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Moumouni Pograwa, leader de la diaspora : « Roch Kaboré a juré qu’il va protéger la vie des Burkinabè et défendre l’intégrité du territoire »

LEFASO.NET | Par Oumar L. Ouédraogo L

Publié le lundi 22 avril 2019 à 23h40min

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Moumouni Pograwa, leader de la diaspora : « Roch Kaboré a juré qu’il va protéger la vie des Burkinabè et défendre l’intégrité du territoire »

Moumouni Pograwa, un des leaders de la diaspora burkinabè, résident en Côte d’Ivoire, est connu pour ne pas masquer ses mots et sentiments lorsqu’il s’agit de donner son avis sur des questions liées à la vie politique de son pays, le Burkina Faso. Figure de la société civile et homme d’affaires, Moumouni Prograwa, que nous avons rencontré en fin de semaine écoulée dans la capitale burkinabè, donne les motifs de son séjour et réagit à des sujets de l’heure.

Lefaso.net : Dans quel cadre séjournez-vous actuellement au Burkina ?

Moumouni Pograwa : Je suis là depuis une semaine (l’interview a eu lieu vendredi, 19 avril, ndlr), après une tournée européenne au cours de laquelle, j’ai rencontré la diaspora burkinabè en Europe. Je suis actuellement à Ouagadougou dans le cadre de rencontres avec tous les candidats déjà déclarés à l’élection présidentielle de 2020. C’est dans ce cadre que je séjourne actuellement au pays et je suis pratiquement en fin de séjour.

Lefaso.net : Pourquoi avez-vous décidé de rencontrer les candidats déjà déclarés ?

Il faut dire que depuis que nous avons lancé notre mouvement, C’est le Moment (en août 2018), il y a beaucoup de choses qui se disent et nous nous sommes rendu compte qu’il y a un problème de compréhension. Si fait qu’on s’est dit qu’il fallait qu’on rencontre ces candidats-là pour leur expliquer le fondement, l’idéologie du mouvement. C’est ce qui explique cette présence à Ouagadougou et on s’est effectivement rendu compte que beaucoup de leaders politiques ici se posent des questions sur le mouvement, C’est le Moment. C’était donc judicieux de venir les rencontrer et leur donner les informations, directement afin d’éviter les polémiques, attaques, incompréhensions ou soupçons inutiles.

Lefaso.net : Depuis la fin de la transition, vous observez une sorte de silence par rapport à la vie politique burkinabè. Qu’est-ce qui explique cela ?

Je n’ai pas observé de recul, mais il est vrai que Moumouni Pograwa, c’est la société civile depuis très longtemps et après, on m’a vu un peu avec l’UNIR/PS. Ensuite, on m’a vu repartir vers le N23 (Mouvement du 23 novembre, ndlr), pour revenir avec le mouvement C’est le moment. C’est pour dire que je ne me suis pas éclipsé. Seulement, j’ai toujours dit : chaque période avec sa bataille, sa lutte et chaque lutte avec ses armes.

Aujourd’hui, nous sommes dans un contexte où après 2015, le Burkina Faso est censé être un pays démocratique (puisqu’il y a eu une élection démocratique à l’issue de laquelle, un président a été élu et un gouvernement mis en place). Donc, nous sommes dans un régime démocratique. Dès lors, ce qu’on peut faire, en tant que leader d’opinion, leader de la société civile, c’est d’accompagner notre pays.

Pas le pouvoir, mais notre pays. En tant démocrate, républicain, patriote, il est de notre devoir d’apporter notre contribution pour que notre pays sorte des difficultés énormes dans lesquelles il se trouve : je veux parler des questions de sécurité, de développement, etc. Il faut souligner que le Burkina Faso appartient à tous les Burkinabè ; il n’appartient ni à la classe politique ni au parti au pouvoir ni à l’apposition. Le Burkina Faso appartient aux Burkinabè de l’intérieur comme de l’extérieur.

Il est donc nécessaire pour chacun de nous de comprendre que le Burkina ne pourra s’en sortir que lorsque, ensemble, chacun apportera sa pierre à l’œuvre de construction. C’est ainsi que nous comprenons les choses et c’est ce que nous essayons de faire depuis la fin de la transition (depuis que Roch Kaboré est arrivé au pouvoir), en essayant d’apporter notre contribution dans la relance économique et au niveau également du débat politique, parce que notre démocratie est en construction. Mieux, maintenant que la diaspora a le droit au vote, nous avons décidé de participer pleinement aux débats politiques et c’est ce que nous sommes en train de faire.

Lefaso.net : La question que les gens se posent à votre sujet également, c’est de savoir si vous appartenez à un parti politique ; vous avez parlé d’un « passage » à l’UNIR/PS, par exemple.

Non, je ne suis rattaché à aucun parti politique. Et même pour la question de l’UNIR/PS (Union pour la renaissance/parti sankariste, actuellement, membre de la majorité présidentielle, ndlr), je vous explique. Je ne suis pas allé à l’UNIR/PS en tant que sympathisant, militant ou quoi que ce soit. A l’époque, j’étais toujours membre de la société civile et Moumouni Pograwa s’est révélé aux Burkinabè du monde entier, à l’opinion nationale et internationale, à partir de son engagement à travers les réseaux, la presse, etc.

On s’est rendu compte à un moment donné que le mouvement que nous menions à travers ces canaux doit trouver un partenaire crédible sur le terrain, et ce partenaire crédible, à l’époque du pouvoir Compaoré, c’était, pour nous, l’UNIR/PS ; c’était le seul parti politique diamétralement opposé au pouvoir en place. A l’époque, il y avait eu un accord entre nous, société civile et l’UNIR/PS. Mon appartenance à l’UNIR/PS était donc juste une stratégie pour contribuer à la chute de Blaise Compaoré.

Dès que Blaise Compaoré a laissé le pouvoir, automatiquement, j’ai quitté l’UNIR/PS ; parce que je n’y étais pas en tant que militant, mais juste par stratégie de lutte. Donc, je n’ai jamais appartenu au parti, parce que quand on vient dans un parti politique, c’est soit parce qu’on a des ambitions politiques, soit on cherche un poste politique. Or, je ne visais aucun de ces aspects en venant à l’UNIR/PS. Ceci dit, je suis retourné dans mes activités de société civile avec le N23 et après, lorsque le vote de la diaspora a été acté, nous avons décidé de créer le mouvement C’est le Moment qui est un mouvement politique de la diaspora, qui est en train de s’organiser pour aller à l’élection de 2020.

Lefaso.net : On dit de vous que vous êtes proche de Yacouba Isaac Zida, et on se souvient que sous la transition, vous avez été un de ses porte-voix en Côte d’Ivoire. Le cordon est-il toujours maintenu avec l’ancien premier ministre ?

Notre but a toujours été d’accompagner le pays, pas des individus. Vous constaterez que sous le pouvoir Roch Kaboré, nous avons organisé « Diaspo invest » (forum économique, ndlr) qui a été un grand succès et qui a permis au Premier ministre Paul Kaba Thiéba (janvier 2016-janvier2019, ndlr) de présenter le PNDES (Plan national de développement économique et social, référentiel de développement du Burkina, ndlr) pour la première fois dans la diaspora et pratiquement plus de 40 milliards d’intention d’investissements qui ont enregistrés.

Et ça, nous l’avons fait par patriotisme, pas parce que nous aimons le pouvoir en place. Donc, sous la transition, nous avions aussi apporté notre contribution de la même façon ; parce que c’était notre transition (nous avons fait l’insurrection), la transition n’appartenait ni à Zida ni à qui que ce soit, elle a été gérée par l’ensemble du peuple burkinabè. Maintenant, au-delà de tout cela, il y a bien entendu des relations qui se tissent entre les autorités et certains Burkinabè.

C’est le cas entre Moumouni Pograwa et Roch Kaboré aujourd’hui, c’est le cas de Moumouni Pograwa et le président centrafricain et bien d’autres chefs d’Etat. Tout comme Moumouni Pograwa a également des relations avec des ministres, des présidents de partis politiques (Me Bénéwendé Stanislas Sankara, Eddie Komboïgo, Gilbert Noël Ouédraogo…). C’est pour dire que je reste Burkinabè, je suis en contact avec tous les Burkinabè ; qu’ils soient de l’opposition ou de la majorité, nous réfléchissons ensemble sur ce que chacun peut apporter pour que le pays avance et c’est cela le plus important.

Lefaso.net : Il y a huit mois, vous lanciez le mouvement C’est le Moment. Quelle est son actualité aujourd’hui ?

C’est extraordinaire, ce qui est fait. Ce que nous avons fait, en l’espace de huit mois (et sans m’attirer une certaine foudre), c’est énorme. Nous avons fait ce que certains partis politiques au Burkina, qui existent depuis près de 20 ans, n’ont pas réussi à faire. En moins d’un an, nous avons fait pratiquement le tour du monde ; une tournée africaine, américaine, européenne que nous venons de boucler.

Nous avons acquis un siège (ce n’est pas loué), c’est un bâtiment de plus de 100 millions. Le siège est à Ouagadougou, non loin de la mosquée de la zone 1 (pour le moment, nous sommes en pleins travaux). Ensuite, C’est le Moment a une Web TV, CLM TV (http://cestlemoment.info/clm-en-direct), qui a coûté environ 55 millions, et c’est une web TV avec un studio de dernière génération avec des journalistes professionnels. Donc, nous sommes déjà installés à travers le monde. Encore, il y a un mois de cela, nous avons lancé l’opération « Un million de cartes de membre » et tenez-vous bien que le jour du lancement nous avons imprimé dix mille cartes de membre que nous avons évacués le même jour.

Dites-moi, quel parti politique au Burkina Faso peut prétendre sortir un fichier où il y a dix mille membres inscrits en si peu de temps, ce n’est pas possible. Le mouvement C’est le Moment l’a fait. Le résultat est donc plus que positif, les Burkinabè de la diaspora ont répondu à ce projet (même les Burkinabè de l’intérieur). Dans plusieurs zones de Ouagadougou, dans des régions, des communes, à l’université, des gens sont en train de s’organiser au nom de C’est le Moment, que nous allons bientôt lancer au Burkina Faso.

Pour dire que l’accueil est très favorable, les résultats d’ores et déjà engrangés sur le terrain sont très satisfaisants et nous sommes très heureux que les gens aient adhéré à ce projet ; une nouvelle idée, une nouvelle façon de faire la politique. C’est donc une nouvelle voie que nous sommes en train de proposer aux Burkinabè.

Lefaso.net : Pour un mouvement orienté vers la diaspora, pourquoi le siège est-il situé à Ouagadougou ?

Ce mouvement est un mouvement politique burkinabè, c’est clair. Quand vous prenez Roch Kaboré par exemple, qui est le président du Burkina Faso, vous prenez Zéphirin Diabré, Gilbert Noël, etc., chacun de ces leaders politiques a son fief électoral. En Côte d’Ivoire, vous prenez Alassane Ouattara on sait où est son fief.

Il en est de même pour Henri Konan Bédié, Soro Guillaume… C’est ainsi partout dans le monde. C’est le Moment est d’abord un mouvement politique burkinabè, avec pour fief électoral, la diaspora (même si on reconnaît qu’il est né dans la diaspora, il est d’abord un mouvement burkinabè).

Lefaso.net : Est-ce qu’à ce jour le mouvement a une assise géographique au niveau de la diaspora ?

Je viens de vous dire que nous avons évacué dix mille cartes de membre en une seule journée …

Lefaso.net : Mais cela n’implique pas une assise !

D’accord, je vous explique comment nous sommes organisés. C’est le Moment est organisé de sorte que dans chaque pays, nous avons ce que nous appelons un délégué fédéral. A ce jour, nous avons environ 28 délégués fédéraux (ce qui veut dire que nous sommes déjà représentés dans 28 pays). Le délégué fédéral est chargé de mettre en place des délégués dans les départements/communes, etc.

C’est comme en Côte d’Ivoire où nous avons un délégué régional dans chacune des 31 régions que compte le pays. Ces délégués régionaux sont chargés d’installer les délégués départementaux. Les délégués départementaux installent, à leur tour, les délégués communaux et ces derniers installent les sous-sections. Pour la Côte d’Ivoire, nous avons couvert tout le territoire national déjà. Nous sommes très fiers de ce résultat et ce n’est que le début de cette marche, de ce que nous voulons proposer aux Burkinabè.

Lefaso.net : Dès le lancement du mouvement C’est le Moment, la question s’est posée de savoir (certainement plus du côté des politiques) qui se cache derrière Moumouni Pograwa et son initiative ?

C’est cela aussi le complexe burkinabè. Lorsque le président Macron a quitté le gouvernement et a lancé la République en marche, que n’a-t-on pas entendu ? Qu’il était jeune, que son mouvement n’avait pas de programme de société, etc. Aujourd’hui, Emmanuel Macron est président de la France devant des caciques politiques, certains ont plus de 40 ans, des partis politiques qui existent avant même la naissance de Macron. Et c’est cela notre modèle.

Les gens peuvent parler, on ne peut pas les en empêcher. On peut être jeune, se lever, s’assumer et sans un soutien quelconque politique et faire ce qui est bien pour son peuple. C’est le moment n’a aucun soutien politique, il n’est financé par personne. Le mouvement a seulement ses bases dans la diaspora ; vous savez que la diaspora contribue énormément au développement économique du Burkina. Nous avons les moyens de notre politique.

Ce que vous ne savez pas est que pendant les campagnes, les hommes politiques viennent chercher les financements dans la diaspora ; c’est nous qui finançons les campagnes. Donc, que les gens comprennent que la diaspora est quand même capable de financer son mouvement, elle n’a pas besoin d’un homme politique pour soutenir son mouvement.

Lefaso.net : Comment le mouvement se positionne-t-il par rapport aux élections de 2020 ?

On sait maintenant que le vote des Burkinabè de l’extérieur est acté. Donc, nous sommes en train de nous organiser à cet effet. Ne pas le faire, ce serait grave. Nous nous sommes battus pendant des années pour cela, maintenant que c’est effectif, il faut se mobiliser pour participer efficacement et conséquemment à ces élections. C’est pourquoi nous avons créé ce mouvement, pour proposer au peuple, notre vision, notre façon de voir.

Si les gens connaissent le poids économique de la diaspora, jusque-là, ils ne connaissent pas son poids politique (parce qu’on n’avait pas le droit de vote). On veut démontrer que nous avons aussi une capacité politique. Voilà pourquoi C’est le Moment est d’abord un projet, que nous sommes en train de proposer aux Burkinabè de la diaspora et je pense qu’il est accepté, au regard des résultats déjà enregistrés. Pour ce qui est de 2020, nous avons notre congrès, que nous envisageons pour novembre ou décembre 2019.

Lors de ce congrès, tous les délégués que nous sommes en train d’installer à travers le monde vont se retrouver et on va décider de ce qu’il faut faire. Est-ce que le mouvement va présenter un candidat à la présidentielle ? Si le congrès décide, ce sera le cas. Si le congrès décide que le mouvement va se présenter en parti politique, ce sera à lui de décider.

Est-ce que le mouvement va décider de soutenir un candidat ? Le congrès décidera. La réponse avec le congrès. C’est l’intention du mouvement, qu’on n’a jamais d’ailleurs caché. Les gens ont un peu peur, parce que le Burkina Faso n’est pas habitué à ce genre de mouvements indépendants et puissants. Mais qu’ils n’oublient pas que ce mouvement est né dans la diaspora, qui est puissante économiquement.

Lefaso.net : Vous vous considérez comme « mouvement politique » et non « parti politique ». Quelle est la nuance ?

Le but principal d’un parti politique, c’est de conquérir le pouvoir d’Etat et de le gérer. Mais chez nous, pour le moment, nous ne parlons pas de conquête du pouvoir d’Etat ; c’est lors du congrès que les congressistes vont décider de ce qu’on va faire. Pour le moment, il n’est pas encore question de conquérir le pouvoir d’Etat, mais on participe aux débats politiques. Les portes du mouvement sont ouvertes à tous les Burkinabè.

Lefaso.net : Quelle analyse votre mouvement fait de la situation actuelle au Burkina ?

Roch Kaboré a un contrat avec le peuple burkinabè. C’est cette analyse que beaucoup ne font pas. Quand on veut être démocrate, qu’on soit démocrate. Roch Kaboré a un contrat. Le pouvoir, c’est un contrat entre un individu et son peuple. Ce n’est pas entre un parti politique et le peuple. Roch Kaboré est le président de tous les Burkinabè. Prenons l’exemple avec Blaise Compaoré, qui a été pendant 27 ans président.

Mais aujourd’hui, c’est lui qui est poursuivi, pas le CDP ! Donc, le contrat existe entre le président Roch Kaboré et son peuple, et c’est pour cinq ans. Roh Kaboré a fait des promesses au peuple. Je pense donc qu’il faut attendre la fin de son mandat pour voir si le peuple va renouveler son contrat avec lui ou pas. En tout état de cause, nous sommes en démocratie, et notre démocratie est encore jeune et en construction. Il y a des problèmes dans notre pays : aux plans sécuritaire, de l’enseignement, l’économie, etc.

Bref, il y a beaucoup de problèmes dans notre pays. Mais, pensons-nous que c’est un seul individu qui peut régler ces problèmes ? Non. Ce n’est pas parce qu’on n’aime pas Roch Kaboré que nous allons souhaiter qu’il y ait l’insécurité au Burkina Faso. Ce n’est pas parce qu’on ne l’aime pas qu’on va souhaiter que le pays sombre. Non ! En ce moment, c’est à nous-mêmes que nous faisons du mal, c’est à nos enfants et petits-enfants que nous faisons du tort.

La politique, oui. Les ambitions, oui. Mais, le pays d’abord. Et c’est ce que nous sommes en train de faire. Aider le pays, ça ne veut pas dire aider Roch Kaboré, ni le MPP. Aujourd’hui, j’apporte ma contribution pour que mon pays puisse s’en sortir. C’est cela qui est important. Je ne peux aller offrir des vivres dans mon village et qu’on me dise que j’ai aidé le pouvoir en place ! Dois-je laisser mes parents mourir de faim ? Les considérations politiques ne doivent pas prendre le dessus sur des vies humaines dans notre pays et c’est de cette façon que nous voyons les choses et fonctionnons.

Lefaso.net : Parlant d’« intérêt supérieur du pays », il y a cette lettre que l’ex-président, Blaise Compaoré, a adressée au président en exercice, Roch Kaboré. Votre commentaire ?

En tant que Burkinabè, démocrate, républicain, patriote, le Burkina Faso appartient à tous les Burkinabè. Celui qui n’a pas renié la nationalité burkinabè reste Burkinabè. Et si Blaise Compaoré n’a pas renié sa nationalité, le Burkina Faso est toujours son pays. Si Blaise Compaoré a quelque chose à se reprocher ou si la justice a quelque chose à lui reprocher, que la loi soit appliquée ; parce que nous sommes dans un Etat de droit (parce que la justice est indépendante).

Mais, sur une analyse sur le plan politique, je dirais que Roch Kaboré et Blaise Compaoré sont tous des hommes politiques. Si politiquement donc, Roch Kaboré estime qu’accepter la main tendue de Blaise Compaoré ne va pas le servir politiquement, c’est à lui de décider. Qu’est-ce qui prouve que la lettre de Blaise Compaoré n’est même pas un acte politique ? Donc, sur le plan politique, c’est à Roch Kaboré de décider de ce qu’il veut.

Mais sur le premier volet d’analyse, le concours de tout Burkinabè est le bienvenu pour faire face à la situation. Toute personne, qu’elle soit Burkinabè ou pas, sa contribution est la bienvenue. Si l’acte entre Blaise Compaoré et Roch Kaboré est politique, chacun fait ses calculs, et en ce moment, ça ne concerne pas le peuple burkinabè. Le peuple burkinabè ne peut pas refuser la main tendue de quiconque veut lui venir en aide dans cette situation qu’il subit.

Lefaso.net : Depuis un moment, en plus des attaques, on assiste à des conflits intercommunautaires. Comment analysez-vous la situation ?

Moi qui vis en Côte d’Ivoire, qui ai connu la crise ivoirienne, les conséquences de l’amalgame qui avait été faite entre les Burkinabè vivant en Côte d’Ivoire et les Bété, entre les Burkinabè et les Ivoiriens en général, je puis dire que je suis bien placé pour mesurer les conséquences de la stigmatisation d’une communauté.

Nous l’avons vécu, et nous savons ce que ça peut coûter lorsqu’on stigmatise une communauté. Le cas de la Côte d’Ivoire est un exemple à ne pas oublier. Nous avons vécu la situation. Donc, nous sommes très bien placés pour tirer la sonnette d’alarme ; parce que si on n’y prend garde, c’est un danger pour la paix sociale.

Je pense donc qu’il est de la responsabilité du gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour arrêter cette situation. Je pense que le chef de l’Etat, Roch Kaboré, a prêté serment, le jour de son investiture, pour dire qu’il jure de protéger tous les Burkinabè et de défendre l’intégrité du territoire burkinabè.

C’est à lui de prendre ses responsabilités pour ne pas que ça se reproduise ; si ça se reproduit, il aura failli à son devoir, il aura trahi son peuple, il aura trahi le contrat qu’il y a entre lui et son peuple. C’est d’abord Roch Kaboré qui a un contrat à respecter et c’est à lui de prendre toutes les dispositions pour que ce genre de situations ne se répète plus dans le pays.

Lefaso.net : C’est dans ce contexte que se prépare l’élection de 2020, avec en toile de fond, le code électoral qui divise la classe politique. Le code en l’état vous satisfait-il ?

Non, pas du tout et c’est le moins qu’on puisse dire. Vous allez me dire pourquoi est-ce que nous avons pourtant soutenu le code électoral ? Nous avons organisé un grand meeting à Abidjan au cours duquel, nous avons dit clairement que nous soutenons le code électoral.

Je vous explique pourquoi. Lorsque quelqu’un vous doit, et que ça dure dix ans, quinze ans, vingt ans, vous n’avez pas réussi à recouvrer votre argent, le jour où la personne se présente et vous donne ne serait-ce que dix pour cent de votre argent, je pense que vous allez prendre et continuer à le harceler pour récupérer le reste de votre argent.

Je suis un homme d’affaires et c’est que j’ai appris dans le milieu des affaires. Depuis que le Burkina Faso existe, le droit de participer aux élections a toujours été renié à la diaspora. Nous nous sommes battus pendant plusieurs années et aujourd’hui, c’est acté. Dans ce contexte, à partir du moment où c’est acté, la première des choses, c’est d’applaudir. Ensuite, le reste, on pourra discuter. C’est ce que l’opposition aurait dû faire.

On ne peut pas se battre pendant des décennies pour avoir le droit de vote et maintenant qu’on a ce droit, on se lève pour dire qu’on ne veut pas ce code électoral. Si on remet en cause ce code, cela voudrait dire qu’on remet en cause ce pour quoi on s’est battu pendant des dizaines d’années. Il faut donc qu’on soit logique avec nous-mêmes. Il faut d’abord accepter le principe même du vote et ensuite, on verra les détails.

Maintenant, il y a effectivement des éléments à l’intérieur qui ne sont pas justes, qu’il faut revoir. Je ne dis pas aussi que l’opposition n’avait pas raison de se dresser contre ce code électoral, elle en a pleinement raison ; parce qu’il y a effectivement des éléments à l’intérieur qui, si on n’y prend garde, peuvent constituer des germes de conflit post-électoral.

Donc, nous sommes d’accord avec le principe du code électoral qui prend en compte le vote de la diaspora, mais nous disons qu’il y a des éléments à revoir à l’intérieur si nous voulons aller à des élections crédibles, transparentes et qui ne vont pas créer des crises au Burkina.

Lefaso.net : Beaucoup d’observateurs craignent la prochaine élection en Côte d’Ivoire, notamment avec le divorce, d’une part entre Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié et d’autre part, entre Alassane Ouattara et Soro Guillaume. Est-ce une situation qui vous inspire crainte également ?

Nous vivons à Abidjan, nous avons vu les germes de la crise depuis 2002. Mais je pense que les Ivoiriens ne sont pas prêts à « rebelotter ». Je pense que le peuple ivoirien a suffisamment souffert pour ne plus créer les conditions d’une crise en Côte d’Ivoire.

Les autorités ivoiriennes sont en train de tout mettre en œuvre pour éviter à la Côte d’Ivoire une autre crise après tous ces investissements consentis pour remonter la pente (quand vous regardez les chiffres de l’économie, la Côte d’Ivoire est la locomotive de l’espace UEMOA et un poids lourd dans la CEDEAO).

Nous, Burkinabè vivant en Côte d’Ivoire, ce que nous souhaitons, c’est que les Ivoiriens puissent s’entendre pour faire des élections libres, transparentes, crédibles et que les résultats soient acceptés ; parce que nous voulons vivre en Côte d’Ivoire dans la paix. Nous ne voulons plus revivre ce que nous avons vécu. Nous ne voulons plus être stigmatisés.

Lefaso.net : Est-ce un message que vous adressé également à la classe politique burkinabè ?

Si vous avez remarqué, il y a un ou deux mois, il y avait un conflit ouvert entre Moumouni Pograwa et l’UNIR/PS ; parce que ce parti avait produit une déclaration où il saluait la libération de Laurent Gbagbo. Ce que j’avais condamné ouvertement et publiquement pour leur dire que c’était irresponsable, parce que pour celui qui se rappelle la crise ivoirienne, ce sont ces interférences qui avaient amené les Ivoiriens à dire que les Burkinabè ont leur camp. Et nous avons payé le prix fort.

Rien ne prouve aussi que dans les trois mille morts, il n’y a pas plus de Burkinabè que d’Ivoiriens. Donc, nous avons interpellé l’UNIR/PS sur la question et je pense que ses responsables ont compris qu’il fallait rester loin de la vie politique en Côte d’Ivoire.

Donc, nous faisons l’effort et lors de nos nombreux meetings, nous faisons l’effort de dire à nos parents de rester en dehors de la politique ivoirienne. Dieu merci, nous avons maintenant notre droit de vote, occupons-nous de cela. Donc, nous ne commentons pas l’actualité ivoirienne parce que ça ne nous concerne pas.

Lefaso.net : Avez-vous déjà rencontré Blaise Compaoré ?

Non, je ne l’ai pas sollicité, lui non plus.

Lefaso.net : Et Yacouba Isaac Zida ?

Non, je ne l’ai pas sollicité, lui non plus. De toute façon s’ils me sollicitent, je serai là ; parce que je suis un Burkinabè, ils sont des Burkinabè.

Lefaso.net : Pour conclure ?

C’est de dire merci à Lefaso.net et retenir aussi que notre tournée européenne a été un grand succès et qu’on appelle tous les Burkinabè à s’approcher de notre mouvement, à comprendre sa vision et à nous accompagner à proposer une nouvelle alternative à notre peuple. C’est possible, si d’autres pays ont réussi à le faire, le Burkina Faso peut aussi à son niveau, donner l’exemple comme nous l’avons déjà fait dans un passé récent.

Pour vous dire que lorsque nous étions à Bruxelles, il y a un sénateur qui était à la conférence et qui a trouvé l’idée même de C’est le Moment géniale, que toute la diaspora africaine pourrait prendre en exemple ; parce que c’est une nouvelle vision qui peut même régler la question de l’immigration clandestine. C’est donc une nouvelle vision et ensemble, on peut réfléchir et proposer aux autres diasporas.

Interview réalisée par Oumar L. Ouédraogo
(oumarpro226@gmail.com)
Lefaso.net

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