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Jeux olympiques 2012 : Chirac était là, la poisse aussi

Publié le jeudi 7 juillet 2005 à 07h51min

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On savait que des cinq villes (Londres, Paris, Madrid, New York et Moscou) candidates à l’organisation des jeux olympiques d’été 2012, les deux premières capitales citées avaient des dossiers en béton. D’ailleurs, elles étaient données favorites depuis un certain temps.

Au fur et à mesure que le jour J approchait du côté de la Manche, les commentaires allaient bon train dans les deux villes et de part et d’autre on envisageait la situation avec optimisme.

Même le politique n’est pas resté indifférent dans cette affaire. La preuve, le président Jacques Chirac, qui était la veille à Singapour, avait affirmé venir pour défendre une candidature, celle de Paris, avec optimisme et fair-play devant les membres du Comité international olympique (CIO).

Il avait ajouté que la France de Pierre de Coubertin, l’inventeur des JO modernes, était prête à recevoir la flamme olympique. Son pays, a-t-il dit, est profondément attachée aux valeurs de l’olympisme. Ces valeurs de paix, de partage, de respect, d’amitié, de dialogue entre les cultures. Des valeurs qui sont aussi les siennes.

Le premier ministre britannique, Tony Blair, lui, était depuis le dimanche 3 juillet dernier dans la même ville. A 24 heures de l’élection, il avait dans un plaidoyer insisté sur la force de l’héritage que Londres veut laisser. Selon lui, l’esprit de Londres-2012, c’est le meilleur du mouvement olympique.

Un amour du sport, la foi dans le pouvoir du sport de réunir et d’éduquer les gens. Puis, il est retourné à Londres avant le verdict pour achever les préparatifs du sommet du G-8, que Gleneagles (Ecosse) accueille depuis hier soir.

Peu avant, dans la matinée de ce mercredi 6 juillet, la nouvelle est tombée à Singapour après un beau suspense qui a vu Londres l’emporter de justesse par 54 voix contre 50 à Paris. Comme pour bien faire les choses, le Président du CIO, le Belge Jacques Rogge, a annoncé cela en anglais (la langue de la ville organisatrice) après avoir ouvert une enveloppe géante dont il connaissait déjà le contenu.

La décision connue, c’était naturellement la liesse à Londres où Big Ben s’est mise, pour ainsi dire, à l’heure olympique, et l’amertume à Paris où la vieille dame de fer semble s’être mouillée. En Afrique, beaucoup d’Africains avaient un penchant pour la candidature française pour diverses raisons.

Comme ceux qui étaient sur le parvis de l’hôtel de Ville de Paris, on éprouvait aussi une déception, les Français n’ayant pas réussi à convaincre les 116 membres du CIO de l’excellence de leur dossier. Pour Arnaud Lagardère, le président du club des entreprises pour Paris-2012, leur capitale ne méritait pas un tel échec.

Selon lui, sur un plan financier, organiser les JO à Paris aurait été une bonne affaire, car 70% des infrastructures sont déjà en place. Ce sont des jeux qui leur auraient coûté aux alentours de 6-7 milliards d’euros sans impôts supplémentaires des Parisiens.

Avant cette élection, Paris restait sur deux échecs dans la course à l’organisation, en1992 et 2008. Les jeux avaient alors été attribués à Barcelone et à Pékin. Londres est la première ville à obtenir le droit d’organiser pour la troisième fois cette grande manifestation sportive, après 1908 et 1948.

A Singapour, lors des quatre tours de scrutin, Londres a chaque fois devancé Paris : premier tour : Madrid 20, Paris 21, Londres 22, New York 19, Moscou 15 ; deuxième tour : Madrid 32, Paris 25, Londres 27, New York 16 ; troisième tour : Madrid 31, Paris 33, Londres 39 ; quatrième tour : Paris 50, Londres 54.

Pour les observateurs avertis, la stratégie très offensive et médiatisée de Londres auprès des membres du CIO aura donc payé face au lobbying discret et à l’offensive de charme de Paris. Les dernières heures de campagne avaient été éprouvantes, avec des piques de la part des deux favoris. Selon les règles édictées par la commission d’éthique du CIO, les villes candidates sont tenues de s’abstenir de critiquer leurs rivales.

La question qu’on se pose est de savoir ce qui a fait la différence. Mais on ne peut s’empêcher de penser que le CIO a préféré l’appel à la jeunesse lancé par Londres avec des jeux organisés dans un grand parc olympique, fidélité à l’olympisme, aux jeux ancrés dans la ville, proposés par Paris.

En sport, il faut savoir être fair-play et de toutes les façons ce n’est pas la fin du monde pour nos amis français. Il faut donc replacer l’enjeu à sa place qui est celle d’une compétition sportive, même si c’est aussi une grosse affaire commerciale, une histoire de gros et rien ne dit que cette donne n’a pas, dans les coulisses, penché en faveur de la capitale anglaise où l’essentiel des infrastructures est à construire, ce qui laisse entrevoir des marchés juteux pour les entreprises qui font dans le BTP ; alors que dans le dossier français il n’y avait presque rien à ériger.

Comme quoi il faut bien plus que la solidité d’un dossier pour remporter le jackpot. La perfide Albion, pour reprendre la devise du CIO, est allée donc « plus vite, plus fort et plus haut » que le coq gaulois sur lequel le sort semble s’acharner. Le locataire du 10-Downing Street vole de succès en succès puisqu’il vient d’y renouveler son bail pour 4 années supplémentaires.

Dans la foulée, il a convaincu les autres pays membres du G-8 d’éponger la dette multilatérale des pays pauvres très endettés. Le voilà maintenant qui vient d’arracher l’organisation des Jeux à son grand rival français, avec qui il avait récemment croisé le fer lors du dernier sommet européen au sujet du budget de l’Union et de la politique agricole commune.

Et pendant que lui est sur un nuage et respire une forme olympique, la poisse semble poursuivre le locataire de l’Elysée qui, avant les J.O., avait déjà perdu son référendum sur la constitution européenne, se voyant du coup obligé de rappeler au gouvernement son ennemi intime Nicolas Sarkozy. Si ce n’est pas la bérezina !

Justin Daboné
Observateur Paalga

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