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L’humeur de Sayouba Traoré à propos du livre : On va me dire, encore le livre ?

Publié le jeudi 10 novembre 2022 à 20h43min

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L’humeur de Sayouba Traoré à propos du livre : On va me dire, encore le livre ?

Hé oui ! Je défends le livre. Et je défendrai toujours le livre. Parce que j’y crois fermement. Celui qui lit nourrit son esprit et domine celui qui ne lit pas. Ça, c’est d’un. De deux, c’est à nous Burkinabè de parler de notre pays au monde. Et ce boulot, c’est à travers toutes les expressions artistiques possibles.

On n’a pas le choix. Personne ne lira pour nous. Personne ne fera la promotion de notre pays à notre place. Il faut donc soutenir le livre. Regarder les acteurs du livre se battre tout seuls sans résultat tangible est un gaspillage impardonnable.

Et je ne le dis pas pour le plaisir. Regardons froidement ce qui se passe actuellement ! L’histoire se passe au Burkina Faso. L’artiste qui écrit est Burkinabè. Qu’est-ce qui se passe en réalité ? Si tu édites un livre au Burkina Faso, l’éditeur a les pires difficultés pour la distribution. Même tes parents ne songent pas à acheter ton livre pour t’encourager. On attend que tu offre ton livre cadeau.

Moi, je demande souvent : "quand tu vas au maquis, est-ce que tu demande à boire et à manger cadeau ?". L’écrivain a travaillé six mois pour rédiger un texte. L’éditeur a mis son argent, mobilisé ses équipes, pour fabriquer le livre. Et quelqu’un est assis et attend qu’on lui offre ce produit gratuitement. L’auteur, la maison d’édition, l’entreprise d’imprimerie, les libraires, tous ces gens ils vont manger quoi ? Vos remerciements ? C’est avec vos remerciements qu’ils vont payer leur loyer et nourrir leur famille ? Quand vous allez au stade ou au concert, est-ce qu’on vous laisse entrer gratuitement ?

Il reste une solution à un écrivain. Éditer à l’étranger. C’est là-bas que le livre est soutenu. C’est là-bas que tu as des lecteurs qui vont ACHETER et LIRE ton livre. Ceux qui sont au Burkina Faso auront les mille difficultés pour se procurer ce livre. Résultat : c’est nous-mêmes qui créons et entretenons la dépendance dans le domaine du livre.

Des artistes musiciens m’ont dit que c’est pareil, sinon pire, dans le domaine de la production musicale. Faire sortir ton disque au pays, si tu n’as pas un bon agent, c’est un enclavement. La réalité, c’est nous-même et personne d’autre qui entretenons la dépendance.

Notre système actuel étrangle le livre et tous les acteurs du livre. J’ai été ahuri par le nombre de manuscrits qui dorment dans des tiroirs au pays. C’est-à-dire que nous avons la matière première. Et tout le monde s’en fout. On va dépenser pour soutenir un club de football qui se trouve à des milliers de kilomètres. Ces joueurs (Messi, Mbappe, Ronaldo ou autres), tu ne les verras jamais dans ta vie. Soutenir tes propres écrivains, non ! C’est quoi ce délire ?

Et apres ce je m’enfoutisme criminel, on se lève, on tape la poussière sur les fesses, et on accuse les autres. Accuser les autres, ça, nous sommes très forts. Mais il ne faut pas nous demander de se bouger le cul.

Sayouba Traoré
Journaliste, écrivain

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Vos commentaires

  • Le 11 novembre 2022 à 07:46, par Ed51 En réponse à : L’humeur de Sayouba Traoré à propos du livre : On va me dire, encore le livre ?

    Le livre va mal partout car plus personne ne lit à cause d’Internet qui demande moins d’efforts suivis et les gens considèrent que tout doit être gratuit.
    Tous mes encouragements à l’auteur et avec le temps, le livre arrivera chez les lecteurs pour faire son chemin.

  • Le 11 novembre 2022 à 08:19, par sidsomde En réponse à : L’humeur de Sayouba Traoré à propos du livre : On va me dire, encore le livre ?

    Si c’est Sayouba TRAORE du "LE COQ CHANTE" qu’il me dise où je peux trouver son livre pour acheter.
    Ce Monsieur, je croyais qu’il n’allait pas accepter vivre au BURKINA.

    • Le 11 novembre 2022 à 12:16, par Sayouba Traoré En réponse à : L’humeur de Sayouba Traoré à propos du livre : On va me dire, encore le livre ?

      Je ne comprends pas la fin de votre commentaire. Si vous voulez, parions ! Je suis persuadé que je connais le territoire du Burkina Faso mieux que vous. Ouagadougou, je dis pas. Pour circuler dans la capitale, on doit m’accompagner. Les régions, toutes les régions, ça m’étonnerait que vous puissiez m’apprendre quelque chose. Je prends le risque. Même dans votre région d’origine, c’est moi qui vais vous servir de guide. Attention aux stéréotypes, cher frère !

  • Le 11 novembre 2022 à 10:28, par kwiliga En réponse à : L’humeur de Sayouba Traoré à propos du livre : On va me dire, encore le livre ?

    Bonjour Sayouba Traoré,
    Ha oui, mais c’est cher dèh !
    Pour un bon livre, faut compter entre quatre et douze bonnes Sobbra bien tapées de chez Monsieur Castel.
    Et puis quand je lis, je réfléchis et j’ai mal à la tête, tandis que quand je bois la bière de Monsieur Caste, j’ai également mal à la tête, mais je ne réfléchis pas et je peux me sentir fier de mon pays intègre, panafricaniste et tout plein d’autres choses qui me font oublier mon impuissance et la condition misérable de mon peuple,... et puis après, je dors.
    Bon, sinon, sans rire, contrairement à vous, je lis essentiellement pour mon plaisir (sauf peut-être certains commentaires sur ce forum) et si l’on devait me priver de ce plaisir, j’en concevrais un profond désespoir.

    • Le 11 novembre 2022 à 19:58, par Sayouba Traoré En réponse à : L’humeur de Sayouba Traoré à propos du livre : On va me dire, encore le livre ?

      Moi, j’écris. C’est ça mon boulot. Le montage et la fabrication du livre, c’est l’éditeur et l’imprimeur. La diffusion, c’est le libraire. C’est cher, c’est pas cher, c’est pas l’auteur qui décide. 6 mois de boulot payé 4000 francs CFA. Et vous trouvez que c’est cher ? Où vous allez trouver un travailleur que vous allez salarier 4000 francs pour 6 mois de travail ?

  • Le 11 novembre 2022 à 11:15, par Alph@2025 En réponse à : L’humeur de Sayouba Traoré à propos du livre : On va me dire, encore le livre ?

    Voilà un écrit à la pertinence indiscutable, mais qui laisse tout le monde silencieux. Si les mots-clés "France" ou "Russie" y figurait, il y aurait eu depuis une dizaine de réactions, peut-être plus. Mon frère TRAORE, je partage entièrement ton point de vue, et sans te faire atalakou, je te dis que je me délecte de tes écrits. Mais je partage ici un problème que je ne suis certainement pas le seul à me poser : nous tous avons été en son temps façonnés par la lecture assidue de livres d’auteurs d’origines divers. Et nous avons pu mesurer les bienfaits de la lecture (celui qui lit n’assimile pas directement , il analyse et critique en même temps) ; Comment intéresser la jeunesse à la lecture ? Mes enfants et petits enfants sont tout le temps collés à l’écran de la télévision ou de leur smartphone, à ingurgiter des contenus qui formatent leur esprit et annihilent leur sens critique. Et ils baillent à s’en décrocher la mâchoire dès qu’on leur met un livre entre les mains. Je suis persuadé qu’une partie des problèmes que nous vivons en ce moment vient de ce fait. Que faut-il faire ? Faut-il réinventer le livre ? Faut-il créer des contenus moins abrutissants pour la télévision, les tablettes et les ordinateurs ? La jeunesse a en ce moment, un outil d’une puissance inouïe ! L’internet. Comment l’orienter à exploiter positivement cet outil au lieu de se contenter à s’abreuver des contenus qui ne leur servent pas à grand-chose ? Je lance la réflexion, mais je n’ai pas la réponse. Que ceux qui peuvent contribuer à la solution le fassent, pour le bien de tous.

    • Le 12 novembre 2022 à 08:46, par kwiliga En réponse à : L’humeur de Sayouba Traoré à propos du livre : On va me dire, encore le livre ?

      Bonjour Alph@2025,
      J’aimerais amener ma modeste contribution à votre passionnant questionnement, que je partage également et qui occupe une partie des échanges que j’ai avec quelques amis bibliophiles.
      Le problème de la littérature, c’est que ça se mâche doucement, avec application, contrairement aux écrans, qui sont comme une bouillie prémâchée, que l’on déverse directement dans votre bouche ouverte.
      L’autre difficulté étant également, un peu partout dans le monde, et particulièrement chez nous, qu’à travers le fonctionnement du système scolaire, le livre n’est conçu que comme une contrainte.
      Donc, pour en venir aux approches pédagogiques :
      - Bien choisir les ouvrages en fonction, bien entendu du niveau des enfants, mais surtout de leurs goûts, de leurs passions. Pour exemple, même si tel livre sur le foot, vous semble parfaitement inepte, s’il peut servir à sensibiliser à "donner le goût" de la lecture, n’hésitons pas à l’utiliser.
      - La bande dessinée peut être une première étape vers la lecture d’ouvrages plus complexes, certaines d’entre-elles regorgeant de contenus éducatifs.
      - Il existe quantité de jeux, de moyens et de méthodes qui reposent sur le ludique, qui peuvent à la fois servir de vecteur d’initiation à la lecture et vont créer du lien de par l’implication de l’adulte.
      Ce canal ludique étant essentiel dans le développement physique, mais également intellectuel, social et psychique de l’enfant est malheureusement trop sous-estimé.
      Et sans doute bien d’autres chose, mais ça demande de se casser la tête, du temps, de la patience,... bon courage.

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