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Henri Konan Bédié : “Pas de prolongation pour Gbagbo après le 30 octobre”

Publié le mardi 13 septembre 2005 à 08h15min

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Les couples Bédié et Ouattara

Question : En écoutant vos propos liminaires, j’ai cru entendre que vous êtes là pour participer à l’effort national et à ce que la Constitution permet de réaliser. Faut-il comprendre par là que vous estimez que l’élection présidentielle peut se tenir à la date indiquée ?

Le secrétaire général de l’ONU estime que les parties ivoiriennes n’appliquent pas les accords qu’elles ont signés. Pensez-vous que les sanctions individuelles peuvent faire avancer les choses ? Vous aviez reporté votre retour suite à la déclaration du général Doué. Est-ce à dire maintenant que la menace qu’il avait annoncée est levée ?

Henri Konan Bédié : S’agissant de mon retour que j’avais annoncé, les circonstances ont fait que j’ai dû surseoir. Dans la Côte d’Ivoire d’aujourd’hui, il y a beaucoup de discours. Des discours qui, parfois, enflamment, et des discours qui apaisent. Je n’ai pas voulu que mon retour s’inscrive dans quelque polémique que ce soit, dans quelque discours que ce soit, en dehors du discours du PDCI. Etant donné que les circonstances idéales n’étaient pas réunies pour nous, nous avons différé de deux semaines. Et c’est pour cela que nous sommes là aujourd’hui.

Mais nous n’avons avisé personne. Surtout ceux qui tiennent des discours, il faut que chacun s’exprime. Toute vie politique dans un pays donné se déroule dans le cadre de sa loi fondamentale. Qu’il y ait des élections demain ou après demain, ou plus tard, il faut que ces élections réalisent les promesses démocratiques de la loi fondamentale. C’est ce que j’ai voulu dire. Cela ne comportait aucun jugement. Sur la tenue des élections, il appartient à ceux qui ont la responsabilité d’organiser ces élections de nous dire si elles peuvent se faire. Le secrétaire général des Nations Unies a donné sa position. Bientôt, peut-être que le gouvernement ou la Commission électorale indépendante qui va être installée auront aussi à se déterminer pour leur part.

Etes-vous favorable à l’application des sanctions individuelles décidées par le Conseil de sécurité ?

Au niveau de notre parti comme au niveau du G7 et du Rassemblement des Houphouétistes, nous avons toujours souhaité, après ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire, qu’il y ait des sanctions. Il y a eu d’abord de très graves violations les droits de l’Homme avec mort d’hommes, avec des pillages, des exactions et des enlèvements, y compris des événements du 26 mars 2004. Tout cela a fait l’objet d’enquêtes des Missions des Nations Unies et il ne reste, pour la suite, que des sanctions à prendre.

Là-dessus, il y a des retards regrettables que nous constatons. Il y a également, au niveau de ce que nous convenons de faire ensemble que ce soit à Marcoussis, Accra, Pretoria que chaque fois, les démarches arrêtées ensemble d’un commun accord ne soient pas suivies d’effets. Et il y a lieu de déterminer les responsabilités de ceux qui bloquent ou qui ont bloqué le processus. Je pense, personnellement, que quelques redressements sous forme de sanctions devraient s’opérer. Au PDCI, nous avons toujours été pour le principe des sanctions contre les actes graves qui se commettent contre les droits de l’Homme en Côte d’Ivoire, il y a de cela quelques années.

Avez-vous un schéma des conditions et de la durée de la transition qui pourrait arriver après le 30 octobre ? Quel rôle voulez-vous voir la communauté internationale, notamment l’ONU, jouer pour la suite du processus et débloquer l’impasse actuelle ?

Le problème de la transition se pose pour le grand public et depuis quelques jours, mais en filigrane, on pouvait, en constatant le déroulement du processus de mise en œuvre des accords que nous signons que nécessairement, on négocierait sur tant de déficit de résultats. Pendant cinq ans, on a gouverné et on n’a pas été capable de tenir les élections programmées par la Constitution. Et qui doivent s’organiser tous les cinq ans et cela doit amener à réfléchir. Si cela n’est pas fait, toutes les autres formules qui ont été avancées, sous forme de prolongation, tout cela ne vaut pas la peine.

La Constitution est formelle. Certaines clauses qui sont invoquées pour demander le prolongement du mandat, c’est nous au PDCI, en 1998, qui avons imaginé la formule. Tout devait se dérouler dans le cadre des cinq ans. Comme nous l’avons toujours fait, même pendant le parti unique, le Président Houphouët a fait en sorte que les élections se tiennent tous les cinq ans. Nous avons dit aussi que lorsque les élections ont commencé et que des troubles sont constatés, il faut arrêter le processus, demander un délai supplémentaire mais dans tous les cas, cela ne devait excéder 90 jours. Voilà ce que nous avions prévu dans la Constitution de 1998 qui a été repris à l’an 2000 après le coup d’Etat militaire de 1999.

Alors il ne faut pas qu’on invoque les dispositions pour faire face à des difficultés exceptionnelles, mais toujours passagères. Quand on a passé cinq ans à gouverner qu’on n’a pas été capable de tenir la promesse d’élections démocratiques, quelle prolongation peut-on encore réclamer ? Vous croyez qu’en un mois, qu’en un an, cela suffirait à faire ce que pendant cinq ans, on n’a refusé de faire ? Je crois plutôt qu’on a voulu faire durer le plaisir. Mais il faut être réaliste, tout cela interpelle tous les Ivoiriens, toutes les Ivoiriennes. Il s’agit de votre droit fondamental.

Nous devons nous concerter pour trouver la solution. Des solutions existent dans le cadre de l’accord de Marcoussis. Il faut procéder par concertation, par une recherche de solution politique. Les Nations Unies recherchent avec nous les solutions au problème. Chaque fois qu’il y a des réunions au Conseil de sécurité, on procède par des résolutions, des consultations des parties et enfin par des médiations.

Le débat autour de la Transition fait beaucoup rage. Pouvez-vous nous donner des solutions qui pourraient aider à sortir de cette situation d’incertitude ? Est-il possible d’accorder les 90 jours en question à ceux qui détiennent le pouvoir en ce moment ? La disposition de l’article 39 qu’évoquent ceux qui sont encore au pouvoir peut-elle tenir dans les circonstances actuelles ?

Je crois que vous ne m’avez pas compris. J’ai dit que tout se réalisait dans le cadre d’un mandat de cinq ans. Donc il n’est pas question pour les gouvernants actuels, qu’on leur donne au-delà de cinq ans. Les textes organisent tout cela dans le cadre des cinq ans. N’attendez pas le dernier moment pour organiser des élections qui sont prévues. Tout doit se faire dans le cadre du mandat. Et la Constitution dit que le mandat est de cinq ans, un point un trait. Ce n’est pas cinq ans, un jour ou un mois.

Vous évoquez une concertation politique alors que le pouvoir écarte l’idée de Transition. Le ministre Issa Diakité vient d’échapper à un lynchage. Ne craignez-vous pas pour votre sécurité ?

Je n’ai pas connaissance de ce que le pouvoir a d’autres solutions que la négociation pour mettre fin à la crise. Nous sommes allés à Marcoussis, à Accra et à Pretoria avec le pouvoir. Lorsque vous avancez le contraire, je crois qu’il faudrait vous expliquer davantage. Nous avons déploré et condamné ce qui est arrivé au ministre de l’Administration territoriale et qui s’inscrit dans la logique des enlèvements, des exactions, des intimidations, des violences.

Pour revenir à ma première question, je disais que le pouvoir affirme que dans tous les accords que vous avez signés, il n’est nulle part question d’une Transition politique.

Pourquoi des accords parleraient-ils de Transition ?
Puisque les accords étaient négociés pour être appliqués de façon à éviter le vide juridique, le vide constitutionnel. Voilà pourquoi les accords ne parlaient pas de Transition. Mais, est-ce que les accords parlaient de prolongation ?

Vous arrivez en Côte d’Ivoire dans un contexte où un des membres de votre parti, en l’occurrence, le ministre Adjoumani est face à la justice ivoirienne sur plainte du Président de la République. Quel commentaire faites-vous de cette situation ? Secondo, vous venez de Paris où vous avez laissé votre « frère » Alassane Ouattara avec qui vous êtes unis au sein du RHDP. Quand compte-t-il rentrer au pays ? Dans votre agenda, avez-vous prévu rencontrer le Président Gbagbo ?

Je ne vois pas en quoi l’absence d’un leader politique empêche le déroulement des choses. Surtout que les leaders ont participé à toutes les négociations de Marcoussis, d’Accra et de Pretoria. Parfois, il y a des négociations à huis clos où il n’ y a que eux seuls qui ont participé. Maintenant que la tenue des élections, qui a été clamée par beaucoup pour le 30 octobre est remise en question, y a-t-il urgence du retour des leaders politiques en Côte d’Ivoire ? Nous devons étudier les modalités pour que ces élections soient relancées.

Je suis venu, en ce qui me concerne d’abord, pour les conventions du PDCI et ensuite pour un problème personnel dans ma famille. Lorsque les élections seront annoncées et les campagnes ouvertes, vous pourrez comptabiliser les jours pour savoir quel leader politique candidat à ces élections est là ou pas. Pour le moment, chacun est libre de ses mouvements.

Pour le ministre Adjoumani, nous avons condamné cette façon de traiter des responsables politiques de haut niveau, surtout lorsqu’on est membre du gouvernement. Parce que dans un meeting, un ministre aurait déclaré ceci ou cela. C’est une affaire d’opinion. Et encore faut-il chercher à savoir si les paroles qu’on lui prête sont réellement celles qu’il a prononcées. Il s’agit d’une affaire de justice, mais j’espère qu’il ne sera pas poursuivi. Parce que cela n’en vaut pas la peine par rapport au problème que nous avons actuellement.

L’importance de l’affaire, c’est par rapport à l’histoire. Mais combien avons-nous de gens qui, aujourd’hui, écrivent l’histoire en leur faveur ? Combien y a-t-il de faux historiens ? Adjoumani ne serait pas le seul à faire une erreur, si erreur il y a, pour qu’on le poursuive en justice.

Source : Le Patriote
www.lepatriote.net

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