Actualités :: Hausse du prix des hydrocarbures : Les risques d’une hernie étranglée

A force d’être constamment invités à serrer la ceinture, les Burkinabè d’en bas courent le risque d’être victimes d’une hernie étranglée ou d’une occlusion intestinale.

En effet, face à la hausse vertigineuse du prix des hydrocarbures, un responsable (si l’on peut l’appeler ainsi) au plus haut niveau n’a pas craint de commettre la grotesque maladresse, à la limite de l’insulte et du mépris, de demander aux Burkinabè d’avoir un comportement moins dépensier. Pendant combien de temps va-t-on continuer à nous faire écouter ce disque rayé pendant que la plupart de nos dirigeants desserrent leurs bretelles ?

Y a-t-il, sur le plan anatomique, une différence entre l’estomac d’un haut dignitaire et celui du citoyen lambda qui se demande, sans trouver réponse, de quoi demain sera fait ? Y a-t-il une autre façon de ressentir la faim selon qu’on est riche ou pauvre ? Faut-il le répéter, un peuple ne se choisit pas ses dirigeants pour s’entendre inviter au fatalisme. Or, face à l’érosion du pouvoir d’achat de la majorité des Burkinabè, les pouvoirs publics opposent la même rhétorique de ne pas vivre au-dessus de nos moyens, alors qu’eux-mêmes ne donnent, le plus souvent, pas le bon exemple.

Au fait, combien sont-ils, ces messieurs qui connaissent réellement le prix du litre d’essence ? Leurs tiroirs sont bourrés de bons d’essence sans rapport avec les besoins réels destinés à faire fonctionner leur service. On oublie ou l’on feint d’oublier que s’ils bénéficient des largesses de l’Etat, c’est grâce à l’argent du contribuable. Malheureusement, ceux qui nous ont toujours promis le Bonheur national brut (BNB) ne semblent proposer aucune autre perspective que celle de nous inviter à nous réfugier derrière le destin d’hommes attendant que le sort leur vienne en aide ou les envoie collectivement à l’abattoir.

De toute évidence, si on n’y prend garde, le Burkina risque de devenir un pays où la majorité des citoyens (si ce n’est déjà le cas) vont tomber dans le précipice du "laisse-guidon". Un pays définitivement sans repère, en dehors de celui où toutes les stratégies individuelles pour survivre (y compris les vols, les détournements, les infractions à la loi, à l’éthique et à la morale) deviendront une seconde nature pour la plupart des Burkinabè.

Il faudrait, dans ces conditions où la courbe de la corruption est ascendante, s’attendre à ce que ce phénomène devienne un sport national. Le renchérissement des hydrocarbures va incontestablement entraîner plusieurs conséquences sociales, morales et culturelles. D’abord l’éclatement de la cellule familiale. En effet, lorsque le couple va devoir s’interdire de rentrer à domicile, pour cause de réservoir vide, comment assurer l’encadrement des enfants ? Comment assurer leur sécurité alors qu’ils sont seuls face aux bandits qui écument nos quartiers ? Durant l’année scolaire, comment assurer le retour de ces enfants habitués à être transportés par leurs parents ?

L’intendance pourra-t-elle suivre lorsqu’une famille se trouve obligée de faire face aux dépenses pour sa propre restauration dans son service, et à celles des enfants restés à domicile ? Que penser des risques de relâchement des moeurs lorsqu’une longue séparation entre deux conjoints ouvre la porte à toutes les tentations entre collègues de service ?

Bref, les "deuxièmes bureaux" vont davantage avoir pignon sur rue, et s’officialiser. La conséquence, c’est le risque, après une journée entière de séparation, de voir deux conjoints complètement paumés, soupçonneux, interdits parfois de devoirs conjugaux et se regardant en chiens de faïence. Cette obligation de se plier au strict minimum familial, boulot, métro, dodo, comme on le dit en France, ne peut que contribuer à l’éclatement de la cellule familiale, une valeur qui, en Afrique, est une richesse enviée par d’autres continents.

Par ailleurs, il est clair que la cherté de la vie va marquer le début de la célébration des funérailles de la solidarité entre parents et amis. Finies les visites dont la portée philosophique et la charge affective constituent les fondements essentiels de l’existence en Afrique. Enfin, a-t-on pris soin d’évaluer l’incidence de ces nouvelles habitudes administratives sur le rendement des agents de l’Etat ?

En Afrique, un adage dit que lorsque le cours d’eau est déformé, le caïman doit s’y adapter. Encore faut-il que tout le monde accepte cette épreuve de contorsion. Ce qui n’est pas le cas actuellement. Pendant que certains triment pour se procurer quelques larmes de produits pétroliers, d’autres pourraient remplir une piscine de ce précieux liquide où viendraient se ravitailler leurs dulcinées.

Au Burkina, l’iniquité est telle que, tandis que certains sont au fond du puits, une sorte de caste prédestinée reste autour de la margelle, puisant à volonté le produit que l’argent du contribuable lui a permis d’acquérir. Si au Burkina nous n’avons pas de pétrole, ayons au moins des idées, sinon le fossé de la fracture sociale, déjà béant, risque de devenir un abîme insondable.

Personne n’aurait intérêt à ce qu’il y ait deux Burkina, avec d’un côté les repus, et de l’autre les pauvres de toute éternité et sur qui viendront glisser tous les discours mielleux et trop techniquement inacessibles pour être compris. Dans ce contexte, pourquoi, d’ailleurs, persister à vouloir imposer le port du casque dans la mesure où la majorité des citoyens vont devenir piétons ? A moins que nos dirigeants souhaitent voir des citoyens déguisés à la Ku Klux Klan, cachant leurs larmes de douleur.

"Le Fou"

Le Pays

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