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Politique éducative et politique linguistique en Afrique : un Burkinabè consacré au Sénégal

Publié le mardi 9 décembre 2003 à 12h32min

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"Politique linguistique : enseignement du français et valorisation des langues nationales en Afrique, cas du Burkina Faso". C’est le thème d’une thèse de doctorat que vient de soutenir avec la mention Très honorable, un professeur burkinabè : Maxime Z. Somé.

Une recherche qui appréhende l’éducation bilingue, comme une alternative, face aux 25% du budget consacré à l’éducation au Burkina, avec un taux de scolarisation insuffisant et des échecs scolaires importants.

Dans la quasi-totalité des pays de l’Afrique subsaharienne, le système éducatif est très sinistré. Dans des pays, les tensions internes ou régionales ont aggravé cette situation. Ainsi, nous avons des classes surchargées, des maîtres en nombre insuffisant ou insuffisamment formés.

Constat d’un chercheur burkinabè, M. Maxime Z. Somé. Chose que vient confirmer une enquête réalisée par la CONFEMEN, en 1991 et qui montre un total échec de la francisation de l’Afrique subsaharienne.

Résultats ?

96% des enfants scolarisés emploient le français à l’école avec le maître. 48% des enfants emploient le français hors classe avec les camarades. 20% des élèves emploient le français avec le père. 10 % des élèves emploient le français avec la mère. Ces faits troublants, ce constat terrifiant ont amené M. Maxime Z. Somé, chercheur burkinabè, à y consacrer sa thèse de doctorat d’Etat. D’autant plus qu’affirme-t-il, "malheureusement, le discours officiel çà et là, a contribué à entretenir une confusion. La langue est incluse dans la culture. Ainsi, de nombreux discours présentent le français comme lieu de rencontres des cultures. Ce qui provoque une fâcheuse conséquence : beaucoup de gens croient que le dialogue des cultures se fait en français. Or, (...) les langues sont à la fois produits des cultures et également des outils privilégiés des cultures. Par conséquent, le respect des langues entraîne de facto, le respect et la promotion des cultures et non l’inverse..."

Au-delà de ces constats de chercheur, de ces faits troublants, la thèse de M. Somé a été menée sur la base de trois questions.

Comment se fait la gestion du multilinguisme dans le cas du Burkina ?

Comment se présentent les obstacles objectifs et subjectifs aux politiques linguistiques et quelles sont les perspectives anthropologiques ?

Les langues nationales d’abord... le français ensuite

Enfin, comment peut-on mettre en place un enseignement bilingue qui pourrait ambitionner de scolariser l’ensemble des enfants dans un pays francophone du Sud ?

La méthode de travail de ce chercheur burkinabè a été fondée sur l’analyse des binômes suivants : la langue et la culture, la langue et le développement, les langues et les politiques éducatives, l’enseignement de la langue (langue première ou langue africaine et langue seconde ou le français).

Cette démarche lui a permis d’aboutir à des conclusions sur les plans pédagogique, didactique, psychologique et économique.

Concrètement, M. Maxime Z. Somé propose que les pays d’Afrique au sud du Sahara adoptent le système d’enseignement bilingue, et de manière harmonieuse et progressive.

La langue première de l’enfant sera dès lors, privilégiée à la maternelle et à l’école primaire, par le jeu du 90%, 80%, 50%, 20%, 10%.

Ensuite, le français, langue seconde pour ce qui concerne des pays comme le Burkina, sera introduit progressivement (10%, 20%, 50%, 80%, 90%). Ces conclusions de M. Somé trouvent leurs fondements dans quatre raisons :

- pédagogique : on décloisonne l’enseignement qui sera appréhendé dans sa globalité ;

- didactique : le maître s’appuie sur les acquis pour faciliter l’apprentissage de la langue seconde, le français ;

- psychologique : dans les campagnes d’alphabétisation, la langue africaine est en réalité un parent pauvre. Or dans le système de bilinguisme scolaire équilibré, la langue africaine bénéficiera d’une considération à l’intérieur du système. Ce n’est pas un bilinguisme conflictuel, mais un bilinguisme attractif sans aucune forme d’aliénation.

- économique : l’enseignement unilingue est coûteux pour les pays francophones du Sud et les résultats sont globalement décevants (taux de scolarisation, taux d’échec). L’introduction de l’enseignement bilingue ne va pas entraîner l’augmentation des dépenses, ni une surcharge de travail. Bien au contraire, il va provoquer une baisse de l’âge de la scolarisation et la durée de la scolarisation au primaire. Egalement accompagneront la réduction des échecs, celles des dépenses. Ces économies pourraient être réaffectées pour assurer la scolarisation de tous les enfants.

Les conclusions du chercheur burkinabè semblent aller dans le sens de la réflexion qui commence à prendre forme sur le continent : mieux gérer, mieux maîtriser les ressources, compter sur les capacités africaines et nationales, faire de l’accès à l’éducation de tous les enfants africains, une priorité.

Pédagogique : Maxime Z. Somé revendique le droit d’utiliser les langues africaines dans le système éducatif, sans que cela ne soit lié à une option politique, voire idéologique. Car c’est pour lui, "d’une part, des impératifs de psychopédagogie, de psychologie des apprentissages et d’autre part, des impératifs de bonne gouvernance et de sauvegarde du patrimoine, notamment des langues et des cultures qui imposent des choix à l’Afrique...".

Ibrahiman SAKANDE
Email : ibra.sak@caramail.com


Qui est Maxime Z. Somé ?

Il est Burkinabè comme son nom l’indique d’ailleurs, mais il est né au Sénégal. Professeur certifié de lettres modernes et docteur d’Etat ès lettres, il enseigne en région parisienne. Directeur de la revue RECLA-Recherche sur les civilisations, langues et littératures d’Afrique, ses recherches portent d’une part, sur l’enseignement du français et la valorisation des langues africaines dans le système éducatif en Afrique et d’autre part, sur la place des NTIC pour sauvegarder les langues et cultures africaines.

I. SAKANDE


Mention Très honorable

C’est le 25 octobre 2003 de 9h à 13h à la Faculté des lettres et sciences humaines de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar qu’a été soutenue publiquement la thèse de Doctorat d’Etat ès lettres sur le thème "Politique linguistique : enseignement du français et valorisation des langues nationales en Afrique ; cas du Burkina Faso", devant le jury qui était composé comme suit :

• Président : Pr Moussa Daff, rapporteur, université Cheikh Anta Diop de Dakar, Sénégal

• Membres :

- Pr Francis Marie Gandon, rapporteur, Directeur de la thèse, Université de Caen, France ;

- Pr Modou N’Diaye, rapporteur, Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Sénégal ;

- Pr Dakha Dème, membre, Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Sénégal ;

- Pr Pape Alioune Ndao, membre, Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Sénégal.

Dans ce cadre de l’université de Dakar, après avoir été soumis 4 heures d’horloge durant tour à tour aux questions de chaque membre du jury, celui-ci a déclaré Maxime Somé digne du Grade de Docteur d’Etat ès Lettres avec la mention très honorable et son travail digne de servir de référence, de faire l’objet d’une publication.

L’amphithéâtre de l’EBAD a connu une importante affluence. L’Association des Burkinabè de Dakar a mobilisé à cette occasion, nos compatriotes qui sont venus très nombreux pour soutenir le candidat. On pouvait noter les présences remarquées de M. Justin Damo Barro, vice-gouverneur de la BECEAO et de MM Michel Ouédraogo, ministre-conseiller, Francis Medah, deuxième conseiller qui ont représenté Mme Salamata Sawadogo, ambassadeur empêchée.

Après cette soutenance, la version livre de la thèse (version allégée) est parue aux Editions l’Harmattan à Paris sous le titre : "Politique éducative et politique linguistique en Afrique".

I. SAKANDE
Sidwaya

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