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Fatimata Kouanda (ECOBANK) : « On ne doit pas aller vers la parité en faisant de la complaisance »

Publié le mardi 23 mars 2021 à 23h05min

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Fatimata Kouanda (ECOBANK) : « On ne doit pas aller vers la parité en faisant de la complaisance »

Longtemps mises à l’écart parce qu’on les disait différentes voire inférieures aux hommes, les femmes s’affirment une fois que leurs droits ont été reconnus au plan international. Elles se battent nuit et jour pour prouver la légitimité de leur place et mériter ce qui leur est dû. Ainsi, il n’est plus rare de nos jours de voir des femmes occuper certains postes de responsabilité autrefois chasse gardée des hommes. Dans le secteur bancaire, on rencontre de nombreuses femmes à des postes de direction. C’est le cas de Fatimata Kouanda, Directrice des Opérations et de la Technologie à Ecobank/Burkina, qui s’est prêtée à nos questions dans le cadre de la série d’articles que nous réalisons à l’occasion du 8 mars, Journée internationale des droits des femmes.

LeFaso.net : Présentez-vous à nos lecteurs…

Fatimata Kouanda : Je suis Fatimata Kouanda Mariée, mère de 4 enfants. J’occupe les fonctions de Directrice des Opérations et de la Technologie (O&T) à Ecobank Burkina.

En quoi consiste votre travail de directrice des Opérations et de la Technologie ?

On peut définir dans une banque le département des O&T comme le centre névralgique de l’entreprise. C’est la machine opérationnelle et technique où tout s’exécute dans un schéma bien précis afin que le rendu soit à la hauteur des attentes de la clientèle. J’ai en charge la coordination et le contrôle des activités opérationnelles.

A titre d’exemple, il y a le traitement des transactions des clients (les différents types de transferts d’argent dans la zone UEMOA et hors zone, les virements internes dans le pays vers les autres banques, les opérations de la caisse, la gestion des prêts, des dépôts à termes, des guichets automatiques, les divers achats pour la banque). Toutes ces tâches s’effectuent par le canal d’outils techniques et dans un cadre de travail qui doit être adéquat à l’exécution de l’activité. Je suis donc chargée de coordonner la disponibilisation des infrastructures et applications techniques nécessaires au bon fonctionnement de la banque.

Pouvez-vous nous décrire une journée de travail type ?

Pour bien démarrer notre journée et pouvoir servir le premier client qui entre dans la banque, mes équipes et moi-même devons être en place avant l’ouverture des agences. Je suis donc à cheval sur la ponctualité et mes collaborateurs qui épousent cette discipline l’ont intégré également dans leur quotidien. Cela permet à tous, après un bref briefing matinal, de démarrer la journée de travail de bon pied ayant bien en ligne de mire ce que nous devons faire.

Mon agenda d’activités dans ses grandes lignes est élaboré la veille et c’est ce tableau de bord qui va guider ma journée. Il y a des imprévus qui peuvent venir se rajouter j’en conviens, car notre métier est très dynamique. Mais la finalité est de pouvoir bien arbitrer et gérer son quotidien avec tous ses aléas. Les priorités qui se dégagent sont celles qui sont traitées avant de passer aux instances de routine en intégrant les différentes réunions.

Quel type de parcours faut-il avoir pour accéder à votre poste et quelles sont les possibilités d’évolution ?

Je suis entrée à Ecobank en tant qu’agent au service informatique au moment où l’institution se mettait en place en 1997 et où l’effectif était très réduit impliquant une polyvalence des équipes en place dont je faisais partie. J’ai donc pu servir à plusieurs pools d’activités qui m’ont amenée à passer dans plusieurs services où j’ai appris les rouages du métier et gravi progressivement les échelons passant d’agent à chef de service de différentes unités, chef de division au sein du département des opérations, avant de faire une pause et m’orienter vers l’exploitation en tant que chef d’agence.

Forte de ces multiples cordes à mon arc, à savoir l’informatique, l’opérationnel et la vente, je suis retournée à mes anciens amours à savoir les opérations, en accédant au poste de Directrice des Opérations et de la Technologie. Il faut donc du travail, de la volonté de la persévérance et une orientation performante. Ecobank est une école et chaque responsable n’est pas seulement un technicien mais également, un formateur, un encadreur, un coach, un mentor.

A côté de ce parcours professionnel, mon background académique quant à lui se résume à un diplôme d’informaticienne de gestion. Et tout en étant dans le milieu professionnel, j’ai poursuivi mes études qui ont été consacrées par un DES en Banque de l’Institut Technique de Banque (ITB) de Paris, un Master en Administration des Entreprises (MAE) et un Diplôme d’Etudes Spécialisées en Administration et Gestion (DESAG) du CESAG de Dakar. Je salue au passage mon ancien DG M. Cheick Travaly, qui a eu confiance en moi et m’a donné l’opportunité de faire mes preuves à ce poste de responsabilité. Et cette confiance se poursuit avec son successeur mon DG actuel M. Moukaramou Chanou.

Le thème retenu cette année pour la célébration du 8 mars est : « Inclusion financière par le numérique pour un développement économique de la femme : défis et perspectives ». En quoi, selon vous, le numérique peut aider à une meilleure inclusion financière de la femme au Burkina ?

Le thème de cette année est pertinent et d’actualité du fait que le constat est probant, il y a des produits numériques qui facilitent les transactions financières même dans les zones les plus reculées du pays. De nos jours, beaucoup de transactions sont faites avec le téléphone et cela peut permettre aux femmes dont l’accessibilité ou le déplacement peut être limité, de régler leur fournisseur ou de recevoir des paiements. Ceci favorise et facilite l’inclusion financière et le développement de leurs activités car, comme nous le savons, elles sont nombreuses à faire du petit commerce pour s’occuper de leur famille.

Ainsi, pour répondre pleinement au thème de la célébration de cette année, les institutions de financement doivent développer des produits adaptés aux besoins des femmes et faciliter leur accès aux crédits. Un des défis aussi est le fait qu’à une certaine échelle, il faut aider les femmes à acquérir des outils numériques plus adéquats.

Par exemple, il y des transactions qui ne peuvent pas se faire avec un téléphone basique. Il faut pouvoir accéder à des plateformes et savoir les manipuler pour réaliser les transactions. Les banques innovent en la matière, et au niveau d’Ecobank, sont développés les « agency banking » ou « agents bancaires » qui sont des relais de proximité auprès des clients pour l’offre d’une gamme variée de produits bancaires digitaux. Pour relever ce défi, il faut également, à mon avis, une volonté commune et des actions politiques fortes. Les choses bougent depuis un certain temps, ce que nous saluons à sa juste valeur, même si du chemin reste encore à parcourir.

Ecobank dispose-t-elle d’une politique pour favoriser l’inclusion financière de la femme ?

Ecobank est une banque panafricaine très moderne et innovante qui est à l’écoute de sa clientèle. En ce qui concerne le genre et particulièrement les femmes qui, nous le savons, font face à plusieurs défis qui, historiquement, n’ont pas facilité leur accès à la banque, le groupe ECOBANK a développé un produit appelé ELLEVER exclusivement dédié à ce segment.

Les critères d’éligibilités sont : L’actionnariat doit être à plus de 50% féminin, le management féminin, l’employabilité féminine. De plus, les produits et services sont orientés en priorité vers les femmes. Ce produit ELLEVER concède des conditions de taux de crédit et de garantie plus souples. Il donne droit à une mise à niveau par des formations sur mesure pour le renforcement des compétences, la visibilité de l’activité par une présence en ligne via un partenariat que nous appelons GOOGLE MY BUSINESS.

Il y a également l’avantage de la mise en réseau avec des entreprises sœurs exerçant les mêmes activités dans les 34 pays où le groupe ECOBANK est présent avec des débouchés vers d’autres marchés pour l’exportation des produits. Ce programme permet donc aux femmes d’obtenir un service non financier et financier à travers la gamme de crédits que nous offrons (fonds de roulement, les actifs, etc…) avec comme je le précisais plus haut, des conditions souples et un accompagnement sur mesure.

Comment positionnez-vous votre entreprise en matière d’égalité femmes/hommes ?

En matière d’égalité femmes/hommes, il y a un travail appréciable qui est fait actuellement pour donner une bonne visibilité aux femmes à ECOBANK notamment au niveau des postes de responsabilité et nous saluons cela. Pour le moment, les taux ne sont pas comme nous le souhaitons, mais comme je l’ai dit il y a un gros effort qui est fait si nous regardons d’où nous venons. Il y a de cela quelques années au niveau de la direction, il n’y avait pas autant de femmes qu’aujourd’hui. De façon pratique, il y a un effort qui est fait et nous apprécions cela.

Quelle est votre position sur les quotas, la parité prônées dans l’administration, la politique et d’autres domaines ?

Il faut effectivement que les discours qui sont faits soient suivis d’actes concrets. Cependant, je suis de ceux qui pensent qu’il faut tenir compte aussi du potentiel et du mérite pour promouvoir les femmes au même titre que les hommes. On ne doit pas aller vers la parité en faisant de la complaisance, les femmes doivent mériter leurs postes comme les hommes. Pour cela les parents et la société doivent donner à la base la même chance d’éducation à la jeune fille et au petit garçon. Nous les femmes nous devons également savoir que la reconnaissance, les postes de responsabilités se méritent et nous devons nous battre pour être toujours à la hauteur à l’exemple de nombreuses femmes leaders qui font la fierté de la gente féminine.

Quels messages, souhaiteriez-vous transmettre aux personnes qui se projettent sur un poste similaire au vôtre ?

Il faut avoir la volonté, de la compétence pour aspirer à ce qu’on vous valorise. Aussi il faut avoir des objectifs, travailler à les atteindre et aimer ce qu’on fait. Ce qu’on fait avec amour et passion même quand c’est difficile, est facile à assumer. Il faut se donner les moyens. J’ai expliqué un peu mon parcours comment j’ai été amenée à acquérir de compétences additionnelles et des diplômes. D’un niveau BTS je suis arrivée à un niveau DESS avec plusieurs profils. Il faut être professionnel, et savoir saisir les opportunités, c’est très important, et avoir une vision.

Interview réalisée par Judith SANOU
LeFaso.net

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Vos commentaires

  • Le 23 mars 2021 à 17:47, par Sacksida En réponse à : Fatimata Kouanda/ECOBANK : « On ne doit pas aller vers la parité en faisant de la complaisance »

    Bravo Mme pour ce parcours de combattant et pour arriver a ce haut niveau de responsabilites par bien sur le travail et les competences techniques. Je suis d’accord avec vous pour les promotions au merite fondees avec les preuves de competences averees. Pourquoi d’ailleurs instituer des cotas dits genre dans l’administration publique ; car elles ont les memes capacites et competences que les hommes ; certaines travaillent mieux que des hommes dans beaucoup de domaines. Si nous reflechissons bien aux examens secondaires ou universitaires ou ce sont les criteres d’appreciations scientifiques et techniques qui prevalent, il n’y’a pas de raison d’instituer la parite par le genre, mais par les competences et les resultats. Salut.

  • Le 24 mars 2021 à 13:55, par EVE En réponse à : Fatimata Kouanda (ECOBANK) : « On ne doit pas aller vers la parité en faisant de la complaisance »

    Bravo à toi, mon promo du LNJF. On sent la marque de fabrique d’une certaine Madame FRAUDET : la femme doit se battre pour mériter sa place.
    Bonne suite dans ta carrière.

    Amicalement,

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