Vol Air Burkina du 10 Juillet 2016 reliant Ouaga à Bamako : Des passagers disent avoir frôlé le pire
Ceci est une lettre adressée au ministre de transports par un groupe de passagers de la compagnie Air Burkina, suite aux difficultés qu’ils ont connues au cours de leur vol du 10 juillet 2016.
Nous, passagers du Vol Air Burkina 2J 0512 B du 10 Juillet 2016 ayant effectué le parcours Ouaga-Bamako, sollicitons de votre haute bienveillance une interpellation de structures dont les activités relèvent de votre Département en vue d’obtenir des explications sur les conditions du Vol ci-référencié. Nous souhaitons avoir des explications sur la gestion technique et opérationnelle ainsi que sur les conditions du Vol cité en référence. Les conditions météorologiques étaient-elles favorables ? La Tour de contrôle en avait-elle tenu compte ? Le pilote et son équipage en étaient-ils informés ? Avaient-ils obtenu l’autorisation de décoller en dépit de la menace météorologique ? Le pilote a-t-il pris sur lui la responsabilité de décoller sans l’aval de la Tour de contrôle ? Autant de questionnements fondés et légitimes au regard du sentiment de légèreté qui a entouré le déroulement de ce Vol qui a exposé inutilement des dizaines de vies humaines d’autant plus que ni le pilote ni son équipage n’ont annoncé au préalable comme cela est de routine, les conditions météorologiques défavorables avec l’éventualité de très fortes turbulences pouvant mettre en danger la vie d’autrui.
Monsieur le Ministre, un retour sur quelques détails vécus lors du voyage permettra de mieux comprendre la teneur et les fondements de notre protestation suite à l’extrême gravité des risques encourus par les passagers au regard des décisions homicidaires prises par la chaine de gestion techniques de ce Vol. Ce qui a été encore plus choquant, c’est le silence radio du pilote qui n’a ni annoncé les turbulences, ni présenté ses excuses aux passagers que nous considérons désormais comme des miraculés au regard des informations recueillies après l’atterrissage du Vol.
D’abord les conditions météorologiques défavorables. Le départ du vol Air Burkina pour Bamako était prévu pour 17h15 avant d’être reporté à 19h45 sans qu’une explication satisfaisante n’ait été donnée. Au départ, les conditions météorologiques étaient des plus défavorables. Les vents étaient violents et les nuages impressionnants. Ces conditions météorologiques extrêmes se sont accompagné de fréquents épisodes de pluies intenses.
L’autorisation du décollage a été pourtant donnée par la tour de contrôle malgré la turbulence des conditions météorologiques. On se demande si les agents de service n’ont pas oublié momentanément la rigueur qui doit guider l’aiguilleur dont l’erreur peut être préjudiciable et aux conséquences irréparables.
Monsieur le Ministre, l’autorisation du vol était d’autant plus risquée qu’il semblerait que l’aiguilleur malien n’a pas autorisé le retour de Bamako sur Ouaga. Outre les deux heures d’attentes auxquelles a été astreint le vol, l’avion aurait été détourné vers Bobo Dioulasso, empruntant le couloir de Mopti. Dans une même attitude prudentielle, Air France aurait choisi d’aller atterrir à Abidjan plutôt qu’à Ouagadougou en raison des conditions météorologiques défavorables.
Ensuite, la pénibilité du voyage. Les premiers désagréments se sont fait sentir dès l’abordage de la piste de décollage. L’avion a tangué à plusieurs reprises avant d’amorcer son envol. Les trente premières minutes du vol ont été les pires moments du voyage avec les difficultés de l’appareil à se stabiliser. En effet, se sont multipliés les décrochages dont deux auraient pu précipiter l’appareil vers le sol, occasionnant un nouveau crash en saison hivernale. Les cris stridents des femmes, ceux d’une petite fille embarquée sans accompagnant à bord auxquels sont venus s’ajouter ceux des hommes au deuxième décrochage, laissaient croire à la fin de notre aventure humaine. Heureusement cette fois, la miséricorde divine a certainement été la cause de notre protection. On ne pouvait en ces moments s’empêcher d’avoir une pensée pieuse pour les 116 victimes (dont 110 passagers) du crash d’Air Algérie AH5017 reliant Ouagadougou à Alger un certain 24 juillet 2014 dont les dysfonctionnements ont été confirmés dans le rapport préliminaire d’expertise judiciaire du 31 mai 2016 sur l’accident de l’avion. Il reste de toute évidence, qu’au regard de ce qui nous est arrivé, nous partageons avec les familles éplorées « l’insuffisance de la vérification de la météo » par les services techniques compétents.
Au regard des développements précédents, nous exigeons ce qui suit :
des explications du Directeur de l’ASECNA sur les conditions et les raisons qui ont conduit à l’autorisation du Vol ;
des explications de la Compagnie Air Burkina sur la gestion technique et opérationnelle du Vol ainsi que sur son déroulement ;
les excuses officielles par voie écrite d’Air Burkina et de l’ASECNA à tous les passagers dudit Vol ;
la sanction des agents impliqués dans la gestion technique et opérationnelle du Vol à savoir l’aiguilleur de service et le commandant.
Nous nous réservons le droit, sur le fondement du droit positif et de la jurisprudence, de demander une réparation des souffrances physiques ou morales endurées durant le vol, du fait de la négligence des structures impliquées dans la gestion de notre vol. Nous nous réservons aussi le droit, en fonction du traitement qui sera réservé à notre lettre de demande d’explications, de porter éventuellement plainte pour mise en danger de la vie d’autrui. Pour l’heure, il nous plaît de rappeler que la Cour de cassation française a déjà affirmé que « par l’indemnisation du prix de la douleur, sont réparées, non seulement les souffrances physiques, mais aussi les souffrances morales » (Civ. 2, 5 janvier 1994, n° de pourvoi : 92-12185).
Veuillez recevoir, Monsieur le Ministre, nos distinguées salutations.
SIGNATAIRES
Pr Stanislas OUARO, Président Université Ouaga II
Pr Georges SAWADOGO, Président Université de Koudougou
Dr Roger NEBIE, Délégué Général du CNRST
Pr Théodore TAPSOBA, Vice-Président Université Bobo Dioulasso
Pr Antoine BERE, Université Ouaga I Pr Joseph Ki-Zerbo
Pr Serge BAYALA, Directeur Général du CENOU
Pr Idrissa OUEDRAOGO, Université Ouaga II
Pr Séni Mahamadou OUEDRAOGO, Université Ouaga II
Pr Abdoulaye SOMA, Université Ouaga II
Me Salifou DEMBELE, Avocat à la Cour d’appel de Ouaga
M.Zakari LIRE, Directeur du Centre de documentation du CAMES