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Vendeuses ambulantes d’oranges à Ouagadougou : Entre quête du gain et "feinte" des propositions indécentes

Publié le samedi 16 juillet 2005 à 08h12min

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Ouagadougou, capitale du Burkina Faso , brille par le dynanisme de son secteur informel. Les vendeuses ambulantes d’oranges constituent un pan important de ce secteur, ô combien pourvoyeur d’emploi au Faso.

Dans leur quête de bien-être, les filles parcourent la capitale de fond en comble en vue de livrer les fruits tant prisés des Ouagalaises et Ouagalais et recevoir par là même le fruit de leur labeur.

Les garçons me faisaient des avances lorsque je me baladais pour vendre les oranges. D’autres par contre, après avoir consommé les oranges te diront de passer après récupérer ton dû. Et c’est fini, ils ne te rembourseront jamais ce qu’ils te doivent. C’est à cause de cela que j’ai arrêté de vendre les oranges". Ces propos ,disons ces aveux sont de Balkissa, une ancienne vendeuse d’orange. En effet, l’activité de vente d’oranges à laquelle s’adonnent "volontiers" bon nombre de jeunes filles de la capitale burkinabè , a aussi ses dessous , ses réalités, ses non-dits.

Pour avoir leur pitance quotidienne , elles sont obligées par la force des choses de s’accrocher, de braver les pièges à elles posés par les garçons pour "survivre". Pour ce faire, les moins"teigneuses" sont contraintes à l’abandon.

C’est le cas de Balkissa qui avoue avoir abandonné pour se reconvertir dans la vente des plats ."Je grille aussi du alôco et des ignames" confie la jeune fille le regard naïf. " C’est mieux ainsi que de se promener pour ne récolter que des miettes au final" a-t-elle laissé entendre. Et d’ajouter : " la vie de maintenant est dure. Comment allons-nous chercher l’argent ? les femmes achetant le moins les oranges, ce sont plutôt les hommes qui le font mais en majorité à crédit. L’activité est épuisante alors que le bénéfice financier est petit.

Autrement quand il y a le marché, je pouvais , pour une marchandise d’une valeur de 1000 F CFA, m’en tirer avec un bénéfice de 100%" , note Balkissa. Les autres et certainement la grande majorité, faute de mieux , veulent "tenir le coup" . Adjara O, 7 mois d’expérience dans le domaine n’entend pas lâcher du lest, même si elle soutient avoir été l’objet de menaces de la part de certains créanciers .

Qu’en est -il des avances ? La jeune fille les bras croisés sur sa poitrine, le plat d’orange sur la tête, reste muette comme une carpe. Après un moment d’hésitation elle finit par se décider et lâche enfin le morceau : "Certains clients nous appellent dans l’intention de nous faire la cour" , avoue-t-elle. Par ailleurs ,à propos des bénéfices de leur activité, les filles sont peu loquaces. Beaucoup d’entre elles préfèrent ne pas parler de chiffre.

Secret ou pas, elles veulent en tous les cas garder le mystère. Et lorsqu’elles se lancent à l’eau, c’est pour dire vaguement : "mon bénéfice ? Puis elles pouffent de rires. Moi , je gagne par jour entre 750 F CFA et 1000 F CFA " , a fini par avouer Adjara au terme d’une longue plaidoirie. En fait, dira-t-elle par la suite " il est fonction des vicissitudes du marché. J’épargne mes économies acquises grâce à la vente des oranges pour payer des plats , dans l’attente du mariage".

Histoire de se préparer pour éviter d’être surprise le jour j. Pour Fatimata Congo, que nous avons rencontrée à Sankar yaaré, elle gagne entre 1000F et 1500F par jour. " Aujourd’hui(NDLR : jeudi, tôt le matin), je viens de payer mes oranges à 2000 F et je dois aller partout pour les liquider. Quand on finit de les épulcher, on se promène pour les vendre" . Pour vendre leurs marchandises , en effet, elles n’ont pas un coin fixe. Elles déambulent, circulent à travers les rues et même les services à la recherche des clients.

Elles doivent , pour ce faire, parcourir des distances non négligeables pour livrer les fruits prisés des Ougandais : les oranges. "C’est fatigant de parcourir des dizaines de kilomètres tous les jours" affirme Fatimata Congo. Assèta, une autre vendeuse ambulante d’oranges est de cet avis. "C’est pas facile ; on se débrouille". A Sankar yaaré où elle s’approvisionne chaque matin, elle venait en réalité comme à l’accoutumée de payer ses oranges à 1400F et fonde l’espoir d’engranger au final 750 F CFA de bonus. "Les clients estiment que nos oranges coûtent cher alors que nous achetons trois oranges à 100f", a-t-elle indiqué.

Des oranges d’origine ghanéenne ...

Gare du Ghana, Sankar yaaré, Kamsonghin, Nemnin, Samandin...sont autant de points où les vendeuses ambulantes s’approvisionnent en "fruits doux". Neimatou, 15 ans évalue son expérience en quelques mots : "Je me ravitaille tous les matins à Kamsonghin. Quand j’achète des oranges d’une valeur de 1000 F CFA, j’espère récolter 1500F au bout du compte" dit-elle tout en rigolant. Dans la réalité, la vente des oranges, contre toute attente , se révèle une activité organisée suivant un circuit.

Les grossistes importent le fruit du Ghana. Une fois la marchandise déchargée à Ouagadougou, les détaillants entrent dans la danse. Ils sont chargés de la livrer aux vendeuses ambulantes qui à leur tour, l’écoulent auprès du consommateur. Une organisation en cascade dans laquelle chaque acteur tire son épingle du jeu. Konfé François est détaillant dans la vente des oranges depuis près d’une décennie. Pour lui, pas de problème : mon commerce se porte bien. "Par jour je livre des oranges d’une valeur comprise entre 40 000 et 50 000 F CFA. J’ai pu grâce à ce commerce acquérir une maison et d’autres biens matériels non moins importants", a confié M . Konfé tout en refusant d’être photographié. Il dit prendre sa marchandise tôt le matin chaque jour à la gare du Ghana : Ce sont les grossistes qui nous ravitaillent en oranges.Ils les importent du Ghana voisin.

Ce, d’autant plus qu’il affirme que les oranges de Orodara( une ville de l’Ouest Burkina) ne sont pas encore prêtes. En attendant les oranges d’origine ghanéenne envahissent le marché burkinabè. La vente des oranges, au-delà des bénéfices, cause des déboires. "Je perds par jour 200 F CFA" , semble se plaindre Assèta.

Entre bénéfices et déboires...

Les oranges vendues sur le marché coûtent 50F l’unité, affirment les vendeuses. Des prix diversement appréciés par les clients ? Si les uns estiment les prix très élevés par rapport à leur pouvoir d’achat, d’autres par contre pensent que les prix des oranges sont abordables. "Je paie régulièrement une orange à 50F. C’est cher mais je suis satisfait de la qualité" , déclare Salam Compaoré qui vient de s’acheter une orange chez Assètou. Le jeune homme se met aussitôt à sucer son fruit, satisfait d’avoir fait œuvre utile avec ses 50 F. Pour la vendeuse, le plat d’oranges sur la tête, c’est une bataille en plus de gagner dans son l’élan de marchandage. Elle doit poursuivre le chemin de la réussite : C’est-à-dire la recherche du pain quotidien. La vente d’oranges est pour nombre d’entre elles plus qu’un gagne-pain.

"J’économise le surplus qui sert à satisfaire mes besoins" précise Mariam Kaboré, une élève de la classe de quatrième. Elle exerce cette activité pendant les vacances. Alors qu’elle nous relatait son histoire, un client s’annonce. Du même coup la conversation s’interrompt : elle doit s’occuper de son client. "Je veux une orange" , lance ce dernier. Après avoir découpé le bout du fruit , elle le remet à Adama moyennant la somme de 50 F CFA. Interrogé Adama affirmera que : " les oranges-là , c’est bon" , comme pour exprimer sa satisfaction. Après une partie de marchandages , il faut rattraper la vendeuse. "Moi, je veux partir. Je tourne partout pour vendre mes oranges", dit-elle préoccupée à aller à la conquête de nouveaux clients. Elle finit quand même par tomber dans les filets. "Je bouffe mon bénéfice" , a murmuré Mariam qui transpirait ce soir -là. "N’économises donc tu pas un seul sou pour la rentrée scolaire ?".

A cette question, Mariam Kaboré éclate de rires avant d’avouer qu’"en réalité elle fait de l’épargne pour subvenir à ses besoins". Selon elle, la vente des oranges lui rapporterait en moyenne 1000 F CFA/jour. Ce n’est certainement pas une fortune mais ce bénéfice constitue pour Mariam "un trésor". Elle devra sa scolarité au prix de ce commerce ambulant. Son avenir passe donc par là. Le cas de Mariam n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Nombreux sont , en effet les élèves qui travaillent pendant les vacances pour payer leurs études et autres fournitures à la rentrée.

Les enfants , véritables combattants de la pauvreté sinon de leur pauvreté se comptent par milliers à Ouagadougou. Pour eux, leur réussite, ils la doivent à la sueur de leur front. Ils sont à l’avant-garde de la lutte contre la misère, devenue endémique au Faso : 45% des Burkinabè vivent en dessous du seuil de pauvreté (moins de 2$ U.S par jour), selon les données des institutions du système des Nations-unies.

Nadoun S. Coulibaly (coulibalynadoun2002@yahoo.fr)
Sidwaya

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