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La position des femmes de la province de la Bougouriba dans la filière karité au Burkina Faso (1990-2020) : atouts ou contraintes ?

Publié le dimanche 21 mai 2023 à 17h11min

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Résumé :

Au Burkina Faso, le karité est l’une des rares filières au potentiel économique important où le rôle des femmes est reconnu. Les opportunités que le karité apporte aux populations et surtout aux femmes du Burkina Faso sont énormes. Cependant, la position des femmes dans la filière karité ne leur permet pas de profiter réellement des opportunités socio- économiques du karité. L’amélioration de la position de la femme de la province de la Bougouriba et des femmes du Burkina Faso dans la filière karité, passe nécessairement par la résolution de la problématique de l’accès de la femme au foncier rural et celle de la transformation des matières premières en produits finis à forte valeur ajoutée.

Introduction

La filière karité a une importance socio-économique non négligeable au Burkina Faso car elle contribue aux recettes d’exportation (troisième produit d’exportation) et procure des revenus aux populations. Les femmes particulièrement sont les principaux acteurs de la filière et à ce titre, plusieurs projets et programmes ont été conduites depuis le début des années 1991, en ciblant les femmes comme principales bénéficiaires de leurs actions. Ces projets et programmes se sont fixés entre autres aussi pour but de contribuer à lutter contre la pauvreté en améliorant les revenus des femmes. Des années 1991 à nos jours, l’environnement de la filière karité a fortement évolué, tant au plan organisationnel et institutionnel qu’au plan des produits et de leurs marchés. Il est donc à se demander si la position des femmes dans la filière leur est suffisamment bénéfique. Autrement dit, est-ce que leur position leur permet de gagner suffisamment d’argent dans les ventes des amandes et du beurre de karité. Comment les femmes de la province de la Bougouriba qui constituent le cadre de la présente étude œuvrent-elles à augmenter leurs revenus dans la filière karité et améliorer leurs conditions de vie ? La présente réflexion a été réalisée à partir d’une revue documentaire fournie sur la question. Et nous avons fait recours aussi à des données collectées auprès des femmes de la province de la Bougouriba qui travaillent dans la filière karité. Pour ce travail, après un aperçu sur l’importance et les usages que les communautés font généralement de l’arbre à karité, nous montrons comment la filière karité est organisée au Burkina Faso. Nous nous intéressons ensuite au rôle des femmes de la province de la Bougouriba dans la filière karité et analysons les difficultés auxquelles elles sont confrontées. Enfin, nous proposons des solutions pour que ces femmes en tant qu’acteurs de la Table Filière karité (TFK) puissent mieux profiter de la filière karité dans la Bougouriba.

Cette étude s’adresse aux autorités politiques afin qu’elles accompagnent les femmes pour une meilleure valorisation de la filière karité au Burkina Faso.

Matériels et méthodes

Dans cette étude, nous avons eu recours, aux enquêtes de terrain et à une bibliographie composée d’ouvrages et d’articles scientifiques sur la question. Les données de ces documents nous ont permis de bâtir notre réflexion autour de plusieurs axes : utilité et usages de l’arbre à karité ou le karité, l’importance du karité pour le Burkina Faso, les femmes de la Bougouriba et la table filière karité (TFK), les Difficultés des femmes de la Bougouriba dans la filière karité et les suggestions en vue de l’amélioration de la situation des femmes de la province de la Bougouriba dans la filière karité

Résultats
I. Utilité et usages de l’arbre à karité ou le karité

Le karité aussi appelé « arbre de vie » ou encore « arbre à beurre », est une plante qui pousse naturellement et exclusivement dans la zone soudano-sahélienne. D’après (KABORE R.M., 2007, pp.19-20), le karité est un arbre trapu de 9, 12 à 15 m de haut. Le diamètre du tronc, à 1,30 m du sol, est de 80 cm. Son écorce épaisse de 4 cm et crevassée en peau de crocodile est parcourue de réseaux laticifères. En raison de sa lente croissance, sa première production n’apparaît qu’à l’âge de 15 à 20 ans ou même 30 ans, mais l’arbre atteint sa pleine croissance autour de 40 ans. Il a un cycle végétatif plus ou moins régulier de 3 ans. Le feuillage est constitué d’un ensemble de feuilles situées à l’extrémité des rameaux. Chacune des feuilles est en faisceau et à bords ondulés durs, luisants. Le fruit de l’arbre à karité est une grosse baie, charnue, sphérique ou elliptique selon le sens où l’on examine. Sa longueur est de 4 à 5 cm et son diamètre transversal de 4 cm. A l’intérieur se trouve l’amande. Le Karité est présent dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne comme le Mali, le Niger et le Burkina Faso, le Sénégal, la Guinée, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Togo, le Bénin, le Nigéria, le Cameroun, le Tchad, la République Centrafricaine, le Soudan. On le retrouve aussi à la lisière des forêts notamment en République Démocratique du Congo, en Ouganda et au Kenya. Le Nigéria, le Mali et le Burkina Faso sont considérés comme les pays ayant les plus importants peuplements. Au Burkina Faso particulièrement, le karité est présent sur plus 70% de la superficie du territoire national (source). En 2012, le pays disposait plus de 195 millions de pied de karité. Les régions des Hauts-Bassins (provinces du Houet, des Balés, du Tuy) des Cascades (Kénédougou, Comoé, Léraba) du Sud-Ouest (Ioba, Bougouriba, Poni) étaient citées comme celles où l’on trouvait les plus importants parcs. La province de la Bougouriba qui nous intéresse est de ces zones à grands parcs. En effet, dans certaines parties de la Bougouriba, la densité d’arbres du karité est estimée entre 45 à 54 par hectare. La Bougouriba est une des provinces à fort peuplement, où l’exploitation des produits du karité, si elle est bien organisée peut contribuer au développement. Quelles sont donc les retombées économiques de cette ressource sur l’économie locale et nationale ?

II. L’importance du karité pour le Burkina Faso

Le karité constitue une véritable source de revenus pour les populations et surtout les femmes à plusieurs égards. Tout ou presque tous les produits de l’arbre à karité (les fruits, les feuilles, les écorces, les racines, le bois mort...) sont utilisés dans les domaines culinaire, alimentaire, sanitaire, décoratif et commercial. Et le plus important parmi les produits forestiers non ligneux fourni par le karité, c’est son fruit, autour duquel s’organisent plusieurs activités socioculturelles et économiques. Sur le plan socioculturel, la cueillette et la consommation des fruits du karité revêt une importance pour les communautés nationales. Le travail du karité est aussi un événement social et culturel qui regroupe les femmes qui traditionnellement viennent aider la propriétaire des noix à extraire son beurre. Occasion de retrouvailles, de chants et de danses et d’échanges. C’est le cas encore aujourd’hui dans les groupements. Mais c’est surtout le ramassage, le traitement et l’extraction du beurre se trouvant dans l’amande du karité qui tient une place économique non négligeable. De nos jours, le beurre du karité est un produit très prisé, qui intervient dans l’industrie agroalimentaire et cosmétique, aussi bien au profit des populations de la Bougouriba que pour celle des autres régions du Burkina Faso et d’ailleurs.

II. Les femmes de la Bougouriba et la table filière karité (TFK)

Les femmes burkinabè en général interviennent dans l’exploitation des ressources forestières surtout le karité. Il est important que ls acteurs au développement s’impliquent davantage afin de les accompagner dans le processus de valorisation et d’exploitation optimum des produits du karité. C’est ainsi qu’à la suite des ajustements structurels des années 1991, l’interventionnisme direct de l’Etat dans certains secteurs comme la production, la transformation et la commercialisation s’est estompé, faisant place à un secteur privé en construction. La Table Filière Karité (TFK) a été créée dans un tel contexte, en février 2000. Du point de vue de sa structuration, la TFK est composée de trois secteurs : la production, la transformation et la commercialisation. Dominé par les femmes, le maillon « à la base est composé de groupements de collectrices d’amandes de karité et de productrices de beurre de karité.

On y trouve des organisations comme : l’Union Faso Karité (UFK), l’Union des Productrices de Karité (UPROKA), l’Union des Groupements de Productrices de Beurre de Karité de la province du Houet (UGPBK/Houet), l’Union des Groupements de Productrices de Beurre de karité des provinces du Ziro et de la Sissili (UGPBK/Ziro Sissili) et l’Association Ti-mi-i-ka de la province de la Bougouriba. Ensuite, le maillon « transformation » est constitué par de p e t i t ( e ) s t r a n s f o r m a t e u r s / t r i c e s e t p a r d e s transformateurs/trices industriel (le)s qui fabriquent notamment du savon et des produits cosmétiques à base de beurre. Il s’agit principalement des sociétés ou entreprises comme la Société Industrielle de Fabrication du Burkina (SOFIB) et la Société nouvelle huilerie et savonnerie (SN/CITEC) implantées à Bobo-Dioulasso et Karilor Cosmétique à Ouagadougou. Les acteurs de ce maillon gagnent plus de bénéfices que ceux du maillon précédent, car ils ont la possibilité de fixer les prix de vente soit des amandes ou du beurre de karité. Ce sont les privilégiés du groupe. Enfin, le maillon « distribution » comprend les collecteurs/trices commerçant(e)s et exportateurs/trices d’amandes, de beurre de karité et produits dérivés. Ce maillon compte une diversité d’associations comme : Association des Importateurs et Exportateurs des produits du Cru (ASIECRU), Association des Importateurs et Exportateurs des Produits Oléagineux (AIEPO).D’une manière générale, plusieurs acteurs interviennent dans la chaine depuis la libéralisation de la filière karité à partir de 1991. L’analyse du secteur montre dans un premier temps que les activités de cueillette et de collecte sont considérées par tous comme les plus importantes, les plus difficiles mais aussi celles qui occupent plus les femmes. En 1994, on y dénombrait plus de 4 millions de femmes burkinabè (SAWADOGO (P.) et al., 2004, p.42). Une grande partie de leurs récoltes servait pour les besoins directs de leurs familles. Seul le surplus est vendu sur des marchés où elles ne fixent pas les prix. Au Burkina Faso, la plupart des exportations des produits du karité sont à un niveau sommaire de transformation. Or, dans un contexte de mondialisation et pour mieux se positionner, il devait exporter des produits à forte valeur ajoutée.

IV. Les Difficultés des femmes de la Bougouriba dans la filière karité

Les difficultés que connaissent les femmes en général et celle de la Bougouriba dans les trois maillons de la TFK sont multiples. D’abord, elles sont fonction des aléas naturels et de la vulnérabilité de l’espèce menacée par le vieillissement des plants, les difficultés de renouvellement, la diminution des pluies, les vents, etc. (HIEN, 2021, p.58). Cette situation Fait que des années consécutives (cycle végétatif triennal), le niveau de la production du karité n’est pas identique. On observe des successions d’années de bonne de faible production qui influent sur les besoins et les prix Selon les femmes de la province de la Bougouriba, il eut des années où le prix d’achat de l’amande était satisfaisant mais la production du karité était dérisoire et cela constitue une difficulté à résoudre. Ou la production est abondante mais le prix proposé à l’achat est très dérisoire. En plus, les femmes ne sont pas propriétaires terriennes. En effet les régimes fonciers coutumiers burkinabè dans leur majorité ne reconnaissent pas à la femme un statut et une fonction de responsabilité dans la société. Presque partout, et particulièrement dans la province de la Bougouriba, l’homme contrôle les terres à travers la filiation patrilinéaire. Malgré leur forte représentativité au sein de la société (52 %) et leur forte présence dans la transformation des produits forestiers non ligneux, les femmes ne possèdent pas de terre car le plus souvent considérées "étrangères" originaires d’autres villages (cas fréquent des femmes mariées) Ce qui fait que dans le cadre ’activité. Elles sont les plus nombreuses et constituent de ce fait la base sociale de la filière. Cependant, ce sont elles qui gagnent le moins dans la transformation et la commercialisation des amandes et du beurre sur les marchés local et international. Au niveau de l’économie de marché, bien que l’image la plus diffusée soit celle d’une filière aux mains de femmes à la base, on constate donc que de nombreux acteurs y ont été attirés. Les commerçants, majoritairement des hommes font l’intermédiation entre les grandes sociétés occidentales et les femmes burkinabé. Ils achètent aux femmes à des prix fixés dérisoires les amandes de karité que les femmes n’ont d’autre choix que de leur vendre, pour acheter des vivres durant les périodes de soudure où les greniers sont vides. La filière crée essentiellement des emplois mieux rémunérés pour les hommes laissant aux femmes les postes les plus fastidieux, les moins rémunérateurs comme la collecte et le traitement des noix de karité, avec peu de chance de négociation des prix de vente de leurs produits. Les projets ont misé sur les femmes mais ce sont les hommes qui profitent plus de la filière karité.

V. Les suggestions en vue de l’amélioration de la situation des femmes de la province de la Bougouriba dans la filière karité

Le karité est important pour les femmes de la province de la Bougouriba en raison de son potentiel à procurer des revenus. Dans toute la zone africaine de production du karité, les femmes sont les gardiennes traditionnelles de la ressource en karité, elles ont la responsabilité et le contrôle de certaines étapes clés comme celles de la collecte des noix, le traitement et la transformation artisanale d’où la nécessité de trouver des solutions aux différentes difficultés des femmes. Les femmes en général ne sont pas propriétaires terriennes. Et si elles ne sont pas propriétaires terriennes donc les ressources qui s’y trouvent elles ne peuvent non plus en disposant librement. Donc, il faut résoudre ce goulot d’étranglement lié à la possession de la terre. Il faut des parcs à karité dédiés aux femmes dans la province de la Bougouriba comme dans certaines provinces du pays. Une gestion réussie des parcs à karité implique une plus grande autonomie et un meilleur contrôle des ressources à karité par la communauté locale sur le long terme. En plus, elle nécessite un processus de décision collective à la base de la communauté. Cette politique a donné des résultats positifs en 2011 dans les provinces de la Sissili et des Banwa avec le projet Shisun « Dans la Sissili : 20 parcs à karité pour les femmes…, 9 parcs délimités ont fait l’objet de Procès-Verbaux de reconnaissances. Ce sont des parcs bornés dont la cartographie et les levés GPS ont été faits sur 675 ha.

La production est passée de 38 à 57 tonnes d’amandes collectées. Dans les Banwa : existence de 20 parcs et vergers au profit des femmes (Rapport, Projet Shisun, 2012, p.5). Les parcs à karité étaient une porte d’entrée pour travailler sur la problématique de l’accès des femmes au foncier. Au-delà de l’impact économique, les parcs dédiés aux femmes leur donnaient une plus grande légitimité pour participer au débat politique et jouer un rôle dans les sphères de décision et dans les cadres de concertation. En plus, grâce à leur implication à l’élaboration des conventions locales, aux activités de domestication du karité et de renforcement de leurs organisations, les femmes ne sont plus écartées lorsqu’il s’agit du foncier. Il est donc intéressant de saisir dans un premier temps l’héritage culturel dans sa globalité, de l’étudier afin d’y déceler les éléments désuets et d’y puiser les ingrédients pouvant contribuer davantage à l’exploitation et à la gestion des ressources forestières en général et du karité en particulier. Les conditions de vie s’aggravaient pour un grand nombre de Burkinabè subissant le contrecoup de l’ajustement structurel et de la dévaluation, les pouvoirs publics avaient pris des dispositions destinées à aider les pauvres et à préserver la viabilité de l’environnement. L’une d’entre elles visait tout particulièrement à promouvoir l’indépendance économique des femmes en développant la production de karité. Répondant aux demandes d’assistance des pouvoirs publics, des organisations non gouvernementales extérieures et des bailleurs de fonds bilatéraux avaient soutenu un certain nombre de projets. L’une des premières initiatives fut le Projet national karité (PNK), lancé en 1995 avec l’assistance financière et technique du Centre canadien d’étude et de coopération internationale (CECI), ONG canadienne.

Toutes ces politiques facilitèrent d’une manière ou d’une autre, l’installation des projets dans le pays et un accès facile aux matières premières. Elles ont favorisé l’implication des projets dans l’exploitation des ressources naturelles en l’occurrence les amandes de karité. Les acteurs des projets étaient de grands chocolatiers et cela justifiait leur engouement pour financer les projets concernant le karité. Les partenaires techniques et financiers se sont aussi intéressés à la conquête des marchés et à l’amélioration de la qualité des produits. Le taux élevé d’analphabétisme chez les producteurs entrave la planification stratégique de la production et de la valorisation de la commercialisation, ce qui réduit la capacité des producteurs à négocier et répondre efficacement aux opportunités du marché. C’est pourquoi, il faut en aval des acteurs forts dans une dynamique structurante de la filière qui puissent créer de véritables emplois, soutenir le développement de la filière et s’intégrer dans la démarche de l’économie de marché. L’Etat a joué un rôle de premier plan dans la redynamisation de la filière karité comme moyen de lutte contre la pauvreté depuis 1990 (HIEN, 2016, p.315). Les années 1990 marquèrent la période de l’élaboration du Document Cadre de Politique Economique (DCPE) soumis aux institutions de Bretton-Woods, et qui marqua l’entrée du Burkina Faso dans les Programmes d’Ajustement Structurel (PAS). Ce document prévoyait la création des conditions d’un développement économique et social durable.

L’atteinte des résultats du DCPE, nécessitait d’énormes moyens financiers. L’Etat ne disposant pas les moyens pour financer ce projet de développement, sollicita l’implication de ses partenaires techniques et financiers étrangers. D’où la mise en place des PAS. Dans les politiques de régulations, les PAS recommandaient d’abord la libéralisation du marché à travers des réformes relatives au système de fixation de prix, ensuite la levée des restrictions commerciales et enfin les réformes juridiques et réglementaires. Le problème avec les PAS, c’est leur volonté prononcée de réduire, sinon d’éliminer la corruption en diminuant le poids de l’Etat dans l’économie. Le Burkina Faso ne pouvait pas être en marge de ces réformes structurelles au regard de sa dépendance vis-à-vis de l’aide extérieure provenant des pays du Nord et en dépit de ses efforts renouvelés de se soustraire de la tutelle étrangère en matière de politiques de développement économique et social. Tandis que les conditions de vie s’aggravaient pour un grand nombre de Burkinabè subissant le contrecoup de l’ajustement structurel et de la dévaluation, les pouvoirs publics avaient pris des dispositions destinées à aider les pauvres et à préserver la viabilité de l’environnement. L’une d’entre elles visait tout particulièrement à promouvoir l’indépendance économique des femmes en développant la production de karité. Répondant aux demandes d’assistance des pouvoirs publics, des organisations non gouvernementales extérieures et des bailleurs de fonds bilatéraux avaient soutenu un certain nombre de projets. L’une des premières initiatives fut le Projet national karité (PNK), lancé en 1995 avec l’assistance financière et technique du Centre canadien d’étude et de coopération internationale (CECI), ONG canadienne. Toutes ces politiques facilitèrent d’une manière ou d’une autre, l’installation des projets dans le pays et un accès facile aux matières premières. Elles ont favorisé l’implication des projets dans l’exploitation des ressources naturelles en l’occurrence les amandes de karité.

Les acteurs des projets étaient de grands chocolatiers et cela justifiait leur engouement pour financer les projets concernant le karité. La plupart des projets s’installèrent au Burkina Faso durant les années 1990. Leurs domaines d’interventions étaient essentiellement orientés vers l’extraction du beurre, la recherche de marchés pour les acteurs de la filière karité … et non la transformation des matières premières en produits finis à forte valeur ajoutée qui rapportent plus de revenus à la population. L’Etat en fonction des relations qu’il entretenait avec les partenaires avait des attitudes diverses. Dans un souci de bien choisir le plus offrant afin de mieux muscler les investissements, il avait des comportements critiques à l’égard des offres de ses partenaires dans le but de minimiser au maximum les investissements à perte. L’Etat avait donc intérêt à ratisser large dans les différentes offres de projets. Cela s’expliquait par le besoin de maximiser ses intérêts avec les partenaires afin de mieux financer son projet de développement économique et social. Plusieurs projets d’envergure nationale s’intéressèrent au karité et surtout à son beurre. Cependant, la période allant de l’implantation des premiers projets jusqu’à la date de création du Plan d’action oléagineux, force est de constater la prédominance dans les exportations du pays des matières premières à faible valeur ajoutée. Il faut œuvrer alors à l’instauration de conditions commerciales plus équitables, mais en présentant sur le marché international des produits finis compétitifs. Pour que les femmes africaines évoluant dans les activités de transformation des produits du karité bénéficient davantage du commerce équitable, l’Alliance mondiale préconisait l’échange d’idées le long de la chaîne logistique, entre les cueilleurs, les producteurs, les marchands, les acheteurs industriels et les consommateurs. Malgré les efforts consentis, le commerce équitable n’est pas exempt de questionnements dans ces politiques. La question du juste prix, élément central du commerce équitable est souvent évoquée. C’est une notion très subjective d’autant plus que le prix est toujours un compromis entre le producteur et l’acheteur. Un prix trop élevé réduit la vente et ce n’est pas dans l’intérêt du producteur. S’il est trop bas, il ne permet pas au producteur de tirer son épingle du jeu : « Un prix un peu supérieur au prix du marché conventionnel, rend ce marché accessible à une clientèle qui peut ainsi faire de son acte d’achat un acte citoyen et au-delà avoir une certaine influence sur la régulation de l’économie internationale. Mais ceux qui n’ont pas ce pouvoir d’achat sont exclus de cette démarche. Cette facette élitiste du commerce équitable peut en atténuer l’impact » (ALBERT (O.), 1998, pp.40-41).

Conclusion

Le karité est une opportunité pour soulager les femmes de la province de la Bougouriba de leur pauvreté mais hélas, le constat sur le terrain démontre une certaine insatisfaction. Les femmes expriment une grande insatisfaction par rapport aux revenus tirés de la filière karité, elles travaillent mais à la fin de l’activité le résultat n’est pas suffisant, elles expriment également leur insatisfaction à l’accroissement de leurs capacités à pouvoir contribuer à la prise en charge de certaines dépenses familiales, telles que l’habillement, les frais de santé et d’éducation des enfants, alors que cette activité occupe énormément une partie importante de leur temps. De façon spécifique, l’analyse de la dimension économique démontre que les femmes ne parviennent pas augmenter leurs revenus issus de la filière karité et que la pénibilité du travail des femmes est loin d’être réduite à cause du nombre élevé d’intermédiaire dans la filière karité. Pour améliorer la position de la femme de la province de la Bougouriba et des femmes du Burkina Faso dans la filière karité, il faut résoudre la problématique de l’accès de la femme au foncier rural et miser sur la transformation des matières premières en produits finis à forte valeur ajoutée. Nous avons un important marché local mal exploité et suffisamment exploité par les pays du Nord.

Dr HIEN Sourbar Justin Wenceslas
HISTORIEN
Chargé de Recherche à l’INSS/CNRST

Éléments de bibliographie

- ALBERT (O.), 1998, « Les limites du commerce équitable » in RITIMO (S.), Pour un commerce équitable : expériences et propositions pour un renouvellement des pratiques commerciales entre les pays du Nord et ceux du Sud, Paris, Editions Charles Léopold Mayer, pp.39-41.
- HIEN Sourbar Justin Wenceslas, 2016, « Les femmes au cœur des politiques de valorisation du karité au Burkina Faso (1960-2012) », in Sciences et Techniques, Revue burkinabé de la recherche. Sciences naturelles et agronomie, INERA, CNRST, ISSN 1011-6028, pp.311-323.
- HIEN (S. J. W.), 2021 « De la végétation naturelle à la forêt anthropique : les mutations socio-économiques et environnementales au Burkina Faso » in Revue d’Histoire et d’Archéologie, Université Abdou Moumouni de Niamey Institut de Recherches en Sciences Humaines (IRSH) Faculté des Lettres et Sciences Humaines (FLHS), ISSN 1859-5006, pp.45-66.

- Rapport d’activité du projet Shisun, 2012, Conventions locales : comment s’entendre pour bien gérer les parcs agroforestiers à karité Agence CORADE, Ouagadougou, 15 p.
- SAWADOGO (P.) et al., 2004, Contribution du secteur forestier à l’économie nationale et à la lutte contre la pauvreté,

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