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Bénin : La démocratie, otage de l’économie

Publié le mardi 22 novembre 2005 à 09h23min

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Mathieu Kérékou

Le Bénin incapable de tenir une échéance électorale ? C’est tout simplement une chose que l’on ne pouvait imaginer, au regard de la réputation de pays émergeant en matière de démocratie dont il jouit.

Dans la sous-région ouest-africaine, le pays de Mathieu Kérékou est généralement cité en exemple et il ne venait à l’idée de personne qu’une élection, de surcroît présidentielle, puisse être reportée, fût-ce pour des raisons financières.

L’ancrage démocratique y est tel que l’on a cru les instructions, notamment électorales, bien établies et à l’abri des aléas économiques et financiers. Car officiellement, l’Etat béninois s’est déclaré insolvable pour organiser la présidentielle de mars 2006, dont le coût est estimé à 31,8 milliards de F CFA.

Invoquant des difficultés liées à la conjoncture économique (choc pétrolier, crise du secteur du coton, dette extérieure, arrivée de réfugiés togolais, etc.), le gouvernement se déclare tout simplement incapable de respecter le calendrier électoral. La démocratie béninoise, comme c’est souvent le cas en Afrique, est encore prise en otage. Si effectivement, comme le prétend le pouvoir, ce contretemps est d’ordre financier, il traduit l’incapacité des dirigeants à inscrire les élections, de façon durable, dans les charges incompressibles de l’Etat.

En tant que processus relevant de la souveraineté de l’Etat, l’élection a un coût que le budget national doit prévoir et prendre en compte. De sorte qu’aucune surprise ne soit envisageable, même en cas de crise imprévue. Ce d’autant que la Constitution béninoise ne prévoit que deux cas de figure pour le report de l’élection présidentielle : décès du chef de l’Etat ou sa destitution.

C’est dire que le pouvoir en place a l’obligation d’organiser, dans les délais requis, les élections. Le budget de 31 milliards peut être jugé trop élevé pour un pays comme le Bénin, d’où la possibilité de le ramener à de justes proportions, avant tout débat sur l’état des finances publiques.

En cela, la Conférence internationale sur les élections tenue à Kigali (Rwanda), du 7 au 9 juin 2004, a fait des recommandations dont devraient s’inspirer les autorités béninoises :
1) "des efforts consciencieux devraient être déployés en vue de la réduction des coûts des élections en utilisation dans la mesure du possible le matériel électoral local et les services des agents bénévoles ;
2) l’ensemble du financement des élections devrait faire partie du budget national. Les bailleurs de fonds n’interviendront que par surcroît et leurs fonds devraient être débloqués sans condition".

L’attitude actuelle du pouvoir est surprenante dans la mesure où le président Kérékou avait fait preuve de grandeur politique en refusant de triturer la Constitution. On pourrait donc naturellement croire que c’est sous la pression de son entourage que l’incertitude est ainsi entretenue sur la présidentielle, une façon déguisée de se perpétuer au pouvoir.

L’opposition béninoise a d’ailleurs vite fait d’argumenter dans ce sens, à l’instar de Rosine Soglo : "Après avoir échoué à faire réviser en sa faveur la loi fondamentale du pays, le gouvernement du président Mathieu Kérékou revient avec d’autres manoeuvres pour nous faire croire que les caisses de l’Etat sont vides".

Si Mathieu Kérékou veut sortir de la politique par la grande porte, il a donc un deuxième sacrifice à consentir, après son refus de tordre le cou à la Constitution : oeuvrer à la tenue de l’élection présidentielle à la date indiquée. Il y va de son propre crédit, mais aussi de la réputation de son pays. La crise économique n’est pas un argument suffisant. On l’a vu au Sénégal où, pour les mêmes raisons de contraintes budgétaires, Wade, en voulant coupler les élections de 2006 et 2007, a dû faire face à une levée de boucliers de l’opposition et de la société civile. Quand on s’engage dans un système politique donné, il faut en accepter les coûts et les assumer.

C’est cela aussi la responsabilité d’un chef d’Etat. Le Bénin, dans ce cas d’espèce, est d’autant plus inexcusable qu’il a une nature généreuse et une ouverture sur la mer qui devraient lui épargner les déboires économiques actuels. C’est dire que la gestion économique doit aussi faire l’objet d’une rigueur sans faille, pour pouvoir soutenir les institutions de l’Etat de droit.

Les dirigeants africains ont longtemps commis le péché de croire qu’il suffit de mettre en place les institutions exigées par les Etats du Nord, pour que la démocratie s’instaure automatiquement. Outre le changement de mentalités qu’elle implique, la démocratie exige aussi un bien-être socio-économique des populations et, surtout, une saine gestion des finances publiques. En somme, la démocratie se nourrit de la prospérité économique. Il faut que les gouvernants se mettent enfin dans la tête que l’une ne va pas sans l’autre.

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 25 novembre 2005 à 15:43, par Le patriote En réponse à : > Bénin : La démocratie, otage de l’économie

    Qui êtes-vous pour traiter de mon pays de cette façon. Le Burkina de Blaise n’a pas de recette à nous donner en la matière. Les élections seront organisées à la période prévue et vous allez déchanté.

    • Le 8 décembre 2005 à 07:41 En réponse à : > Bénin : La démocratie, otage de l’économie

      Je n’ai pas l’impression que l’auteur utilise une façon insultante de traiter votre pays. Il ne se positionne pas vraiment comme donneur de leçon, ni surtout comme représentant du "Burkina de Blaise". Enfin, j’ai l’impression qu’il serait plutôt content que les élections aient béninoises aient lieu entemps et en heure. Il chanterait, donc, plutôt que déchanterait.

      Puis-je permettre une question ? Pourquoi l’article vous a-t-il vexé ? (l’auteur finalement n’est "qu’un journaliste", pas un militant anti-bénin). La démocratie, c’est aussi ça, être capable d’entendre toutes les opinions et d’en débattre.

      Allez, bonne journée à vous.

      PS : Et sur ce point justement, le Burkina de Blaise pourrait commencer à donner des leçons.

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