi je mettrai ce point dans mon programme soumis aux avocats en mai 2003 pour les élections qui se sont tenues le 7 juin 2003, si la question avait été complètement réglée comme le prétend Mme Le Bâtonnier Antoinette OUEDRAOGO "depuis 2002" (sic). Bref tu vois que les propos n’appelaient pas de réponse ; pour ces choses là, il faut laisser l’Histoire s’en charger.....
      Un avis que je partage absolument. Me Paul Kéré, Avocat au Barreau de Nancy.

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