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La contribution du baobab à l’amélioration des conditions de vie des populations de Djikologo

Publié le dimanche 10 décembre 2023 à 12h23min

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La contribution du baobab à l’amélioration des conditions de vie des populations de Djikologo

Résumé

Le baobab est considéré comme l’arbre de vie en Afrique dans la mesure où toutes ses parties sont exploitées et utiles pour l’homme. Les feuilles de baobab constituent un met appréciées par les populations de Djikologo. En effet, tous ses produits forestiers ligneux (racine, feuilles, la coque du fruit ou ses tiges, etc…) renferment des vertus aussi bien nutritionnelles que thérapeutiques. Malgré les vertus, le baobab n’est pas suffisamment protégé au Burkina Faso.

Introduction

Le baobab, depuis des siècles, a toujours été utilisé pour la satisfaction des besoins quotidiens (alimentation, soins de santé, etc.) des populations de la région du sud-ouest du Burkina Faso.

Les usages des produits forestiers non ligneux (PFNL) du baobab jadis limités aux populations vulnérables sont entrain de rentrer dans les habitudes surtout alimentaires de plusieurs communautés appartenant à différentes catégories sociales du pays et certainement hors du pays. Quelle es l’utilité du baobab pour les populations du village de Djikologo au Sud-ouest du Burkina Faso ? Quelles sont les différentes formes menaces sur le baobab ?

Sur le plan culturel le baobab occupe incontestablement une place importante dans les rites culturels de certains groupes ethniques. C’est un arbre mythique et chargé d’histoire, symbole de paix, de non-violence et de longévité. Malgré cette importance de l’arbre pour les populations de la zone de distribution, force est de constater de nos jours, que cette ressource aux multiples usages est menacée à la fois par des actions anthropiques et des phénomènes naturels. Il est important de concilier les politiques de protection du baobab et de satisfaction des besoins des populations en produits forestiers non ligneux de plus en plus croissants. C’est ainsi que nous voulons montrer que le baobab en plus des différents symboles qu’il a incarnés, est une plante utile pour les besoins des populations surtout alimentaires au Sud-ouest du Burkina Faso.

Méthodes

Pour y répondre, la méthodologie usuelle en sciences humaines et sociales a été déployée. Celle-ci a consisté en des enquêtes de terrain et des références bibliographiques variées. De l’exploitation de la documentation découle une structure de l’étude de deux axes principaux : la place des produits forestiers non ligneux dans la vie des populations de Djikologo et les différentes menaces sur la plante.
Résultats

1.Le baobab, une ressource de vie à Djikologo

A Djikologo, toutes les parties de l’arbre sont exploitées à des fins thérapeutiques ou nutritionnelles. Dans la pharmacopée traditionnelle africaine, le baobab entre dans la préparation de nombreux remèdes.

1.1 Au niveau alimentaire

Le baobab est une espèce totalement ancrée dans les habitudes des populations africaines notamment burkinabé et fait partie des espèces les plus sollicitées dans presque tous les domaines mais surtout alimentaires à travers ses produits forestiers non ligneux. Dans la région du Sud-ouest, le baobab forme avec d’autres espèces les parcs d’appoint alimentaire composées d’essences co-dominantes interchangeables. Il s’agit soit de la trilogie Parkia biglobosa, Tamarindus indica, Vitellaria paradoxa ou de celle de Parkia biglobosa, Adansonia digitata, Ceiba pentandra, etc. Certaines peuvent répondre à plusieurs demandes des populations plus que d’autres mais demeurent tout de même complémentaires. Elles permettent aux populations d’avoir une variété de produits en fonction de leurs divers besoins.

A titre d’illustration : Vitellaria paradoxa (le karité) pour les besoins en matières grasses, Parkia biglobosa (le néré) comme bouillon de sauce, Tamarindus indica (le tamarinier) les boissons et bouillies. Utiles à la vie de l’homme, ils ne sont pourtant pas épargnés par les assauts de la hache et de la tronçonneuse, excepté le baobab (HIEN, 2022 : 13) . Il est fréquent de voir des espèces mutilées et d’assister à des coupes sauvages de la part des populations. Les feuilles de baobab sont utilisées dans la sauce à l’état frais ou sec. Les jeunes feuilles servent à préparer la sauce. Par ailleurs, les feuilles ne pouvant pas être utilisées pour la sauce à cause de la dureté des fibres présentes dans la feuille difficile à piler à l’état frais sont séchées et réduites en poudre et utilisées pour préparer la sauce.

Le même procédé d’utilisation des feuilles de baobab a été observé dans plusieurs ménages de la région du Sud-ouest :« Elles sont riches en vitamines (notamment C et A), en fer et contiennent des mucilages (10 % ms) » (Diop 2005 : 55). Le prélèvement des feuilles de baobab est généralement assuré par les femmes qui exercent ce droit. Ce sont arbres des parcs agroforestiers (HIEN, 2022 : 14). L’agroforesterie constitue une porte d’entrée pour les femmes dans l’économie à travers l’exploitation des produits forestiers non ligneux pour les besoins alimentaires et sanitaires. En cela nous pouvons affirmer que le baobab permet d’augmenter la liste des espèces végétales considérées comme l’arbre des femmes. En plus du karité, le baobab est aussi l’arbre des femmes. C’est elle qui s’occupe plus de l’exploitation de ses PFNL que l’homme même si le résultat du travail féminin profite à l’ensemble du ménage.

Les arbres situés à proximité des villages (chams de cases) subissent d’émondage total et ceux situés dans les champs de brousse échappent à l’émondage total, mais il est plutôt partiel : « 250 tonnes de poudre de pain de singe, 8 675 tonnes de feuilles et 2 600 tonnes de poudre de feuilles de baobab » (Bukina Faso 2013 :14). Il est également intéressant de souligner que les feuilles ne sont pas prélevées sur n’importe quel baobab. Pour la préparation de la préparation de la sauce, elles proviennent d’une "variété" de baobab glabre dont les branches sont continuellement coupées de sorte qu’il ne fleurit jamais.

L’exploitation des produits forestiers non ligneux à des fins alimentaires au Burkina Faso est une pratique qui a toujours existé en Afrique depuis de plusieurs siècles.

Au regard de son importance socio-économique incontestable et du vieillissement de ses populations dans certaines zones climatiques, il n’est plus rare de rencontrer des plantations à base d’Adansonia digitata dans certains villages du Burkina Faso. Par ailleurs, dans le cadre des activités agricoles l’espèce bénéficie d’une protection dans les champs au même titre que le karité et le néré, toute chose qui permet sa conservation. Toutefois, on note une surexploitation de l’espèce engendrant ainsi une baisse de sa productivité. Dans le cadre de la valorisation des produits forestiers non ligneux (PFNL), le baobab occupera certainement une place centrale au regard des nombreuses sollicitudes de ses feuilles, fruits et écorce. Une exploitation rationnelle de l’espèce s’impose pour garantir la production fruitière et le maintien de l’équilibre des populations. La pulpe des fruits est très sollicitée dans plusieurs recettes de boisson. Le baobab n’est pas seulement connu pour ses vertus potentialités alimentaires, il a aussi des vertus thérapeutiques.

1.2 Sur le plan sanitaire

Le baobab est un arbre aux multiples usages thérapeutiques. Les différentes parties de l’arbre (racine, pulpe, écorce, feuille, fleurs etc.) sont utilisées de façon traditionnelle, par les populations rurales dans le traitement des maladies. En effet, les populations locales disposent donc des connaissances endogènes sur l’utilisation des différentes parties du baobab dans la médecine traditionnelle africaine. En pharmacopée l’écorce est sollicitée contre la toux, le paludisme, les inflammations du tube digestif, la carie dentaire etc. Que ce soit pour les soins médicaux ou pour les besoins alimentaires des populations le baobab est toujours présent. Il faut reconnaître que c’est dans l’alimentation que l’arbre joue pleinement un important rôle dans la région en général et dans le village en particulier. Les autres formes d’exploitation ne sont pas à négliger. Malgré ces fonctions alimentaires et sanitaires, l’arbre n’est pas suffisamment protégé.

2.Les différentes formes de menaces sur le baobab

Les mythes et les légendes racontés sur le baobab, lui avaient permis d’être à l’abris des abus des actions anthropiques relatives à l’exploitations de ses produits forestiers non ligneux. Leur disparition l’aurait exposé surtout à la période coloniale qui fut une véritable traversée de désert pour les populations africaines dans le cadre de la protection de leur patrimoine sous toutes ses formes.

La surexploitation des PFNL est responsables de l’improductivité ou de la mort de plusieurs espèces d’arbres. La surexploitation des ressources forestières par les populations locales est surtout à un problème de gouvernance des ressources. Il y a une certaine rivalité entre les politiques gouvernementales et la satisfaction des besoins des populations de plus en plus élevés. Les populations exploitent beaucoup les ressources forestières et il y a par moment des politiques forestières contrastées que ce soit au niveau des autorités politiques que chez les populations locales : « à cet égard les challenges de l’équité et de la durabilité sont primordiaux » (German 2010 : 23). Or, il faut effectivement mettre en œuvre les principes du développement durable .

En plus de la surexploitation qui menace la survie de l’arbre, il y a les politiques de reboisement inadaptées. Les autorités misent plus sur les espèces exotiques au détriment des espèces endogènes : « Depuis des années, les activités des forestiers se sont concentrées sur la plantation d’arbres, surtout d’essences exotiques. La végétation naturelle a été détruite au profit des plantations artificielles. Depuis des années les forestiers ont mis trop d’attention sur les essences exotiques. Dans les pépinières sont élevées principalement les essences exotiques » (Kessler 1991 : 37).
En outre, il y a les feux de brousse qui assèchent le tronc du baobab et le fragilise, facilitant ainsi l’action des rongeurs qui font des cavités dans le baobab. Et ces cavités sont de facteurs potentiels de destruction du baobab.

Enfin, les multiples menaces qui pèsent sur le baobab sont aussi liées à l’état de la gouvernance forestière au Burkina Faso qui est aux antipodes des us et coutumes des populations locales. En effet, la non implication des populations locales à la gestion des ressources forestières constitue une difficulté à la protection de ces ressources

L’homme est au cœur des menaces sur les ressources forestières. Les changements intervenant dans l’utilisation des terres avec l’agrobusiness constituent une menace pour le baobab. Cela présente divers risques relatifs à la préservation des terres des petits producteurs, la préservation de l’environnement sans oublier la disparition progressive des brousses, réduisant ainsi la biodiversité

En plus de ces facteurs naturels, l’homme reste, cependant, la plus grande menace pour la transformation du patrimoine forestier à travers l’exploitation incontrôlée des ressources naturelles pour ces besoins alimentaires, sanitaires, architecturale, économique : « L’agriculture, entrainée dans le tourbillon, se mue en exploitation. Elle exploite, détruit le capital foncier, pollue, dévaste l’environnement, exténue et chasse les paysans pour produire en quantité croissante des aliments insipides, insalubres… et inutiles : la capacité digestive de l’homme est en effet limitée » (Delatouche 1989 : 23). La protection du baobab peut également permettre de contribuer à protéger de nombreuses autres espèces, notamment les chauves-souris, les papillons nocturnes qui pollinisent les fleurs du baobab. Le risque le plus important étant la coupe de l’arbre pour les besoins en terres agricoles. En terme social, le risque est jugé élevé pour les mêmes raisons que le karité avec le travail des enfants, le travail discriminant envers les femmes, les conditions de santé et sécurité, mais aussi l’accès à la terre. Les mythes et légendes contribuèrent à la protection du baobab. De nos jours, les masques sont tombés et l’arbre est sous pression permanente relative à l’exploitation de ses produits forestiers non ligneux.

Conclusion

La présente étude constitue une approche des aspects économiques et les menaces sur le baobab à Djikologo (au Sud-ouest du Burkina Faso). C’est une plante à usages multiples sur laquelle les populations rurales disposent d’énormes connaissances alimentaires, culturelles et sanitaires. Tandis qu’un regain d’intérêt est signalé au niveau des usages alimentaires avec les récents travaux de recherches provenant des diverses disciplines, force est de reconnaître que c’est une plante qui n’est pas suffisamment protégée au même titre que d’autres plantes des parcs agroforestiers du Burkina Faso comme le karité et le néré. L’utilisation durable de la biodiversité sous-entend qu’il faut un équilibre écologique entre les besoins de l’Homme et les possibilités de régénération des ressources biologiques.

Dr HIEN Sourbar Justin Wenceslas
Chargé de recherche
Institut des sciences des sociétés (INSS)
Centre national de la recherche scientifique et technologique (CNRST)/ Burkina- Faso

Bibliographie

- BURKINA FASO, 2013, Politique nationale de sécurité alimentaire et nutritionnelle, 58 p. CIELAPhttp://cielap.org/pdf/publicparticipation.pdf
- DELATOUCHE Raymond, 1989. La chrétienté médiévale. Un modèle de développement, Paris : Tequi, 222 p.

- DIOP Aïda Gabar et al., 2005. « Le baobab africain (Adansonia digitata L.) : principales

caractéristiques et utilisations » Cirad/EDP Sciences All rights reserved DOI : 10.1051/fruits:2006005, vol. 61, p.55-69. [dernier accès juillet 2022]

- GERMAN A. Laure et al., (eds.) 2010. Gouverner les forêts africaines à l’ère de la mondialisation, CIFOR, Bogor, Indonésie, 476 p.

- HIEN Sourbar Justin Wenceslas, 2022, « Le Baobab, plus qu’un symbole, c’est une source de vie au Sud-ouest de Burkina Faso » in Revue Espaces Africains, Université Jean Lorougnon Guédé (UJLoG) de Daloa en Côte d’Ivoire, ISSN : 2957 – 9279, pp.7-18.

- KESSLER Denis, MASSON André, PESTIEAU Pierre, 1991. « Trois vues sur l’héritage : la famille, la propriété, l’Etat », Économie & prévision, n0 100- 101, 1991-4-5, p.1-29

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