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Sida : "Il faut absolument disponibiliser les ARV"

Publié le mardi 23 décembre 2003 à 15h37min

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La campagne mondiale de lutte contre le Sida a été commémorée le 1er décembre 2003 sous le thème : "Stigmatisation et discrimination : vivez et laissez vivre". Le coordinateur des programmes de l’ONUSIDA au Burkina, le Dr Mamadou Shako, dans l’entretien qu’il nous a accordé, donne sa vision du thème. Il se prononce également sur les antirétroviraux ((ARV) et les actions à mener pour vaincre le Sida.

Sidwaya (S) : La communauté internationale a célébré la Journée mondiale de lutte contre le Sida le 1er décembre 2003. Quelle est son importance dans la lutte ?

Mamadou Shako (M.S) : L’importance de cette journée tire son essence de son thème, "Stigmatisation et discrimination : vivez et laissez vivre".
Depuis deux ans, nous avons mené une campagne autour de ce thème. On a vu qu’à l’avènement de cette épimidie, la communauté a réagi d’une manière parfois positive et d’une manière parfois aussi négative. Pour la circonstance, certaines communautés ont tellement réagi négativement en rejetant les personnes infectées par le VIH, en faisant de la discrimination, en faisant presque un ostracisme sévère envers les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) par ignorance de la maladie, par également beaucoup d’autres aspects. C’était donc important de montrer à la face du monde que les PVVIH ne doivent pas faire l’objet d’un tel comportement. Il était nécessaire d’informer l’opinion tout entière de ce que c’est que la stigmatisation, en quoi elle peut engendrer des comportements négatifs pour la promotion de la lutte contre le Sida..

Ceci est d’autant primordial, car si les gens ont peur, ils ne vont pas se faire dépister. De ce fait, il y aura des personnes appelées "séro-ignorantes" parce que ne connaissant pas leur statut sérologique qui vont continuer à propager le virus.

Par le biais de ce fléau de stigmatisation et de discrimination, on influence sans le savoir la propagation du VIH. C’est pourquoi l’ONUSIDA, depuis deux ans, s’est engagée dans le sens de la lutte contre la stigmatisation et la discrimination pour sensibiliser davantage l’opinion sur l’importance à faire le dépistage.

Du reste, la pandémie du Sida entre actuellement dans le vécu de tout Africain, particulièrement de tout Burkinabè et nous devons vivre avec les PVVIH.

Pourquoi l’ONUSIDA a décrété le 1er décembre de chaque année, Journée mondiale de lutte contre le Sida ?

Cette journée est une étape qui marque un moment fort au cours de l’année pour visualiser pendant un temps donné, tous les efforts fournis.

Mais cela ne veut pas dire que les activités se limitent à une journée. En effet, c’est une campagne annuelle de 12 mois au cours de laquelle il y a eu des manifestations. Par ailleurs il est à noter que les manifestations au cours de l’année vont généralement au-delà du thème choisi pour embrasser plusieurs aspects de la lutte. Pour l’ONUSIDA, le thème choisi pour chaque campagne, ne donne qu’une orientation aux pays.

C’est à eux de l’adapter à leurs réalités. Le thème vient juste capter l’opinion mondiale et les gouvernements à marquer une pause afin de célébrer cette journée.

S. : En dépit des efforts multiples, la pandémie ne fait que progresser. Qu’est-ce qui n’ a pas marché jusque-là et sur quoi faut-il mettre l’accent ?

M.S. : Malgré tous les efforts depuis 20 ans , l’épidémie progresse effectivement en Afrique et un peu partout dans le monde. Qu’est-ce qui n’a pas marché ? Nous sommes en train de chercher ces causes.

Mais, il faut reconnaître que les moyens étaient très insuffisants.

Actuellement, ils ont été augmentés, toutefois, ils ne sont pas malheureusement encore à la hauteur de ce qu’il faut. Nous avons estimé à partir de 2003, environ 7 milliards de dollars US par an pour pouvoir faire face efficacement à la pandémie du Sida. Par ailleurs, il faut reconnaître que les comportements n’ont pas changé. Il est à noter qu’il n’est pas facile de changer des comportements humains liés à l’intimité sexuelle. C’est pour cela surtout que les facteurs qui expliquent la propagation du VIH sont encore là, tenaces : la pauvreté, le multipartariat, l’ignorance, l’analphabétisme, le faible pouvoir des femmes à négocier leurs relations sexuelles etc.

Il y a beaucoup de facteurs qui expliquent la progression de l’épidémie ; Cependant, il y a de bons exemples dans certains pays, dans certaines zones ou dans certaines communautés où on a enregistré une diminution très importante de la prévalence de l’épidémie.

De ce fait, l’accent doit être mis sur l’intensification de la riposte. Il faut élargir cette riposte. Il faut élargir cette riposte au-delà des zones géographiques convertes et impliquer davantage les populations dans la lutte et pourquoi pas toute la communauté entière.

Tous les secteurs de la vie doivent s’impliquer davantage , surtout ceux qui n’ont pas pour le moment, inscrit la lutte contre le Sida dans leur agenda. Tant qu’il n’y aura pas de prise de conscience globale et durable, au-delà des ministères de la Santé, nous ne pourrons pas mener correctement la lutte contre le Sida. Nous aurons toujours des difficultés à inverser les tendances, lesquelles doivent être forcément inversées à partir de 2015 selon l’objectif de l’ONUSIDA. On ne pourra le faire sans l’engagement de tous, sans les moyens et l’assistance technique.

S. : Les traitements antirétroviraux constituent la préoccupation de tout le monde alors que le coût reste inaccessible . Que compte faire l’ONUSIDA ?

M.S. : le coût du traitement, il y a 5 ans, était extrêmement cher (plus de 10 000 dollars par mois et par personne).

Il y a eu des batailles. Il faut reconnaître que les antirétroviraux (ARV) ont fait appel à beaucoup de recherches.

Les firmes pharmaceutiques les vendent à des coûts liés aux efforts de leur fabrication. L’ONUSIDA s’est engagée, aux côtés des gouvernements, à négocier avec les firmes pharmaceutiques la réduction des prix. Ainsi, le coût a beaucoup diminué, mais reste toujours inaccessible jusqu’à présent. Au Burkina , ce coût est estimé actuellement entre 30 000 et 40 000 F CFA par mois et par malade. Si les négociations en cours aboutissent, ce coût reviendra entre 5000 et 8000 F CFA par mois et par malade, y compris le bilan biologique. Toutefois, il faut dire que même à ce coût, les médicaments resteront inaccessibles à la majorité des populations .

Ainsi, nous allons accentuer encore plus la bataille au niveau des firmes pharmaceutiques, de l’OMC etc. pour que les ARV soient au même prix que les médicaments contre les infections opportunistes. Par ailleurs, il est à préciser que sur 100 PVVIH, 15 à 20% environ ont besoin d’ARV. C’est suite à un suivi médical que seul le médecin est autorisé à mettre le patient sous ARV. Il faut rendre à César ce qui est César. C’est un acte médical, il faut laisser le corps médical apprécier qui doit être mis sous ARV et à quel moment. Nous disons qu’il faut absolument disponibiliser les ARV à toutes les personnes qui en ont besoin mais sur avis du médecin.

Entretien réalisé par Charles OUEDRAOGO
Sidwaya

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