Burkina : Pour l’effort de guerre, le gouvernement change son fusil d’épaule en 2024

Le premier conseil des ministres de l’année 2024 a annoncé de nouvelles mesures de soutien à l’effort de paix du Burkina Faso. Le gouvernement a décidé du prélèvement « de 1% sur le salaire net des travailleurs du public et du privé, de 25% sur les primes au niveau des départements ministériels et des sociétés d’Etat et des EPE, et de 5% sur le salaire des ministres, pour alimenter le Fonds de soutien patriotique (FSP). » Pour les entreprises 2% du bénéfice sera prélevé. Le chef de l’Etat avait annoncé lors de son message du 11 décembre 2023 que de nouveaux sacrifices seront demandés aux Burkinabè. Cela fera bientôt un an que les Burkinabè font des efforts pour obtenir la paix.
C’est le 11 janvier 2023 que le Fonds de soutien patriotique a été créé pour mobiliser 100 milliards de francs CFA pour la prise en charge des Volontaires pour la défense de la patrie. Le gouvernement avait rencontré les syndicats pour qu’ils acceptent de céder 1% de leur salaire, mais les travailleurs avaient estimé qu’il existait des niches fiscales inexploitées de la part de l’Etat comme les particuliers et les entreprises qui doivent à l’Etat, la faible imposition du foncier, la réduction du train de vie de l’Etat…
C’est suite à l’échec de cette négociation avec les syndicats que le gouvernement a créé un ensemble de taxes sur les boissons alcoolisées et non, le tabac, les parfums, puis sur les télécommunications. Le gouvernement a fait appel à des contributions volontaires des travailleurs et de toute la population pour soutenir la recherche de la paix.
Une fiche de contribution volontaire était mise à leur disposition comme l’indiquait le ministre des finances et de l’économie : « Nous invitons vraiment tous les Burkinabè à télécharger la fiche … et dire ce qu’ils veulent apporter comme contribution. La durée, c’est un an mais renouvelable et cela nous permet justement à l’issue d’un an, de faire le point pour voir qu’est-ce qui a marché, qu’est-ce qui n’a pas bien marché et faire des ajustements. Mais notre espoir, c’est que, à partir de peut-être à la fin des un an, on n’aura plus besoin de ces fonds parce qu’on ne sera plus dans cette situation. »
Le bilan n’est pas encore fait puisque les souscriptions et les taxes ont débuté le 23 janvier 2023. Mais ce qui est sûr les contributions volontaires ne crevaient pas le plafond dans cette collecte. Elles tournaient autour de 5%. Ceux qui aiment diviser la population en "patriotes" et "apatrides" voient que les Burkinabè, "patriotes" et "apatrides" confondus, sont peu nombreux à céder volontairement leur argent. Si on soustrait nos compatriotes de la diaspora qui donnent volontairement, on se rend compte que les Burkinabè qui vivent sur le territoire n’ont pas les moyens pour donner où ne veulent pas donner.
L’effort financier, physique, intellectuel de tous a de la valeur
Le taux de fonctionnaires ayant cédé volontairement une partie de leurs salaires en 2023 est un bon indicateur sur la popularité de la souscription volontaire, si le gouvernement le publiait. Dans le bilan à venir, il serait intéressant de voir les courbes de contributions volontaires et celles d’adhésion à l’actionnariat populaire, si cette contribution n’a pas impacté la mobilisation pour l’effort de paix. Où si les publics des deux contributions sont différents. Des leçons intéressantes peuvent être tirées de cette étude.
Même si la contribution volontaire n’est pas encore acceptée, le gouvernement aurait pu continuer à discuter avec les syndicats, un an après, pour expliquer la nécessité et écouter leurs propositions, qui peuvent aussi être intéressantes ou emmener d’autres solutions productives. Ils auraient pu leur présenter de nouveaux arguments provenant de l’expérience écoulée. Les évolutions de la situation nationale peuvent leur être exposées.
Il ne faut pas penser que les partenaires sont sourds au dialogue et ont des positions figées, immuables. Nous n’avons pas pu atteindre l’objectif recherché des 100 milliards avec l’ancienne formule, puisqu’au 7 décembre 2023 le montant des ressources mobilisées s’élevait à 70 845 185 994 FCFA. Cela ne plait pas à certains, les "buveurs de bière" sont les grands contributeurs à l’effort de paix avec BRAKINA/Sodibo collectant 75% des contributions. Le nouvel objectif n’a pas été annoncé mais il est bien plus ambitieux avec des ressources connues qui seront prélevées à la source.
Beaucoup d’observateurs s’inquiètent sur la diminution des autres taxes collectées du fait de la baisse du pouvoir d’achat des travailleurs, selon la maxime du trop d’impôts qui tuent l’impôt. On l’a observé avec les fêtes de fin d’année 2023 qui ont été très difficiles avec la vie chère qui sévit. Au moment où il est demandé des efforts et des sacrifices aux uns et aux autres, il peut paraître curieux que les fonds spéciaux de la Présidence augmentent. La réduction du train de vie de l’Etat devrait se manifester à ce niveau aussi. D’autant plus que les conditions de redevabilité de ces fonds semblent opaques.
On ne cessera jamais de le dire, les décisions qui se prennent avec la participation des personnes concernées ou leurs représentants sont les meilleures parce qu’elles sont participatives, inclusives. Arrêtons de diviser les Burkinabè, unissons-nous, parce que ce pays nous appartient tous et que l’effort financier, physique, intellectuel de tous a de la valeur. Pour recouvrer l’intégrité de notre territoire nous avons besoin de tous.
Sana Guy
Lefaso.net