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Guy Lompo : De Bordeaux à Ouaga, plaidoyer pour le moringa

Publié le lundi 3 avril 2006 à 09h11min

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Guy Lompo

On peut dire du moringa qu’il donne la vie ! Ses feuilles, ses graines, ses racines... regorgent de tellement de vertus que ce petit arbre de 4 à 6 mètres de haut, que l’on trouve dans les champs et les jardins, est un arbre essentiel pour la vie et la santé. L’une de ses propriétés, et pas des moindres, est la potabilisation de l’eau.

Selon l’almanach de l’Assistance écologique de l’année 1989, les graines pilées de moringa purifient l’eau boueuse. Une pratique utilisée depuis longtemps le long du fleuve Nil, précise encore la même source.

Cette façon de nettoyer l’eau sale captive au plus haut point Guy Lompo, qui a consacré des années entières à étudier le moringa. Diplômé en droit et en gestion des entreprises, Maître de conférences à ses heures, ce passionné de moringa passe le plus clair de son temps dans les bibliothèques. Il a ainsi rassemblé, au fil du temps, les éléments de sa solide plaidoirie pour la promotion des moringacées dans un pays comme le Burkina, dans lequel l’eau potable est encore une denrée rare...

En octobre 1999, Guy Lompo débarque à la préfecture de la Gironde et sort de son attaché-case, des statuts portant création d’une association pour la promotion des moringacées. Son association reconnue par les autorités françaises, l’universitaire burkinabè se jette à fond dans la recherche sur le moringa. « C’est en regardant une émission à la télévision française que j’ai entendu parler des vertus du moringa. Une étude réalisée par des chercheurs de l’université britannique de Leicester validait l’hypothèse selon laquelle les graines du moringa, réduites en poudre, pouvaient rendre l’eau potable. »

C’est le début d’une nouvelle aventure. « Originaire d’un pays où l’eau potable est considérée comme une denrée rare dans certaines contrées, je me suis passionné pour cet arbre tropical qui pousse dans plusieurs régions du Burkina. J’avais par ailleurs noté que le moringa avait été expérimenté avec succès au Malawi. Alors, je me suis demandé : pourquoi ne pas tenter l’expérience au Burkina ? »

Délaissant par moments ses cours de gestion d’entreprises, il se transforme en rat de bibliothèques pour affiner ses hypothèses sur le moringa. « L’enjeu m’a semblé très important pour mon pays. Nous pouvons faire d’importantes économies financières en vulgarisant la plantation du moringa. L’exploitation de ses graines nous éviterait d’importer systématiquement du sulfate d’aluminium, traditionnellement utilisé pour purifier l’eau. Avec à peine une plantation de moringa sur un hectare, on peut purifier 30 000 m3 d’eau. »

Guy Lompo n’est cependant pas le premier à s’être intéressé à la problématique du moringa au Burkina. Déjà en 1993, le Centre international des études hydrauliques (CIEH) avait tenté une expérimentation dont les résultats sont enfouis quelque part dans les tiroirs d’un fonctionnaire. « Il n’est jamais trop tard. Je suis disposé à faire partager aux autorités compétentes, mes connaissances sur le moringa qui possède par ailleurs de nombreuses vertus notamment en agronomie, en cosmétique et en médecine. »

Vœu cher

Rien ne prédestinait pourtant le fils de François Gouabri Lompo et de Thérèse Ouédraogo à se lancer dans la recherche. Certes, papa, haut commis de l’Etat, administrateur civil de classe exceptionnelle, ministre, et plus récemment, avant sa mort en 1995, président de la Commission nationale d’organisation de l’élection présidentielle de décembre 1991, a toujours rêvé d’une éminente carrière de scientifique pour son petit Guy.

Baccalauréat littéraire en poche, obtenu au lycée Ouezzin Coulibaly de Bobo Dioulasso à l’age de 22 ans, le jeune adolescent hérite d’une bourse pour la France. « Je me souviens encore de mon départ comme si c’était hier. Je suis arrivé à Paris le 22 novembre 1976. C’est une date que je ne peux pas oublier. Pour moi, c’est une nouvelle vie qui commençait, loin des miens. »
Arrivé en France en plein hiver, le troisième fils de cette fratrie de 21 enfants - 17 filles et quatre garçons - pose ses baluchons à Bordeaux après une escale obligée à Paris.

Deux années plus tard, il empoche un Diplôme d’études universitaires générales (Deug) en droit à l’université de Bordeaux I. Son diplôme en bandoulière, Il décide de changer de cap et se lance dans des études de gestion à l’Institut d’administration des entreprises de Bordeaux, sanctionnées par un certificat d’aptitude à l’administration des entreprises, puis un DEA - diplôme d’études approfondies - en gestion de l’entreprise.

Très vite, Guy Lompo est gagné par le virus de l’enseignement. « J’ai commencé comme chargé de Travaux dirigés (TD) pendant quelques années. Puis, en 1990, j’ai obtenu mes galons de maître de conférences dans la section formation continue destinée aux professionnels qui souhaitent se perfectionner. » Un talent qu’il exerce en gestion de l’entreprise à l’Université de Bordeaux 4.
Célibataire endurci, âgé aujourd’hui de 52 ans - « Je suis toujours à la recherche de l’âme sœur », confie-t-il - Guy Lompo qui est le père d’un garçon de 24 ans, Yves-François ( qui vit depuis peu à New York ) poursuivait une carrière tranquille avant d’être piqué par le virus du moringa. Entre ses cours à l’université et ses recherches, l’apôtre du moringa accorde très peu de place aux loisirs.

« Je passe ma vie dans les bibliothèques et je me suis d’ailleurs inscrit pour un 3e cycle en écologie humaine pour approfondir mes connaissances sur le moringa. »
Réussira t-il à convaincre les autorités burkinabè de la nécessité de tester les graines du moringa pour offrir de l’eau potable à l’ensemble ?

« C’est mon voeu le plus cher. Je suis ouvert et disposé à soumettre les résultats de mes travaux à ceux que cela pourrait intéresser. » Peut-être alors que cela permettra de baliser la voie pour le retour aux sources de ce « tapeur de sable » gourmantché, installé depuis une trentaine d’années dans la région qui produit l’un des meilleurs vins de France. « Je pense vraiment à rentrer définitivement au pays et y apporter ma contribution. »


Que de vertus !

On l’appelle « arjanayiri » en jula, « arzantiiga » en mooré, « legi-lakii » en fulfulde. Le moringa est un arbre de vie qui aime le soleil et qui pousse mal quand la terre contient trop d’eau. Ses feuilles, ses fleurs et ses jeunes fruits se mangent comme légumes. Mais on les utilise aussi comme remèdes. Ils servent ainsi à nettoyer les blessures, à donner de la force et des vitamines aux malades.

Outre leur vertu purificatrice de l’eau sale, les graines du moringa donnent aussi une huile qui sert pour la mécanique des montres et des horloges. Quant à son écorce, quand elle est blessée, elle sue une gomme utilisée pour préparer des sauces tandis que ses racines servent à faire des « cataplasmes ».

Séchées, pilées et tamisées, ses feuilles, réduites ainsi en poudre, interviennent dans la lutte contre la malnutrition et certaines maladies. En ajoutant cette farine de moringa aux sauces, bouillies et autres aliments, on obtient des repas riches et équilibrés.

Par Samori Ngandè
Fasozine
(Source : Almanach de l’Assistance Ecologique 1989 et 2001)

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Vos commentaires

  • Le 5 avril 2006 à 11:53 En réponse à : > Guy Lompo : De Bordeaux à Ouaga, plaidoyer pour le moringa

    Courage, M. Lompo. Pour l’âme soeur et le moringa... les deux ne sont pas incompatibles, n’est ce pas ?
    Hilaire

  • Le 7 avril 2006 à 16:14, par Piro jean En réponse à : > Guy Lompo : De Bordeaux à Ouaga, plaidoyer pour le moringa

    Piro jean
    e-mail : pirojean@hotmail.com
    Depuis que j’ai quitté le Burkina Faso, où j’ai officié comme coopérant à l’Université de Ouagadougou, j’utilise tous les moyens à ma disposition pour rester en contact avec ce pays et en particulier, depuis quelque temps, je consulte journellement le site Internet "lefaso.net" . C’est ainsi que j’ai pu lire la rubrique "Guy Lompo : de Bordeaux à Ouaga, plaidoyer pour le Moringa".

    Je peux vous rassurer tout de suite : Monsieur Lompo n’est pas le seul Burkinabé à s’intéresser au Moringa oleiféra puisque cette plante n’a pas échappé au Professeur Nacoulma Odile, actuellement Présidente de l’Université de Ouagadougou, en compagnie de qui j’ai eu le plaisir, lors de mon séjour, d’effectuer des recherches sur ses vertus clarifiante de l’eau, recherches ayant conduit à un article : Nacoulma O., Piro J. et Bayane A. : journal de la SOACHIM 2000.

    Dans cet article nous arrivions à la même conclusion que les chercheurs de l’EIER quelques années plus tôt : les vertus clarifiantes du moringa sont indéniables mais ce produit ne permet pas de remplacer le sulfate d’aluminium car, quoiqu’on fasse, la turbidité de l’eau ne descend pas au dessous d’au moins le double de la turbidité recommandée par les normes OMS. A partir d’une certaine concentration en moringa cette turbidité qui, jusque là, décroissait, se remet à augmenter, cette fois sous l’effet de la présence du moringa. C’est pour cette raison que les résultats de toutes les recherches n’ont pas conduit à l’utilisation du moringa pour remplacer le sulfate d’aluminium. Il n’y a, donc, pas je ne sais quel complot qui aurait laissé les résultats des recherches dans les tiroirs d’un fonctionnaire, les autorités compétentes gardent un œil sur les évolutions des recherches, les notre ayant été menées en collaboration avec l’ONEA. Une autre conclusion qui ressort de notre article nous conduit à envisager l’utilisation d’adjuvants qui permettraient de renforcer le pouvoir floculant du sulfate d’aluminium, Madame Nacoulma préconisant des mucilages obtenus à partir de plantes. Nous avons montré, ainsi, que des économies substantielles pouvaient être faites sur les quantités de sulfate d’aluminium utilisées. Il resterait, à optimiser l’extraction de ces mucilages à partir des productions locales pour que ceux ci entrent dans le processus industriel de production d’eau potable (dont je vous rappelle que la clarification n’est qu’une étape).

    Si, à cause des normes internationales, le moringa ne peut être réellement un substitut au sulfate d’aluminium dans les processus industriels , comme le pense Monsieur Lompo, son utilisation peut, quand même être intéressante dans les zones rurales non desservies par l’ONEA. En effet, il vaut mieux avoir à disposition une eau dont la turbidité est deux ou trois fois supérieure aux normes données par l’OMS plutôt qu’une eau dont la turbidité est cent, deux ou trois cents fois supérieure. D’une part une grande partie des bactéries pathogènes (celles adsorbées sur les particules en suspension) aura été éliminée par la floculation et, d’autre part les quantités de désinfectant (eau de Javel, en particulier) à utiliser seront d’autant amoindries. L’utilisation de produits chimiques clarifiants ne peut pas être envisagée, pour des raisons économiques, dans les foyers ruraux, par contre celle de poudre de moringa prend alors tout son intérêt puisque la matière première existe, à l’état sauvage, au Burkina Faso. Dans ces conditions l’association de Monsieur Lompo pourrait parfaitement prendre en compte la vulgarisation, auprès de ses compatriotes ruraux, des processus de clarification des eaux troubles grâce au moringa qui est déjà connu auprès de ces mêmes populations pour avoir d’autres usages, en particulier en phytothérapie dans la médecine traditionnelle.

    • Le 16 février 2007 à 15:07, par Eric En réponse à : > Guy Lompo : De Bordeaux à Ouaga, plaidoyer pour le moringa

      Monsieur Pro ne doit hélàs pas parler anglais ou être mal informé, car toutes les études sur les graines du moringa sont absoument formelles : elles purifient les eaux et permettent à n’importe quel village de produire son eau potable à domicile.
      Le moringa est la plante miracle du sahel . Les diverses propositions et projets sur le moringa ont gagné l’année dernière les plus grandes compétitions internationales !!!
      Enfin, le sulfate d’aluminium est cancérigène.
      Monsieur Lompo a tout à fait raison, et, il y des blocages dans l’utilisation du moringa au Burkina qui ne sont pas normales.
      Eric Lemetais

  • Le 24 avril 2006 à 13:14, par lorette En réponse à : > Guy Lompo : De Bordeaux à Ouaga, plaidoyer pour le moringa

    bravo ! un article tres interessant ! J’habite en Angleterre et je soutiens l’organisation TREE AID qui travaille en Afrique, en particulier au BK. Je vais leur parler de cet arbre ! Comment allez-vous faire pour planter quelques hectares ? est ce que votre gouvernement va vous aider ?
    amicalement, lorette.

  • Le 29 avril 2006 à 22:54, par lompo bertrand En réponse à : > Guy Lompo : De Bordeaux à Ouaga, plaidoyer pour le moringa

    salut je viens de lire ce texte que m’a envoyé mon cousin et j’aimerai en savoir plus sur cette recherche.

  • Le 16 février 2007 à 14:57, par Eric En réponse à : > Guy Lompo : De Bordeaux à Ouaga, plaidoyer pour le moringa

    Oui il est stupéfiant de vois que le moringa ne soit pas utilisé dans les pays du sahel et au Burkina, car il offre un nombre incalculable de vertus et de propriétés, et, il est mis en application en Inde et en Afrique de l’Est.
    Je suis à votre disposition pour tout renseignement sur le moringa
    Amitiés
    Eric LEMETAIS
    mail : eric.lehavre@wanadoo.fr

  • Le 25 juin 2007 à 12:05, par SEKONE En réponse à : > Guy Lompo : De Bordeaux à Ouaga, plaidoyer pour le moringa

    Bonjour Mr Guy
    C’est extraordinaire ce que vous avez fait depuis tant d’année et je vous encourage. J’ai moi aussi entrepris de travailler sur cette plante depuis 4 ans avec l’appui conseil du Prof Pousset. Malheureusement, son développement reste toujours une gajeure, tant les gens reste sourd aux sollicitations de petit fond pour développer de petite plantation au Burkina Faso. Je comprend cela aussi, parce que l’on ne se met pas ensemble. En exemple, je ne viens que de te connaître grâce à une française du nom de Françoise Coste. C’est regrettable que toutes les personnes intéressée à cette plante ne réussissent pas à se mettre ensemble. Je pense et je souhaite que tu prennent cette initiative car de l’extérieur tu pourras plus rassembler sans avoir des méfiants. donc sur toi.
    SEKONE

  • Le 3 juillet 2007 à 13:51, par Papy Bofibwe En réponse à : > Guy Lompo : De Bordeaux à Ouaga, plaidoyer pour le moringa

    J’ai appris que le moringa soigne la cécité. Cela est-il vrai ou faux. Si c’est vrai, veuillez me répondre en me donnant la formule.

  • Le 17 août 2007 à 15:07, par frère Antoine En réponse à : > Guy Lompo : De Bordeaux à Ouaga, plaidoyer pour le moringa

    Où peut-on se procurer des graines de moringa pour implanter un champ de 25mX25m, pour la production de feuilles à Kabinda en RDC ?
    ( Frère Antoine, agronome, missionnaire en RDC)

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