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Obasanjo/Konaré : La politique politicienne contre le droit

Publié le mercredi 8 juin 2005 à 07h20min

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"Nulle et non avenue", c’est en ces termes que le chef de l’Etat
nigérian et président en exercice de l’Union africaine, Olusegun
Obasanjo, a qualifié la décision du patron de la Commission,
Alpha Omar Konaré de nommer Kenneth Kaunda, comme
envoyé spécial de l’Institution au Togo.

Obasanjo ne s’est même
pas plié au devoir de courtoisie qui sied en de telles
circonstances, pour interpeller Konaré.

Au grand jour, les
dissonances à propos du pays de Eyadema s’étalent à la tête
de l’organisation panafricaine. Et pourtant, Konaré semble être
dans ses droits en désignant l’ancien président zambien pour
tenter une médiation entre les politiques togolais, vu que
l’élection présidentielle n’ a pas résolu complètement la crise
qui secoue le Togo.

Mais Obasanjo n’a pas tenu compte des
statuts de l’Union africaine, ni ceux du Conseil de paix et de
sécurité qui avait entériné le 27 mai dernier la décision qu’il
conteste
Pour lui, il faut faire avec les imperfections et jeter les bases
d’un nouveau Togo avec le président élu Faure Gnassingbé. Ce
faisant, c’est sur les opposants qu’il met la pression pour
rejoindre le gouvernement d’union nationale.

Si le président
nigérian a publiquement désavoué Alpha Omar Konaré le 3 juin
dernier, ce n’est probablement pas sans le soutien du syndicat
des chefs d’Etats africains. Au risque de remettre en cause la
crédibilité de l’Union africaine au moment où elle doit relever de
nombreux défis, les politiciens ont décidé de sacrifier les
intérêts du peuple togolais et sa soif d’une réconciliation
véritable.

A travers le geste de Obasanjo, il serait difficile
d’occulter les ambitions diplomatiques du Nigeria. Ce pays est
l’un des prétendants aux deux postes réservés à l’Afrique au
sein du Conseil de sécurité de l’ONU.

Si l’ancien président
zambien, Kenneth Kaunda qui est en dehors des querelles de
leadership et qui ne peut être suspecté de parti pris, réussit à
faciliter le dialogue entre les protagonistes, son succès pourrait
ternir l’aura politique de Obasanjo dans la sous-région ouest
africaine, surtout déjà qu’un autre Sud-Africain Tabo Mbeki a
relativement réussi sa médiation en Côte d’Ivoire, un terrain sur
lequel le Nigeria a montré ses limites.

En clair, le poste de
président de l’Union africaine pourrait lui servir de strapontin
dans son entreprise et certainement pour cela, il a affirmé qu’il
refuse d’être un "président ratificateur". Si donc pour accéder au
Conseil de sécurité de l’ONU, le Nigeria ne craint pas de
fragiliser l’organisation panafricaine, quelle Afrique pourrait-il
défendre si son ambition était atteinte ?

Au-delà du seul cas du Togo, le président nigérian a pris un
risque considérable qui pourrait porter atteinte à la construction
africaine. Et cela repose bien évidemment le problème
congénital des points de convergence. Contrairement aux
européens qui ont défini des critères, les africains se sont
embarqués sans véritables préalables.

Aujourd’hui, les
divergences que l’on observe sur des sujets préoccupants sont
la conséquence de l’inexistence de principes clairs et du non-
respect de certaines clauses.

Finalement, on se demande ce que veulent les Africains.
Jusque-là, il est difficile d’imaginer ce que l’Union africaine
compte apporter aux peuples en terme de positionnement du
continent dans le monde. La résolution qui veut que les
problèmes africains soient résolus par eux-mêmes, est certes à
l’expérimentation dans plusieurs pays.

Mais si cela doit, par
exemple, impliquer l’imposition du point de vue des chefs d’Etat
au président de la Commission, alors ce sont les intérêts des
peuples qui seront de moins en moins défendus. Des
populations qui, par ailleurs, n’ont jamais été associées à la
construction de l’Union africaine.

En cela, il faut appeler les
présidents à ne plus mettre à l’écart du processus leurs
citoyens. Ce faisant, la construction de l’Afrique ne devrait plus
seulement se faire au sommet mais devenir l’affaire de tous ses
fils.

Les conséquences de la crise de confiance entre Olusegun
Obasanjo et Alpha Omar Konaré doivent être tirées au plus vite
pour essayer de corriger les problèmes de communication.
Dans ce sens, il faut déjà saluer la sagesse du président de la
Commission, qui tout en mettant la balle à terre, tient à
reprendre langue avec le chef de l’Etat nigérian.

Mais le plus dur
à faire sera au niveau des dirigeants africains. Ils ne doivent pas
plomber les ailes de l’ambition panafricaniste en mettant en
avant leurs intérêts personnels géostratégiques et
diplomatiques pour faire plaisir à leurs mentors. Encore une
fois, ce sont les pays riches qui vont se frotter les mains en
voyant les Africains s’entre-déchirer.

Le Pays

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