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Burkina/Violences faites aux femmes : Son conjoint la répudie parce que « le marabout a dit qu’elle ne porte pas chance »

Publié le vendredi 14 juillet 2023 à 18h30min

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Burkina/Violences faites aux femmes : Son conjoint la répudie parce que « le marabout a dit qu’elle ne porte pas chance »

La crise sécuritaire a fait des victimes indirectes. C’est le cas d’Aicha (nom d’emprunt) répudiée par son époux depuis qu’il n’arrive plus à joindre les deux bouts du fait de l’inaccessibilité de certaines zones du pays. Témoignage d’une mère victime de violences dont le fondement repose sur les superstitions.

En larmes, la tête baissée, Aicha (nom d’emprunt) se remémore cette scène, le jour où son époux l’a répudiée. Après 15 ans de vie commune et quatre enfants dont une fille et trois garçons, sa vie a complètement basculé. Tout a commencé lorsqu’à ses 19 ans, son père décide de la donner en mariage. Au début de leur union, son époux lui donne de l’affection et de l’attention.

Pour subvenir aux besoins de sa famille, son conjoint se rend dans des villages environnants de Fada N’Gourma dans la région de l’Est, pour acheter des céréales afin de les revendre en ville. Un business qui lui rapporte gros. Malheureusement, la crise sécuritaire est passée par là. Les villages où il se rendait sont désormais inaccessibles et les affaires marchent au ralenti.

« Quand le terrorisme a commencé, il ne gagnait plus d’argent comme avant » se souvient-elle. Pour comprendre la raison de son mal, son conjoint décide d’aller consulter un marabout. « Mon mari est revenu à la maison en disant que son marabout lui a dit que j’étais la cause de ses malheurs. Le marabout a dit que je ne porte pas chance. J’étais bouleversée par ses propos. Je lui ai rappelé que j’ai quatre enfants avec lui et que cela est une chance. Il a répondu en disant que le bonheur ne dépend pas des enfants, mais de l’aisance financière. Il a dit que je suis tellement malchanceuse qu’il n’arrivait même plus à emprunter de l’argent », a-t-elle expliqué. C’est le début de l’enfer pour Aïcha.

Des enfants affectés

Son époux déscolarise ses deux aînés et les envoie au village. Suite au décès d’une proche parente d’Aïcha, son mari lui demande de se rendre au village pour assister aux funérailles. Une fois là-bas, il lui interdit de reprendre le chemin du domicile familial, à Ouagadougou. « Et pourtant, pour moi, il s’agissait de faire un aller-retour le même jour. Je n’ai absolument rien emporté ce jour-là. Je suis restée au village pendant un mois. J’étais obligée de laver la même tenue tous les jours. Je me cachais dans les champs en attendant que la tenue sèche et je la reportais. Il n’envoyait pas de l’argent », a-t-elle dit les larmes aux yeux.

Elle décide alors de revenir à Ouagadougou, malgré le refus catégorique de son époux et rejoint le domicile conjugal. Entre temps, ce dernier a pris une seconde épouse. Aïcha ayant refusé de rester au village, son mari décide de lui rendre la vie impossible. Il ne lui donne plus d’argent et ne s’occupe plus des enfants.

Les deux cadets d’Aïcha ne vont toujours pas à l’école

« Même l’argent de la popote ne m’était plus donné. Il donnait seulement l’argent à ma coépouse enceinte. En plus de mon travail de tisseuse, je me rendais dans des domiciles pour laver des vêtements. Le peu d’argent que je gagnais, je l’utilisais pour nourrir les enfants. Je n’avais plus d’argent pour scolariser mes deux premiers enfants, leur papa ayant refusé de le faire. Ma fille est donc allée en Côte d’Ivoire, où elle vend actuellement du bissap avec un membre de la famille. J’ai très mal, car, les promotionnaires de ma fille sont en avance à l’école », assure-t-elle.

Le pire pour elle est que son époux ne s’inquiète même pas de la santé de leur benjamin malade. Les joues du petit garçon grossissent de manière anormale depuis trois mois. « Au début, on pensait que c’était des oreillons, mais sa maladie ne fait que empirer. Des proches ont supplié son papa pour qu’il se rende à l’hôpital avec l’enfant. Il est allé une fois avec lui, mais c’était la première et la derrière fois ». Aicha confiera que la famille de son époux, les imams et les voisins ont à maintes reprises essayé de le raisonner, mais en vain. « On lui a demandé si je l’ai trompé ? Il a dit que non. On lui a demandé si je suis irrespectueuse ? Il a répondu non également. Il a juste dit qu’il ne voulait plus me voir chez lui. Il m’a même menacé en disant que si je ne quittais pas la maison, il allait me convoquer à la gendarmerie. J’ai eu peur, mais les voisins ont dit que s’il osait, c’est la gendarmerie même qui allait l’arrêter à ma place ».

Face à son refus de quitter le domicile conjugal, son époux s’est mis dans une colère noire un de ces quatre matins. C’est sous une pluie battante qu’il a jeté toutes ses affaires dans la cour et lui a interdit de rentrer dans le salon. « Mes affaires traînaient dans la cour et la pluie m’a copieusement battue. Je pensais qu’il allait au moins faire rentrer les enfants, mais il les a laissés dehors comme moi. Depuis un bon moment, il ne leur donne plus aucune affection d’ailleurs. Même ma rivale s’est mise à pleurer et lui a demandé d’arrêter. Elle a même menacé de s’en aller s’il continuait dans cette folie. Il s’est énervé encore plus et lui a dit qu’elle pouvait me suivre. Il a donné mon transport pour que j’aille rejoindre mon papa au village », s’est remémoré Aicha émue. Cette nuit-là, elle a dormi chez une proche avant de se rendre le lendemain chez un oncle.

Aïcha espère recevoir de l’aide pour s’occuper de ses enfants

Risquer sa vie en retournant dans une zone d’insécurité

Aïcha a une double peine, son village paternel ploie sous l’hydre terroriste. Son père a lui-même fui sa zone d’origine pour se réfugier à Pissila. « Mon papa est devenu un déplacé interne. Mon époux le sait très bien, mais cela ne l’empêche pas de me dire d’y aller avec les enfants. Il a dit qu’il allait m’envoyer de l’argent de temps en temps. Mon père ne veut pas que je vienne, car il vit là-bas dans des conditions difficiles et a peur que je sois exposée en cas d’attaque terroriste. Il faut dire aussi que mon deuxième fils est au village au côté de sa grande mère paternelle. Il ne va plus à l’école », a-t-elle révélé.

C’est dans ce tourbillon qu’elle a demandé à son oncle paternel de la recueillir avec ses deux enfants chez lui à Kaya en attendant qu’elle trouve une solution, ou à défaut, qu’elle reparte vivre à Pissila aux côtés de son père. Cette mère désespérée avouera que si son époux revenait vers elle, elle acceptera de regagner le domicile familial pour le bien-être des enfants. « Sinon si cela dépendait de moi, je ne vais plus y retourner » lâche-t-elle. Aicha n’a qu’un seul rêve, remettre ses enfants à l’école et leur assurer un bon avenir. Elle se dit dégoutée du mariage, car, si elle savait que son mari allait autant changer, son père n’allait même pas la donner en mariage, 15 ans plus tôt.

Samirah Bationo
Lefaso.net

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