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Paramanga Ernest Yonli : le réformateur de l’Administration burkinabè(3)

Publié le lundi 13 juin 2005 à 07h33min

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Confronté, depuis qu’il a accédé à la Primature, aux multiples développements militaires, diplomatiques, politiques, économiques et sociaux de la crise ivoirienne, Paramanga Ernest Yonli doit faire face, depuis quelques mois, à la crise togolaise. Les relations entre les deux pays n’étaient pas fameuses.

Les présidents Compaoré et Eyadéma étaient véritablement fâchés l’un contre l’autre ; le chef de l’Etat togolais ne venait même plus chasser, comme il le faisait par le passé, dans le sud-est du Burkina Faso. Sa disparition est pour Ouaga l’opportunité de reprendre le dialogue interrompu avec Lomé. "Le Togo est un pays voisin du Burkina Faso,’ c’est aussi un corridor important pour notre pays.

C’est dire que tout ce qui se passe au Togo nous préoccupe particulièrement", me précise le Premier ministre burkinabè. Mais s’il est vigilant, il se veut optimiste. "La situation a évolué, me dit-il. Nous sommes passés d’une situation de crise, quasi constitutionnelle, à une situation positive. Grâce à la communauté internationale, la Cédéao,
l’Union africaine et quelques pays amis, la classe politique togolaise a été mise en confiance et a accepté d’aller à un scrutin présidentiel conforme aux dispositions de la Constitution.

Maintenant, il s’agit de gérer la situation post-électorale. Ii s’agit de trouver une issue qui corresponde aux attentes des Togolais. Ils veulent un Togo en paix dans lequel chacun s’efforce de reconstruire le pays à travers une réconciliation véritable. Cela nécessite beaucoup de dialogue, de concertation. Et que chacun regarde les choses en face. Le plus important est d’aboutir à une représentation significative de chacune des forces politiques au sein de l’équipe gouvernementale qui va devoir diriger le pays".

Le Burkina Faso s’implique dans la recherche d’une solution à deux niveaux. "Nous sommes un pays enclavé ayant une frontière avec le Togo qui nous assure un débouché maritime. Nous avons tout intérêt à ce que ce pays soit en paix pour continuer à échanger avec lui, permettre la circulation des hommes et des marchandises et avoir des relations de bon voisinage. Ensuite, le Burkina Faso est membre de la Cédéao et cette organisation régionale a beaucoup contribué et continuera de contribuer à la recherche d’une solutionjusqu’à ce que le Togo sorte renforcé de la crise et redevienne gouvernable".

La difficulté des échanges avec la Côte d’Ivoire a redonné, depuis bien des années maintenant, une réelle vitalité au corridor Burkina Faso-Togo. "Le port de Lomé fonctionne très bien. Il a mis en oeuvre un programme d’agrandissement de ses installations dont notre gouvernement ne peut que se féliciter. Nous souhaitons donc que ce corridor togolais reste ouvert et fonctionnel. Dans la sous-région, aujourd’hui, les échanges se sont sensiblement rééquilibrés entre la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Togo [trois pays à façade maritime et avec lesquels le Burkina Faso a des frontières communes].

Accra et Lomé, depuis que le corridor ivoirien a vu ses activités réduites, occupent une place bien plus grande que par le passé. Nous
avons compris qu’il fallait utiliser notre place au coeur de l’Afrique de l’Ouest pour y rayonner. En situation de paix, le Burkina Faso peut tirer le meilleur profit possible de sa situation géographique en étant un pays de transit pour les trafics routier, ferroviaire et aérien".

Face à deux pays en crise, la bonne santé politique, économique et sociale du Burkina Faso apparaît plus remarquable encore.

D’autant plus que la Côte d’Ivoire d’une part, le Togo d’autre part, avaient fait des choix qui pouvaient appararaître diamétralement opposés (un régime civil face à un régime militaire) mais avaient de nombreuses similitudes : parti unique longtemps omniprésent, présidentialisation du régime d’autant plus marquée que Félix Houphouët-Boigny et Gnassingbé Eyadéma ont battu des records de longévité au pouvoir. Ajoutons à cela que les deux pays sont des "côtiers" disposant d’un complexe portuaire performant. Face à Abidjan et Lomé, Ouagadougou, capitale d’un pays enclavé où les régimes n’ont cessé de se succéder de coups d’Etat en coups d’Etat, avait des allures de Cendrillon africaine.

Les choses ont changé ; depuis plus de dix ans le Burkina Faso a pris l’avantage sur ses deux voisins côtiers (malgré une dévaluation du franc CF A conçue sur mesure pour la Côte d’Ivoire et qui ne manquait pas de bénéficier au Togo, pays exportateur de matières premières minérales).

"Depuis 1991 [la Constitution de la IVème République a été adoptée par référendum le 2 juin 1991 et promulguée le Il juin 1991], nous sommes retournés en démocratie et nous avons choisi de faire des réformes politiques marquées par le dialogue, la concertation, l’esprit d’ouverture. Et malgré quelques crises de croissance de cette démocratie, nous avons pu ramener toute la classe politique dans la voie de la consolidation du processus démocratique. Le choix de la démocratie était sans doute le bon choix au bon moment, l’Etat de droit offrant le maximum de chances à chaque citoyen.

Nous avons travaillé à consolider la démocratie en donnant les pleines possibilités à chaque institution démocratique de fonctionner normalement, en donnant la possibilité à l’ensemble de la classe politique de participer au débat national mais toujours dans le cadre des règles établies. Nous pouvons nous féliciter d’avoir organisé des élections législatives, en 2002, qui ont été saluées par l’ensemble de la communauté internationale comme une consultation électorale de qualité. Cette année, nous allons organiser la présidentielle.

Avec un dispositif qui permette un scrutin équitable et transparent. Les listes électorales de 2002 ont été iriformatisées et sont sur internet ,. elles peuvent être consultées par tous les citoyens partout dans le monde, à commencer par les Burkinabè. Ces listes vont être actualisées pour la présidentielle de novembre 2005. Cette démarche exprime notre volonté d’aller de l’avant et de consolider l’Etat de droit et la démocratie".

y onli souligne un point important : "consolider la démocratie en donnant les pleines possibilités à chaque institution démocratique de fonctionner normalement". C’est ce qui fait, sans doute, la différence entre la démocratie réelle et la démocratie virtuelle.

Trop souvent les institutions mises en place sont des coquilles vides. Il suffit d’aller au Burkina Faso et de rencontrer les "opérateurs démocratiques" pour constater, qu’effectivement, l’Assemblée nationale (111 députés et 13 partis représentés), la Cour de cassation, la Cour des comptes, le Conseil d’Etat, le Conseil constitutionnel, la Commission nationale électorale indépendante (Ceni), le Conseil supérieur de l’iriformation (CS !) devenu Conseil supérieur de la communication (CSC), le Médiateur du Burkina Faso, le Conseil économique et social (CES), etc. sont des structures agissantes.

Paramanga Ernest Yonli voudrait aller plus loin dans la performance "institutionnelle". "Ce que j’aimerais le plus, en tant que Premier ministre, me confie-t-il, c’est de transformer de
façon radicale l’administration publique burkinabè. Non pas que nous ayons à en rougir,. elle est une des meilleures dans la sous-région et même en Afrique. Mais ayant été ministre de la Fonction publique, chargé de la réforme des institutions, j’ai l’impression qu’il y a un hiatus entre ce qu’elle est et ce qu’est devenu le Burkina Faso. Cette administration peut mieux faire,. elle a des potentialités qu’elle n’exprime pas encore totalement. Je souhaite donc qu’on trouve les moyens et les modalités pratiques, les astuces même, pour qu’elle s’élève au niveau des ambitions qui sont celles de notre pays, qu’il s’agisse du niveau de développement de notre économie ou du niveau de stabilité institutionnelle et politique".

Jean-Pierre Béjot
La Dépêche Diplomatique

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