Burkina / Obligation de vente de motos avec casques : La mesure plus ou moins respectée par les commerçants
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Dans un communiqué du 22 décembre 2023, le gouvernement burkinabè avait donné un délai aux vendeurs et aux revendeurs d’engins à deux roues motorisés pour livrer obligatoirement un casque à tout acheteur. La répression en cas de non-respect du communiqué devrait pendre effet à partir du 1er janvier 2024. Pour voir si les commerçants respectent la mesure et ce qui est fait pour les y contraindre, Lefaso.net est allé au constat.
Notre quête d’informations commence dans les alentours du marché Sankaryaré où se retrouvent plusieurs magasins dont des points de vente de motocyclettes. Dans cette zone, les vendeurs proposent tous types et toutes marques de motos. Pour des raisons que nous ignorons, la plupart d’entre eux n’acceptent pas de s’exprimer ou préfèrent garder l’anonymat. « Même avant le communiqué, nous vendions les casques avec les motos », lance un des commerçants, Ali (nom d’emprunt), que nous avons approchés. Au fil de la discussion, nous nous rendons compte qu’il se perd dans ses propos. « Avant, on proposait le casque au client, mais la majorité refusait d’acheter. Nous ne pouvons pas les obliger ». Nous comprenons alors que le casque n’était pas inclus dans la vente et que Ali le proposait comme accessoire à part au client. Mais à la question de savoir si suite au communiqué du gouvernement ils vendent le casque avec la moto, Ali répond par l’affirmative. Nous continuons notre constat sans avoir été très convaincu par le commerçant Ali, mais pas moyen de vérifier ses dires.
Par la suite, nous nous retrouvons dans un autre magasin. Là-bas, nous rencontrons Julie qui vient tout juste d’acheter une moto. Pour ne pas attirer les voleurs, elle aussi préfère parler à visage masqué. « Je suis venue prendre une nouvelle moto. J’ai choisi le modèle ‘‘Fine’’. Dans les discussions, ils ont refusé de diminuer le prix en disant que c’est à cause du casque et de l’immatriculation », confie Julie. La jeune dame dit posséder déjà un casque pour son ancienne moto et désormais elle en possède deux. Elle ajoute que le vendeur lui a dit qu’elle aura besoin du reçu d’achat du casque pour sa plaque d’immatriculation.

C’est finalement au quartier des 1 200 logements que Henri Joël Kaboré, responsable de l’entreprise J-Motors qui évolue dans la vente de cyclomoteurs, nous reçoit sans filtre. Dans nos échanges, il nous fait comprendre qu’il a pris connaissance du communiqué par le biais de la Brigade du contrôle économique. « Ils nous avait envoyé une note pour nous informer que nous devons vendre les motos avec des casques. Déjà avant, nous vendions avec les casques mais certains clients nous demandaient de diminuer les prix en enlevant le casque dans l’achat de la moto. Mais depuis la note, nous obligeons le client à payer avec le casque. Parce que à la base nous vendons les motos avec le casque intégré, la garantie bloc moteur et l’immatriculation compris », indique Henri Joël Kaboré, ajoutant que l’Office national de la sécurité routière (ONASER) les avait invités à une rencontre pour expliquer et informer des nouvelles mesures.
De plus le vendeur nous explique qu’ils sont obligés de mentionner le casque ainsi que sa marque sur le reçu d’achat pour que l’acheteur puisse faire son immatriculation. « Nous ne pouvons plus occulter le casque parce que ça compte pour l’immatriculation. En vendant ainsi, on protège nos clients et ça nous protège aussi parce que la Brigade du contrôle économique, de répression et des fraudes est venue voir si nous respections la mesure. Ils m’ont demandé les pièces justificatives des casques que j’ai présenté et ensuite ils sont revenus demander nos reçus d’achat où nous écrivons tous les avantages d’achat avec la signature du client et ses coordonnées pour vérifier ».

Au début, Henri Joël Kaboré se demandait si les clients vont coopérer. Mais il constate que finalement, les clients ont compris. Selon lui, il faut que les clients acceptent les prix qui vont un peu grimper mais ce ne serait pas de leur faute. « C’est pour leur bien et pour le bien de tous », insiste-t-il. Quant à la qualité des casques qu’il propose à ces clients, il pense que peu importe la marque, le plus important est de protéger sa tête. Il indique qu’il y a plusieurs prix pour les casques qui vont parfois jusqu’à 300 000 FCFA mais il faut donner le minimum aux usagers pour les protéger.
L’ONASER entend multiplier les sorties pour contrôler le respect de la mesure
C’est en 2005 que l’arrêté qui oblige le commerçant à vendre la moto neuve avec un casque a été pris. Cependant, il n’avait jamais pu être effectif sur le terrain. Il y a aussi un texte qui porte sur les conditions d’exploitation des tricycles où il est clairement dit que le conducteur et son apprenti doivent porter le casque parce que les tricycles ne sont pas habilités à prendre des passagers. Selon Maïmouna Karama, chef du service de la promotion routière à l’Office national de la sécurité routière, des actions avaient déjà commencé avant la mise en vigueur du communiqué notamment à travers la Brigade mobile économique, de répression et des fraudes. Cette dernière avait fait des sorties pour voir l’effectivité de cette mesure qui oblige le commerçant à vendre la moto neuve avec le casque. « Ce qui est prévu pour l’année 2024, c’est la multiplication de ces sorties de contrôle au niveau des commerçants des engins à deux roues motorisés. Ensuite il faut dire qu’au niveau de la direction générale des transports terrestres et maritimes, ils ont commencé à recevoir des dossiers d’immatriculation des motos avec les reçus des casques », a-t-elle indiqué.
Quant à l’ONASER, elle continue dans la sensibilisation et dans les actions de communications pour que les gens comprennent l’importance du port du casque et qu’ils sachent que c’est un acte citoyen qui, s’il n’est pas respecté, peut être puni par la loi.
« Il est difficile de reconnaître un casque de qualité à vue d’œil »
« Il faut dire qu’à vue d’œil, il est difficile de reconnaître un casque de bonne qualité ou pas. Mais on peut se fier aux caractéristiques du casque au niveau du vendeur. En fonction de cela, vous allez comparer les caractéristiques pour faire un bon choix. Quoiqu’on dise, il y a beaucoup de qualités de casques avec différents prix mais un casque de moindre qualité protège néanmoins la tête », fait comprendre la cheffe du service de la promotion routière à l’ONASER.
Pour elle, l’impact lors d’un accident de la route sans un casque n’est pas pareil qu’avec un casque sur la tête, même s’il est de moindre qualité. « Il faut dire que nous avons un texte portant homologation des casques au Burkina Faso. Normalement, le vendeur doit remettre un casque homologué par l’administrateur. C’est pour vous dire que la question de la qualité sera réglée très bientôt », informe-t-elle.
Mais pour le moment il n’y a pas de matériel adéquat pour tester la qualité du casque. L’ONASER entend trouver les voies et moyens pour vérifier la qualité des casques qui entrent sur le territoire. « Nous n’oublions pas ce volet qui est important pour protéger les usagers. Au plus haut niveau de notre département la question se pose pour que tout casque qui entre dans le pays assure un minimum de protection pour l’usager », rassure-t-elle pour conclure.
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Farida Thiombiano
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