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Report sine die de l’élection présidentielle au Sénégal : Macky Sall veut-il demander l’adhésion de son pays à l’AES ?

Publié le dimanche 4 février 2024 à 23h30min

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Report sine die de l’élection présidentielle au Sénégal : Macky Sall veut-il demander l’adhésion de son pays à l’AES ?

Le samedi 03 février 2024, le président sénégalais, Macky Sall a annoncé avoir signé un décret qui abroge celui convoquant le corps électoral et reporte sine die les élections présidentielles prévues pour le 25 février 2024. La campagne officielle pour cette élection devrait démarrer le dimanche 04 février 2024 et elle s’annonçait comme une des élections les plus ouvertes avec 20 candidatures retenues par le Conseil constitutionnel. Sans avoir prévu un autre calendrier électoral, ce report sonne comme une annulation, et le vide juridique qui en découle comme un coup d’Etat, dont le président élu sera le bénéficiaire car il se retrouvera illégalement et illégitimement toujours au pouvoir après le 02 avril 2024 date à laquelle il devrait passer le pouvoir.

La situation est inédite depuis l’indépendance du pays. Macky Sall est un accident dans l’histoire démocratique du Sénégal, et sa dernière décision qui vient couronner deux ans de crise pour essayer de se donner un troisième mandat auquel il a dû renoncer en se choisissant un dauphin contre la majorité des membres de la coalition au pouvoir, plonge le pays dans la crise en s’attaquant au Conseil constitutionnel et en prenant le pouvoir tout en agitant un dialogue national.

Pourquoi en est-on arrivé là ? Karim Sall a-t-il menti sur sa double nationalité ou pas ? Si les décisions du Conseil constitutionnel sont sans recours, pourquoi cette enquête parlementaire sur deux membres du Conseil constitutionnel voté par le parti au pouvoir ? La crise politique est ouverte et elle est dans la rue avec les candidats de l’opposition qui ont maintenu leur campagne électorale. Dakar retrouve des airs dont il est coutumier, depuis que Macky Sall est au pouvoir : pneus brûlés, manifestants dans la rue, bataille avec les forces de l’ordre, coupure de signal de la chaîne Walf TV. Quelle institution va arbitrer ce conflit, puisque l’exécutif et le parlementaire s’attaquent au judiciaire ? Macky Sall veut-il un coup d’Etat militaire, ou fait-il son putsch assuré de la protection de l’armée ?

Les chefs d’Etat putschistes de l’Alliance des Etats du Sahel boivent du petit lait en observant ce qui se passe au Sénégal. Macky Sall a terni la démocratie sénégalaise avec sa recherche effrénée d’un troisième mandat qui s’est terminée dans un bain de sang, parce que pour arriver à ses fins, il fallait coûte que coûte que Ousmane Sonko ne soit pas candidat. Aussi l’a-t-on accusé d’un viol que la justice n’a pas reconnu. Mais pendant deux ans, le pays vivait au rythme de cette affaire. Ousmane Sonko a été condamné finalement pour corruption de mineure. Mais il fallait l’éliminer de la course en interdisant son parti et en le condamnant pour une autre affaire de diffamation. On pensait que cette animosité personnelle étant calmée et ayant renoncé au troisième mandat, les nuits et les rêves de Macky Sall étaient paisibles bercées par la brise marine. Mais pas du tout, le candidat de son cœur pour son parti et sa coalition ne décolle pas dans l’opinion. Et le risque de voir un candidat de l’opposition prendre le pouvoir si le processus électoral continuait comme prévu pendait au nez du président sénégalais qui s’est donné la mission de choisir son successeur à la place des Sénégalais.

Karim Wade, ancien ministre « du ciel, de la terre et des mers », fils de l’ancien président Abdoulaye Wade, a vu sa candidature écartée par le Conseil constitutionnel pour fausse déclaration, car il avait prétendu ne pas avoir une double nationalité alors qu’il était toujours inscrit sur les listes électorales françaises, selon la plainte d’un autre candidat. Son parti, se voyant ainsi écarté de la course a voulu attaquer cette décision qui n’est pas susceptible de recours, en demandant une commission d’enquête parlementaire sur deux membres du Conseil constitutionnel. Cette proposition a été votée par la coalition au pouvoir curieusement. Voilà le principal argument sur lequel le président Macky Sall se base pour donner un coup d’arrêt au processus électoral.

Le mépris du peuple est à l’œuvre dans cette décision

Le Sénégal est dans une crise profonde déclenchée par le désir de Macky Sall de se succéder à lui-même, ce que la constitution ne lui permet pas. Macky a obtenu son deuxième mandat en 2019 en écartant ses adversaires les plus dangereux à l’époque par des procès : Khalifa Sall et Karim Wade qui sont allés en prison.

Obnubilé par le pouvoir avec la perspective de l’exploitation des champs d’hydrocarbures du Sénégal, le président sénégalais a passé deux ans à chercher avec opiniâtreté à écarter la candidature de Ousmane Sonko, plongeant le pays dans des émeutes avec des dizaines de morts. Cette lutte contre un candidat potentiel qui cachait mal la volonté d’un troisième mandat n’a pas permis au président de choisir un dauphin capable de gagner les élections et son Premier ministre qu’il a désigné semble ne pas être capable de sortir parmi les deux vainqueurs du premier tour. Aussi le président et son parti ainsi que le Parti démocratique sénégalais (PDS) décident de plonger le pays dans une crise institutionnelle en déclenchant une commission d’enquête contre le Conseil constitutionnel et ce décret d’annulation de fait des élections, puisque la date du report n’est pas connue.

Une grande incertitude règne sur le pays. Il semble que les choses évoluent très vite et que le parlement veut modifier la constitution du pays pendant la campagne officielle pour reporter les élections au 25 août 2024 pour donner un "lenga" à Macky Sall, pour employer un terme burkinabè. Ce bonus présidentiel que Blaise Compaoré réclamait avant que l’insurrection populaire ne le chasse du pouvoir. La situation est très grave et la CEDEAO et l’Union africaine devraient sortir rapidement les sanctions cette fois-ci car trop c’est trop. Car c’est constant que les instances régionales et continentales condamnent toute révision constitutionnelle qui se passerait à moins de six mois des élections.

Les coups d’Etat constitutionnels comme militaires font trop de mal aux populations. Si Macky voulait des élections inclusives, il a eu assez de temps pour libérer Sonko et tous les prisonniers politiques du pays. C’est un coup d’arrêt à la démocratie sénégalaise, et celui-là ne doit pas passer si l’on veut donner une chance à la démocratie en Afrique de l’Ouest.

Sana Guy
Lefaso.net

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