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Financements innovants du développement : La taxe avion ne fait pas recette

Publié le vendredi 3 mars 2006 à 07h50min

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Combien de dollars la communauté internationale a-t-elle investis dans le développement du Tiers-monde, des années 60 à nos jours ? Même si on ne dispose pas d’une comptabilité précise, on peut les estimer à des centaines, voire des milliers de milliards de dollars. En dépit de cette avalanche financière, le développement reste encore et toujours un mirage.

A croire que cette portion maudite du globe serait une sorte de terre inculte qu’aucun engrais ni aucune technique culturale ne saurait reverdir ?

Mais comme Sisyphe, cette absence de résultats tangibles sur le terrain ne décourage pourtant pas la communauté internationale qui, apparemment, ne tarit pas d’initiatives pour tirer du gouffre ce Tiers-monde dont l’Afrique est la tête d’affiche. L’initiative Pays pauvres très endettés (PPTE), les Objectifs du millénaire de développement (OMD), la mise en place de divers Fonds, les appuis budgétaires et les aides publiques au développement sont à inscrire dans cette volonté d’éradication de la pauvreté sur notre planète.

La dernière trouvaille en date pour le financement du développement nous vient de la « Douce France » de Jacques Chirac : le prélèvement d’une taxe (de 1 à 40 euros) sur les billets d’avion. Si l’idée enchante les organisations internationales comme l’ONU, le FMI et la Banque mondiale, elle n’emballe pas outre mesure certains grands pays comme les Etats-Unis et le Canada pour ne citer que ceux-là. Quant aux professionnels du transport aérien, ils sont simplement hostiles à cette initiative chiraquienne. Il n’est pas non plus évident que beaucoup de passagers soient prêts à accepter cette rallonge d’euros sur le prix du billet d’avion.

Dans ces conditions, il n’y a pas à s’étonner que la conférence de Paris qui s’est tenue mardi et mercredi derniers sur ce thème n’ait pas connu un succès retentissant comme l’aurait souhaité l’ami Jacques qui n’hésite jamais à endosser sa tunique de défenseur du Tiers-monde. Cette fois, il a butté sur les réticences de certains grands pays et surtout du lobby des compagnies de transport aérien. A vrai dire, Chirac ne s’attendait pas à un ralliement des Américains.

Loin s’en faut. En effet, c’est un secret de polichinelle, l’Oncle Sam a toujours été fidèle à sa philosophie mercantile du « trade but no aid » autrement dit « commercer plutôt qu’aider ». Si donc la position américaine n’est pas surprenante, la réserve observée par le Canada, elle, déroute plus d’une personne, quand on sait que ce grand pays, et c’est une constance, déploie beaucoup d’efforts pour soutenir le développement du Tiers-monde. Serait-il alors blasé par tant de sacrifices infructueux sur le terrain ? Ou attend-il simplement de voir clair, avant de se lancer sur les contours et les usages pratiques des fonds ainsi collectés ?

Il faut aussi avouer que cette louable initiative tombe à un mauvais moment puisque le secteur du transport aérien tarde à se remettre du cauchemar des attentats du 11 septembre 2001. Depuis ce jour maudit, de nombreuses compagnies ont mis la clé sous le paillasson, et des milliers d’employés se sont retrouvés dans la rue tandis que le nombre de passagers a considérablement baissé. On comprend alors la frilosité dont font montre ces compagnies au moment où la hausse continue du prix du carburant grève et entame leurs équilibres financiers.

Qu’à cela ne tienne, la France, les pays scandinaves ainsi que les pays du Tiers-monde vont commencer à appliquer cette taxe à partir du 1er juillet 2006 quitte à ce que les autres prennent plus tard le train en marche. Donc, à compter de cet été, cette taxe va dégager de l’argent qui servira dans un premier temps à financer les médicaments contre les maladies phares comme le Sida, le paludisme et la tuberculose. Dans un second temps, on pourra entamer le financement du développement.

Mais la question que l’on est en droit de se poser est de savoir si cette taxe ne sera pas un prétexte pour certaines compagnies de s’enrichir sur le dos des passagers-contribuables. Comment s’assurer que des compagnies mafieuses ne feront pas main basse sur cette taxe et qu’elles la reverseront intégralement et dans les délais à la structure chargée de la collecter ? Une autre question de taille est sans doute la gestion de ce fonds.

Ne va-t-il pas servir à consolider les comptes bancaires personnels de certains potentats africains qui se sont illustrés dans la mal gouvernance, les détournements et la gabegie au point de rivaliser parfois de richesse avec leur propre pays ? Comment s’assurer que l’argent sera utilisé rationnellement et au bénéfice de ses vrais destinataires, les pauvres ? De la réponse appropriée à ces questions dépendra la réussite de cette initiative salutaire.

Peut-être qu’il est écrit, depuis les temps immémoriaux, que le Tiers-monde, notamment l’Afrique, « Notre Afrique », est destinée à la mendicité, à la charité internationale pour survivre, et que face à un tel sort jeté on ne sait par quels dieux maudits, tout effort de redressement de ce continent n’aura que l’effet d’un coup d’épée dans l’eau. C’est sans doute par ce raisonnement fondé sur la métaphysique que l’on peut expliquer ce retard accusé par le berceau de l’humanité, qui serait, en fait, un berceau sans fond capable d’absorber inutilement les milliards de dollars y déversés par la communauté internationale.

Mais plutôt qu’une taxe sur les billets d’avion, c’aurait été plus simple et même plus digne pour l’Occident de favoriser l’émergence d’un commerce équitable avec les pays pauvres en mettant fin aux subventions nuisibles, au dumping et au pillage littéral de leurs ressources naturelles. Ce serait peut-être là une occasion pour le continent noir d’essayer le développement endogène, car comme l’a justement soutenu le célèbre historien burkinabè le Pr Joseph Ki-Zerbo, « On ne développe pas, on se développe ».

A la lumière de cet éclairage, le continent devrait se prendre en main et inventer son propre développement. Mais au lieu de cela, que voyons-nous sur le terrain ? : corruption, mal gouvernance, répression et surtout guerres. Ce n’est donc pas l’historien, mais le poète, qui avait raison lorsqu’il parlait de « l’Afrique des fiers guerriers dans les savanes ancestrales ». Triste Afrique !

San Evariste Barro

Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 3 mars 2006 à 14:23, par Christian En réponse à : > Financements innovants du développement : La taxe avion ne fait pas recette

    On peut essayer le principe "un jour de perdiem pour la scolarisation !"
    L’adage poupulaire dit que "celui qui se noie, même si c’est la queue du serpent, il va la saisir." C’est un peu la situation de l’Afrique où toutes les propositions sur le développement sont acceptées...
    A la suite de cette analyse pertinente sur la taxe- avion, des idées surgissent surtout dans le sens de l’auto promotion. Au lieu que d’attendre les taxes sur les billets d’avion (pour lutter contre le SIDA et le palu) on peut bien commencer par apporter notre contribution pour le développement. Nous savons par exemple que les séminaires, colloques, atteliers, sommets... garantissent toujours des perdiems. Un jour nous avons parlé d’un attelier à un journaliste pour savoir s’il allait y participer. Sans détour il a répondu que les atteliers ne développent jamais le pays et que les gens y allaient juste pour les perdiems. Les consultants experts qui ont eu à restituer des études savent très bien combien coûtent ces atteliers en perdiems, pauses café, restuaration, hébergéments, transport... Comme les participants aux atteliers et seminaires sont toujours des cadres supérieurs, nous pensons alors qu’on peut bien les faire contribuer au développement en prélevant un jour de perdiem à chaque participant pour les atteliers, séminaires qui durent au moins trois jours. Nous espérons que les bailleurs accepteront ce principe. Nous avons la ferme conviction qu’un jour de perdiem permettra d’améliorer le système éducatif sans que le pays soit obligé d’appartenir au PPTE.

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