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Burkina : 2019, une année aux couleurs des grèves

Publié le vendredi 3 janvier 2020 à 12h34min

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Burkina : 2019, une année aux couleurs des grèves

Le 4 janvier 2019, lors d’une rencontre gouvernement/ organisations syndicales, présidée par le Premier ministre, Paul Kaba Thiéba, le gouvernement apportait des réponses aux préoccupations syndicales contenues dans le cahier de doléances de 2017. Le même jour, le Premier ministre recevait la Coordination des syndicats de l’éducation pour réaffirmer la volonté du gouvernement à mettre en œuvre les différents points inscrits dans le protocole d’accord de janvier 2018.

L’année 2019 n’a pas été de tout repos pour le monde syndical. Malgré la reprise des négociations dès le 9 janvier, les élèves des lycées et collèges de Zorgho marchaient sur le haut-commissariat pour dénoncer la suspension des évaluations décrétée depuis le 3 décembre 2018 sur l’ensemble du territoire national par les enseignants. Quelques jours plus tard, soit le 18 janvier 2019, l’Association des élèves du secondaire de Ouagadougou (AESO), craignant une année blanche avec la suspension des évaluations, appelaient le ministère de l’Education à sauver l’année scolaire. Il faudra attendre le 2 février 2019 pour assister à la levée du mot d’ordre de grève.

Cette décision faisait suite à une correspondance en date du 29 janvier où le gouvernement apportait des réponses aux sollicitations du syndicat. Il était question de la reprise des travaux du comité de rédaction d’un statut valorisant du 4 au 10 février 2019 et la soumission dudit projet en conseil des ministres deux semaines plus tard. Dans cet esprit, la Coordination nationale des syndicats de l’éducation (CNSE), avait suspendu son mot d’ordre en attendant l’évaluation des engagements pris en fin mars. Deux mois plus tard, le 13 avril, la CNSE, dressant un bilan non satisfaisant des engagements pris par le gouvernement, annonçait de nouveau une grève de 24 heures à compter du 28 avril. Pour exiger la satisfaction de sa plateforme revendicative, le syndicat décrètera encore une suspension des évaluations à tous les niveaux.

Les différentes parties finiront par s’accorder le 3 mai 2019 avec la signature d’un procès-verbal d’élaboration du statut valorisant de l’enseignant. La partie syndicale finira par lever son mot d’ordre de grève le 22 mai 2019. Un mois plus tôt, le 23 avril 2019, on assistait également à la fin d’une longue et interminable crise au sein du département de l’Economie et des finances. Le gouvernement s’était ainsi engagé à accorder des primes de motivations aux agents sur une durée de trois ans. Cette décision, selon le gouvernement, devrait permettre aux agents d’éponger les crédits contractés auprès des institutions financières.

A l’instar d’autres secteurs, celui de la santé a été mouvementé. Il faudra attendre le 11 juillet 2019 pour assister à la première rencontre entre gouvernement et syndicats de la santé. Entre déclarations d’interpellation, sit-in, grèves, les syndicats de la santé ont entrepris différentes actions pour attirer l’attention du gouvernement sur la mise en œuvre de la Fonction publique hospitalière adopté en décembre 2017 et du protocole d’accord de février 2018 signé avec six syndicats. L’un des mouvements qui aura marqué le département est l’opération « caisses vides » décrétée du 7 juin au 1 er septembre 2019.

Le secteur de la santé, faut-il le souligner, a été secoué par d’autres mouvements tels que la grève d’avertissement de 72 heures (22 au 25 mai), la grève d’une semaine ( 30 juin au 7 juillet) suivi par quatre syndicats que sont le Syndicat des médecins du Burkina (SYMEB), le Syndicat des sages-femmes , maïeuticiens et accoucheuses du Burkina (SYSFMAB), le Syndicat autonome des infirmiers et infirmières du Burkina (SAIB) et le Syndicat des travailleurs de l’administration hospitalière et des services de santé (SYNTAHSS). Après plusieurs de mois de crise, une rencontre réunira les deux parties le 11 octobre à Ouagadougou. Si cette rencontre visait à renouer le fil du dialogue, on assistera plus tard du 20 au 30 novembre, à une autre grève de dix jours du SYMEB, du SAIB, SYSFMAB et du SYNTAHSS.

Une autre crise qui aura marqué le monde syndical est celui de la Poste Burkina.

Elle fut enclenchée le 06 mai 2019 par les agents pour réclamer entre autres l’adoption du statut du personnel. Le directeur général de la société fut expulsé de son bureau le 8 mai sous à l’instigation des agents. Déclaré « persona non grata », le directeur général, Nabi Issa Coulibaly, appellera néanmoins à la fraternité au sein de la famille postale. Il reprendra ainsi service malgré le refus de syndicat qui exigeait son départ pour la reprise des activités.

En 2019, on se souviendra également de la grève des acteurs de la justice. Dénonçant un dysfonctionnement de l’appareil judiciaire, les avocats observeront un arrêt de travail de 96 heures, du 23 au 26 avril 2019. Ce mouvement sera de nouveau reconduit à compter du 14 mai pour deux semaines, à l’issue d’une assemblée générale tenue le 13 mai. Ces mouvements seraient liés aux grèves des agents de la Garde de sécurité pénitentiaire (GSP) et des greffiers qui exigeaient de meilleures conditions de travail. En effet, depuis octobre 2018 et jusqu’à la date du 20 mai, les GSP n’ont cessé de multiplier les mouvements pour exiger le rétablissement des carrières des agents et la reprise des dix agents révoqués en 2018 de la fonction publique pour commission de faute extrême.

Le 19 avril 2019, le corps des greffiers du Burkina entamait également un arrêt illimité de travail pour dénoncer entre autres les modifications unilatérales des projets de textes avant leur envoi en adoption et la non adoption par le gouvernement des textes d’applications de la loi 054-2012 portant statut du personnel du corps des greffiers.

Dans le secteur de la sécurité, les choses n’ont pas été meilleures. Le 4 mars 2019, tous les services de la police ont été suspendus sur l’ensemble du territoire nationale. Le syndicat réclamait la reprise des négociations et l’application du décret portant statut du personnel de la police nationale. Le 9 mars, l’UNAPOL appellera les policiers à reprendre service après une rencontre avec son ministère de tutelle le 8 mars. Le 5 juin 2019, le syndicat des sous-officiers de la police, Alliance police nationale (APN), observait également un mouvement d’humeur pour dénoncer les difficiles conditions de vie et de travail.

Du côté du ministère de la Fonction publique, on parlait plutôt d’une sorte de grève « silencieuse » conduite par le Syndicat national des gestionnaires des ressources humaines pour le respect du protocole d’accord d’août 2017.Ce mouvement d’humeur n’aura pas été sans conséquences dans l’organisation des concours professionnels et des concours directs de la Fonction publique.

Le secteur de la communication en a eu également pour son compte. Après un sit-in tenu les 12 et 13 juin 2019, le Syndicat des travailleurs de l’information et de la culture (SYNATIC), observait un arrêt de travail de 24 heures pour exiger la mise en œuvre du protocole d’accord de décembre 2016.Pour se faire entendre, les médias publics exprimeront leur mécontentement avec un mouvement d’humeur en août dernier. Le mouvement de protestation sera poursuivi à compter du 23 décembre 2019 après adoption des décrets portant statut dérogatoire des éditions Sidwaya et de la RTB. En rappel, le SYNATIC réclame la mutation des médias publics RTB et Sidwaya en sociétés d’Etat avec l’ensemble du personnel.

Un autre fait marquant de l’année 2019 aura été la répression de la manifestation pacifique de l’Unité d’action politique (UAP) du 16 septembre à Ouagadougou. En l’absence d’une autorisation de manifester, les organisations syndicales et celles de la société qui tenaient à cette journée de mobilisation et d’interpellation des autorités sur le droit des populations à la sécurité, la prise de mesures urgentes contre la détresse des masses populaires, la prise en compte des préoccupations des travailleurs (…), ont dû faire face à une intervention de la Compagnie républicaine de sécurité (CRS).

Le 02 décembre 2019, le gouvernement transmettait ses propositions à l’Unité d’action syndicale sur la question relative à l’annulation de l’IUTS sur les primes et indemnités des agents du public et du parapublic, objet de la suspension de la rencontre du 21 mai 2019 entre les deux parties. A l’issue de la rencontre du 02 décembre, la partie syndicale souhaitait d’abord prendre connaissance desdites propositions avant de se prononcer. Le gouvernement pour sa part, espérait mettre fin aux discussions d’ici la fin de 2019. Espérant une trêve sociale, on s’interroge sur ce que la fronde sociale pourrait nous réserver en 2020.

Nicole Ouédraogo
Lefaso.net

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