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« Il faut un système pour mieux contrôler les importations, sinon ça expose la population aux maladies et à l’appauvrissement », (Harouna Gouem, président de la Coalition des acteurs économiques)

Publié le mercredi 17 janvier 2018 à 08h00min

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« Il faut un système pour mieux contrôler les importations, sinon ça expose la population aux maladies et à l’appauvrissement », (Harouna Gouem, président de la Coalition des acteurs économiques)

La Coalition des acteurs économiques pour un Commerce équitable est une faîtière qui s’est beaucoup illustrée dans le cadre du renouvellement des instances de la Chambre de commerce du Burkina en prônant essentiellement « des élections consulaires transparentes, l’équité dans le processus et une équipe de combat à la tête de l’institution pour une relance rapide de l’économie ». Partant de l’An II du président Kaboré, et une année après le renouvellement de la Chambre de commerce et d’industrie du Burkina, le premier responsable dudit regroupement, El Hadj Harouna Gouem, se prononce sans langue de bois sur divers sujets liés à la vie nationale.

Lefaso.net : En termes de bilan, que faut-il retenir de l’année 2017 en ce qui concerne votre Coalition ?

Harouna Gouem : Les gens diront que la Coalition n’a pas assez bougé, qu’on a un peu levé le pied après la mise en place de la Chambre de commerce et d’industrie au Burkina. Pourtant c’est loin de là ; c’est parce que simplement on n’est plus trop présent dans la presse à travers nos activités. Il faut faire des sorties quand cela est nécessaire. Nous avons animé la Coalition, tenu des rencontres pour prendre des décisions, nous avons écrit à des institutions par rapport à la marche même de l’économie, nous avons sensibilisé nos membres par rapport aux contrats de prêt, à certains mouvements d’humeur au niveau des commerçants, etc. Certes, on n’est pas totalement satisfait de notre bilan (parce qu’on pense qu’on peut mieux faire), mais on a œuvré dans le sens de l’accompagnement des efforts de part et d’autre pour une relance et un rayonnement de l’économique nationale.

La Coalition a-t-elle pu se doter de démembrements régionaux et quelles sont ses perspectives ?

Oui, à ce jour, la Coalition a des démembrements dans toutes les régions. C’est au niveau des provinces maintenant que nous sommes en train de voir pour la mise en place de représentation. Cette année, nous allons nous atteler à la mise en place de ces structures provinciales. C’est important, parce qu’il faut des gens capables de répondre efficacement aux attentes des acteurs. On prévoit également de tenir une assemblée générale vers la fin de l’année au cours de laquelle, tous les opérateurs économiques de l’intérieur du pays vont rejoindre Ouagadougou pour échanger non seulement sur la vie de la Coalition, mais également sur des actions à mener. Toutes les associations qui font partie de la Coalition seront-là et nous allons rédiger par la même occasion une nouvelle charte pour l’organisation. Ce sont quelques grands chantiers pour l’année 2018.

Votre Coalition s’est notamment illustrée dans le cadre de la mise en place de la Chambre de commerce et d’industrie du Burkina, en appelant à une institution qui réponde à sa vocation, capable de « relancer rapidement l’économique ». Une année après sa mise en place, comment appréciez-vous la marche de votre maison commune, la Chambre de commerce et d’industrie ?

Elle essaie de travailler, mais ça ne bouge pas comme on le souhaite vraiment. Par exemple, des gens ont suivi des formations depuis, mais ils attendent en vain leur attestation. Toutes les promesses que le président avait également annoncées tardent à venir (pour ne pas dire que rien ne bouge à ce niveau). Il y avait une promesse de construction du port sec, mais à ce jour on ne sait pas où ils en sont, d’un marché de légumes, etc. Tout ce qui a été promis, pas grand-chose n’a été fait. En plus, il n’y a pas assez de transparence dans la gestion. Il y a eu des audits, mais jusque-là, aucune suite n’est donnée.

La logique aurait voulu que les gens soient informés, s’il y a eu des manquements dans la gestion, des gens qui ont cumulé des prêts, des solutions soient trouvées à tout cela. Les gens ont un goût mitigé de la gestion financière. Il faut forcement donner de la transparence à la gestion de la chose commune. Cela tarde à venir et quand c’est ainsi, la Chambre de commerce ne peut pas jouer pleinement son rôle de moteur de l’économie. Au fait, quand on mettait en place le bureau de la Chambre de commerce, on pensait qu’après ça, l’économie allait redémarrer, attirer des investisseurs. Mais jusque-là, elle ne répond pas du tout à cette attente. Il a fallu les mesures (l’adoption de la loi) sur les PPP pour qu’on voit les investissements au Burkina. Ce n’est pas intéressant.

Aujourd’hui, la préoccupation des Burkinabè, c’est aussi la traite des produits frauduleux et impropres à la consommation. La Chambre de commerce a-t-elle compétence de contrôle en la matière ?

Non, elle n’a pas de compétence de contrôle, tout ce qu’elle peut faire, c’est de sensibiliser et faire des propositions au gouvernement. Quand quelqu’un veut importer, il fait seulement la déclaration préalable d’importation à la Chambre de commerce et ça s’arrête à là. Le reste, ce sont surtout les services de la douane… et le laboratoire qui se charge d’attester la qualité des produits avant leur mise sur le marché.

Avec tout ce qui se passe comme fraudes et autres…, le citoyen à l’impression qu’il y a un cafouillage au niveau du commerce. Comment vous appréciez l’organisation du secteur au Burkina ?

Le citoyen a bien raison de penser cela. D’abord, parce que ce ne sont pas forcément les mêmes acteurs et ce ne sont pas non plus (et forcément) les vrais acteurs des domaines qui importent aujourd’hui. Il y a des gens qui importent parce qu’ils ont simplement des Fonds pour importer. Mais en réalité, la base de ce problème est que des grossistes sont devenus des demi-grossistes et des détaillants. Donc, celui qui gagne, qui est à mesure de faire venir un container le fait. Les gens voyages ensemble et remplissent un container pour venir vendre. Quand le grossiste vend du demi-détail ou du détail, le détaillant est obligé, lui aussi, de trouver des solutions pour importer. C’est donc un mal pour le commerce au Burkina.

On sait que c’était l’un des combats à votre niveau. Qui doit organiser tout cela ?

Tant que l’autorité (le ministère du commerce surtout) ne réagit pas, les organisations n’y peuvent rien. Elles ne pourront que dénoncer. Et même quand souvent elles le font à certains niveaux, elles peuvent être taxées de tomber sur des personnes d’autres nationalités, donc de xénophobes. Donc, c’est compliquer. Si fait qu’il faut en tenir compte pour ne pas tomber dans des travers. C’est à l’autorité donc d’organiser les choses à ce niveau. Sinon, c’est une situation qui tue le commerce, parce qu’à ce moment, il n’y a plus de paliers ; tout le monde est devenu grossiste.

C’est une concurrence déloyale et farouche, chacun est en ce moment capable de faire tout. Ce qui favorise la vente de n’importe quoi (excusez-moi du terme) au consommateur. On fait semblant de proposer moins cher au consommateur, mais avec du n’importe quoi, de la falsification. Par exemple, le consommateur va payer un appareil aujourd’hui et demain, il est encore dans le même besoin. Il faut vraiment travailler à corriger tout cela. Ça appauvri davantage les populations. Autant on n’a pas les moyens, autant on doit faire l’effort de servir aux gens des choses qui durent.

En tant qu’acteur, quelle appréciation faites-vous de l’an II du régime Kaboré sur le plan des affaires ?

De prime à bord, on peut dire que même l’œuvre divine n’est pas appréciée de la même façon par tous. Ceci dit, personnellement, je trouve satisfaisant le bilan à ce niveau. Je pense que si on allait à ce rythme depuis l’indépendance, on ne serait pas à ce stade aujourd’hui. Il faut plutôt encourager les autorités à faire davantage. On dit que le Burkina tend la main, qu’on est apte à emprunter…, mais sommes-nous prêts aujourd’hui à nous sacrifier comme tel était le cas sous la révolution, travailler dûr pour réduire notre dépendance de l’extérieur ?

Qu’on soit endetté n’est pas le problème, pourvu qu’on sache utiliser ces ressources à des fins utiles. Pour revenir à la question, je dirais que ça a tâtonné au début, mais que tout est en train de démarrer avec surtout la mise en place des infrastructures (construction de routes), le prêt de cinq milliards fait aux commerçants (même si beaucoup n’ont pas eu, ceux qui en ont bénéficié s’en sortent). Le problème aujourd’hui, c’est le front social et il faut y trouver des solutions. Le souhait de nous commerçants, c’est quand les populations ont un pouvoir d’achat conséquent ; ça fait rouler l’économie.

La question de la dette intérieure de l’Etat était également une préoccupation, quelle est la situation aujourd’hui ?

Le gouvernement a fait beaucoup d’effort à ce niveau (je n’ai pas le chiffre exact, mais c’est important). Mieux, il y a un système qui fait que les dossiers ne durent plus dans l’administration en ce qui concerne l’exécution des marchés. La lenteur de l’administration était pour beaucoup dans ces difficultés. Il y a donc un effort important qui est fait. Il faut aussi féliciter le contribuable qui fait également des efforts en s’acquittant de ses impôts (le service des impôts parle d’un taux de recouvrement de 93%) et exhorter davantage car, on ne peut se développer sans des efforts.

L’adoption de la loi portant allègement des conditions d’exécution du programme de projets partenariat public-privé (PPP) est-elle profitable aux acteurs économiques burkinabè ?

Oui, c’est une bonne chose ; parce que d’abord, ce n’était pas évident que la Banque mondiale accepte que le Burkina s’endette jusqu’à ce niveau. Mais, elle a accepté parce qu’elle pense que c’est dans l’intérêt des Burkinabè. Les PPP ont injecté de l’argent dans l’économie burkinabè. Sans cette mesure, ça allait être très difficile (vous savez que bien avant cette loi, c’était vraiment difficile). Mais depuis lors, on constate que l’argent est injecté dans l’économie et quand c’est ainsi, ça profite à tous. L’investissement est une redistribution de richesses. On espère donc que 2018 sera meilleure que 2017 qui a, elle aussi, été meilleure que 2016.

Africa Performance Index (API) classe Rosine Coulibaly en tête de son top 10 des meilleurs ministres de l’économie de l’Afrique de l’ouest et de l’est. Vous qui êtes en contact permanent avec son administration, ce classement vous paraît-il logique ?
Ça ne m’étonne pas du tout. Elle se bat vraiment et nous le ressentons au quotidien. Voyez-vous, aujourd’hui, tout ce qui se faisait avant par des voies de raccourci a été redressé. Si fait que tous ceux qui postulent aujourd’hui aux marchés sont obligés de le faire avec des documents fiables. Mais, pour avoir des documents fiables, il faut être en règles !

Donc, ce sont des réformes qui témoignent du leadership de madame le ministre. Quand on prend le traitement des dossiers, il y a des délais maximums à ne plus dépasser. Donc, les agents sont obligés de travailler, à telle enseigne que ça évite que des gens négocient (puisque l’agent lui-même sait qu’il est obligé d’être dans un délai). Et c’est tout le monde qui y gagne en réalité. Donc, tous les Burkinabè gagnent, si chacun travaille avec un sens élevé de responsabilité et de l’intérêt général. C’est donc un classement qui ne m’étonne pas du tout. Je pense même qu’elle peut encore mieux faire et c’est l’ensemble de tout ceci qui me fait dire qu’on a des raisons d’espérer au Burkina.

Si l’on vous demandait des suggestions générales pour maintenir la dynamique dans une bonne lancée, elles seraient lesquelles ?

Je dirais que pour distribuer, il faut d’abord produire des richesses. Ensuite, il faut un système pour mieux contrôler les importations, quand elles ne sont pas bien contrôlées, ça fait non seulement perdre des devises à l’Etat, mais cela expose encore la population aux maladies et à l’appauvrissement. Cela va aussi encourager les commerçants à payer les taxes. Des textes existent, mais l’application pose problème. Si on arrive à contrôler à certains niveaux, ça peut même contribuer à décrisper la grogne sociale. Souvent, ce sont les textes mêmes qui favorisent la fraude et la corruption.

Mais, il faut aussi que la Chambre de commerce ait une vision pour amener les syndicats de commerçants à prendre ce problème à bras-le-corps, parce qu’en réalité, c’est une situation qui met le pays en retard, mais on n’y prête pas attention. On ne peut pas avoir des textes qui incitent les gens à la fraude, et ne pas chercher à les corriger. Tous ces mouvements sociaux qu’on observe sont dûs aussi au phénomène de corruption ; l’argent ne va pas souvent où il doit aller. Tous les Burkinabè sont donc interpellés, chacun à un degré qui doit l’être. Souvent, l’argent détourné pouvait même servir à régler certaines revendications sociales. Mais hélas ! L’Etat fait des efforts et le régime Kaboré est dans une autre façon de gérer le pouvoir d’Etat. Il faut donc les (dirigeants) encourager à aller dans ce sens. J’ai foi que si on continue sur cette lancée, ça ira.

Avec le déficit de la pluviométrie au Burkina, les mois à venir s’annoncent difficiles sur le plan céréalier pour les populations de plusieurs localités. Quelle peut être la contribution d’une organisation comme la vôtre pour soulager un tant soit peu les populations ?

C’est une situation qui nous préoccupe... C’est une question que, personnellement, je suis en train de mûrir et voir dans quelle mesure elle peut être partagée au sein de la Coalition. Je sais qu’il y aura des boutiques témoins comme le gouvernement a l’habitude de faire, mais ce n’est pas évident que ces initiatives soient partout au Burkina (au niveau décentralisé). Donc, on pourrait voir avec le gouvernement pour qu’au cas où il y aurait des boutiques témoins, des commerçants puissent servir de relais jusqu’au niveau commune ou village ; parce que ce sera difficile pour le gouvernement de mettre en place ces boutiques jusqu’au niveau village (matériellement parlant et sur le plan de la ressource humaine, c’est difficile pour lui).

Donc, des dispositions peuvent être prises avec des commerçants bien identifiés (parce que les commerçants ont déjà une présence dans les villages) pour faciliter la distribution des produits auprès des populations à moindre prix. Les choses sont faites de sorte que les commerçants vendent même en-deçà des prix que fixe le gouvernement. Donc, il ne peut y avoir de la spéculation.

Votre message aux membres de votre coordination ?

Harouna Gouem : Je leur souhaite une année paisible, prospère dans les affaires, une année d’entente, une année de santé, de partage.
A tous les Burkinabè, en plus des vœux de santé, de prospérité, de succès dans les initiatives, je souhaite que les gens aient encore plus le sens du patriotisme, de préservation de l’intérêt commun, le sens du dialogue, de la tolérance, du pardon et plus d’effort dans nos tâches quotidiennes. Je prie Dieu d’accompagner également nos Forces de défense et de sécurité dans leur rude mission de défense des personnes, des biens et de l’intégrité du territoire. Courage à nos hommes de tenue.
Au gouvernement, j’exhorte à poursuivre dans les investissements pour le bonheur des Burkinabè. Investir également dans la construction, augmenter les prêts octroyés aux commerçants pour faire tourner l’économie (parce que, quand l’économie tourne, c’est en réalité le gouvernement qui gagne car, les gens sont aptes à payer des taxes).

Lire aussi : http://lefaso.net/spip.php?article78101

OL
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