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Air Burkina : Pannes d’avion, grève des travailleurs, développement ; les révélations du DG

Publié le mercredi 23 février 2005 à 07h04min

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"Je n’ai rien à a jouter. Je constate seulement que vous avez une bonne connaissance de l’aérien, ce qui m’a permis d’avoir une bonne discussion avec vous". Ce fut la conclusion de Mohamed Ghelala le directeur général de Air Burkina à la fin de notre entretien avec lui le lundi 14 février 2005.

La compagnie du "bon voisinage" qui a "bouffé" quelque trois directeurs en moins de trois ans a choisi de voler dans le ciel des "grands" et cela n’est pas sans difficulté. Pourtant Air Burkina arrive à le faire, depuis le 17 novembre 2004 avec la desserte de Paris. Cette nouvelle corde qui vient de s’ajouter à l’arc de Air Burkina lui donne l’opportunité de consolider sa notoriété acquise dans le périmètre aérien sous-régional.

Mais les problèmes, Air Burkina en connaît aussi, même si Mohamed Ghelala s’enorgueillit de la qualité de ses collaborateurs et de tous les employés de la compagnie aérienne burkinabè. Malgré quelques pannes , "Air Burkina, c’est la sécurité". Entretien avec le DG de Air Burkina.

"Le Pays" : Comment se porte Air Burkina après pratiquement 4 ans de privatisation ?

Mohamed Ghelala (DG Air Burkina) : Depuis la privatisation, il y a eu toute une période de mise à niveau qui a concerné tout autant les outils que le personnel de la compagnie. Il fallait sortir Air Burkina de son isolement. C’est ainsi que nous sommes actuellement membre de l’AFRA, association de compagnies aériennes africaines. Bien qu’étant considérée comme une toute petite compagnie, nous sommes même membre du comité exécutif qui compte 12 compagnies.

Air Burkina est également membre de l’Association des Compagnies francophones et a été l’initiatrice du Conseil permanent des transporteurs aériens de la zone de l’UEMOA qu’elle préside en la personne de M. Mamadi Sanoh le président de son Conseil d’administration. Nous avons aussi signé d’importants accords avec les petites, les moyennes et les grandes compagnies. Nous bénéficions actuellement d’un capital de confiance exceptionnelle qui nous permet de faire de bonnes opérations ensemble.

Récemment du reste, nous avons signé un accord interline avec Air France, c’est-à-dire l’acceptation mutuelle des documents de transport. Cet accord, les grandes compagnies ne le donnent pas facilement, parce qu’il y a eu cette expérience malheureuse de compagnies surtout ouest-africaines qui ont été créées à la va-vite et ont disparu tout aussi rapidement, en laissant pas mal d’ardoises, pas mal de dettes. C’est une image négative qui nous pénalise à l’extérieur. Mais au niveau de la sous-région notre notoriété ne souffre d’aucun soupçon.

Air Burkina se porte donc bien, se développe et prend une nouvelle dimension. Depuis le 17 novembre 2004, elle va sur l’international. Nous n’avons certes que trois mois d’exploitation mais les résultats sont prometteurs. Aucune ligne n’est rentable dès la première année de sa mise en service or nous avons déjà des résultats satisfaisants et nous sommes vraiment optimistes. Nous avons un très bon retour d’information sur la qualité de notre produit sur l’international.

Parlant de développement, nous nous sommes équipés en matériel, en avion, et nous avons surtout recruté du personnel ce qui est un signe de bonne santé. Aujourd’hui, nous avons recruté 4 pilotes sur les 6 prévus que nous aurons d’ici la fin de l’année 2005. Nous avons recruté autant sinon plus que l’effectif des hôtesses et stewards que nous avions. Nous avons recruté 14 pilotes et commandants de bord alors que la compagnie en avait à peine une dizaine. Nous avons recruté du personnel au sol, soit environ 8 personnes.

Au niveau du service commercial et de l’escale nous avons aussi recruté. On ne saurait occulter le recrutement des techniciens. Dans la mesure du possible, et dans tous ces domaines spécifiques, nous avons essayé de recruter parmi le personnel en chômage de la compagnie Air Afrique (compagnie défunte, ndlr).

Contrairement à d’autres compagnies aériennes, Air Burkina bénéficie apparemment d’une bonne dose de confiance auprès de ses partenaires financiers et aéronautiques. Quel est votre secret ?

Il n’y a pas d’autre secret quand on a une bonne trésorerie, quand on est bon payeur et qu’on s’astreint à une bonne gestion. Il n’y a pas de miracle. Toutes les institutions s’observent , se contrôlent et Air Burkina est courtisée par nombre d’institutions financières. C’est normal et j’espère que cela va continuer.

L’ouverture de la ligne sur Paris a-t-elle été une entreprise difficile pour votre compagnie ?

Oui, l’ouverture de la ligne sur Paris a été difficile. Dans un premier temps, il y a les difficultés techniques. C’est d’abord le fait d’avoir les créneaux sur Paris. Pour la plupart des aéroports européens, il ne suffit pas d’avoir les droits de trafic, il faut avoir ce qu’on appelle les créneaux et ce sont les choses les plus difficiles a avoir. Aujourd’hui, un créneau se vend, se loue ou se prête. C’est l’une des choses les plus précieuses que peut avoir une compagnie aérienne.

Nous avons donc eu quelques problèmes à ce niveau, mais ils ont été résolus grâce à l’intervention prompte et énergique des autorités burkinabè qui nous ont réellement soutenus. Nous avons pu ainsi obtenir les créneaux dont nous avions besoin sur l’aéroport de Orly. Ensuite , cette ouverture de la ligne sur Paris a été une course contre la montre parce que nous nous étions engagés vis-à-vis des autorités pour cela. Nous avons commencé à discuter de la promotion de la ligne, à avoir l’avion, à négocier les contrats d’affrêtements deux mois avant l’ouverture de la ligne.

Normalement, une ligne, dans les règles de l’art, se prépare au moins une année à l’avance. et on débute la commercialisation au moins une saison à l’avance. Pour nous, l’ouverture de la ligne sur Paris a été une véritable course contre la montre au point que le jour du premier vol, on attendait toujours l’accord de survol de l’Algérie. On a eu ce feu-vert juste une heure avant, grâce à l’intervention de la Direction générale de l’aviation civile burkinabè. Maintenant, on avance raisonnablement et avec optimisme.

Maintenant que vous avez réussi à voler dans "le ciel des grands", quels sont les autres écueils auxquels vous êtes confrontés ?

Maintenant, nous évoluons dans un environnement concurrentiel encore plus intense. Dans le périmètre régional où nous sommes entre trois compagnies vraiment sérieuses, il y avait certes déjà la concurrence. Mais on a des rencontres appropriées au cours desquelles nous harmonisons nos horaires, essayons de nous entendre sur les tarifs, etc. Cependant, il y avait les prédateurs, c’est-à-dire, ces petites compagnies qui arrivent, bradent les tarifs, puis disparaissent. Maintenant, nous avons affaire à une concurrence d’une autre dimension et c’est là qu’il faut que nous continuons à nous meaintenir au niveau des "grands".

Quels sont les avantages pour votre clientèle, que Air Burkina desserve Paris ?

Au départ, nous proposons des tarifs abordables par rapport à d’autres concurrents. Nous avons une ponctualité bien appréciée de tous les clients. Nous avons un service qui n’a rien à envier à celui des "grands" . Nous oeuvrons même tous les jours en vu d’aller au-delà. Nous sommes capables, d’offrir encore de meilleurs services, de meilleurs prix, et le sourire en plus.

Avec cette évolution, les agents de Air Burkina bénéficient-ils de meilleures conditions de vie et de travail ?

Je ne suis pas mieux placé que les employés pour en parler, mais je crois que, bien qu’il y ait eu l’année dernière un petit mouvement de grève, à Air Burkina nous avons un bon dialogue. Avec les partenaires sociaux, nous essayons d’améliorer les conditions matérielles et celles de travail. A ce niveau, je crois que nous sommes en avance sur les autres secteurs. Nous avons signé avec les travailleurs et les délégués une convention qui va jusqu’à 2006. Nous nous sommes entendus sur le niveau des salaires. Cette convention sera renégociée en début de l’année 2007. Je peux dire que nous avons un bon climat social.

L’Airbus 319 que Air Burkina utilise pour desservir Paris, a-t-il été acheté ou est-ce de la location ?

Actuellement, en dehors d’une ou deux compagnies dans le monde qui achètent des avions parce qu’elles ont beaucoup d’argent, le reste ne le fait plus. Une compagnie comme Air France par exemple n’a que 30% de sa flotte en propriété. Le reste, c’est du leasing, c’est de la location longue durée. Plus personne n’immobilise l’argent pour acheter un avion. Un appareil comme l’A319 coûte tout de même 40 millions de dollars et une somme pareille, ce n’est pas facile à trouver.

Dans le cas de Air Burkina, ne trouvez-vous pas qu’il y a trop d’intermédiaires qu’il faut rémunérer et que cela reviendrait finalement moins cher d’acheter un avion que de le louer ?

Dans le paysage de l’aérien, il y a les grands, les moyens et les petits intermédiaires. On peut citer CIT, GECAS, GATX, Debis Air Finance, ILFC, Babcock and Brown, etc. Parmi eux il y a en qui achètent et il y a qui servent d’intermédiaire pour les investisseurs. Si un banquier achète par exemple un avion et comme ce n’est pas son métier, il ne va pas le louer de lui-même. Donc, il le fait faire par quelqu’un d’autre.

C’est là qu’il y a les intermédiaires et quand les compagnies ont besoin d’avions, elles s’adressent à ceux-ci, pour avoir des leasings de longue durée. GECAS par exemple achète chez Boeing et chez Airbus et fait de la location. C’est devenu un métier et il en est de même chez CIT. Les intermédiaires ce sont des courtiers. C’est un métier de l’aérien qui existe et est reconnu comme tel.

On ne peut pas dire qu’il y a beaucoup d’intermédiaires dans le cas de la location. Il y a un intermédiaire à qui on s’adresse. Dans notre cas, nous avons consulté beaucoup de monde et en short-list (liste restreinte, ndlr) nous avons eu l’offre la plus intéressante qui est celle de Babcock qui proposait l’A319 que nous avons actuellement. Les intermédiaires sont incontournables. Contrairement à l’idée répandue, on ne peut pas aller tout seul louer un avion sur le marché. Je crois donc qu’il y a une petite incompréhension sur le rôle des loueurs.

Il faut tout de même reconnaître que cette option de location choisie par Air Burkina a poussé des compagnies dans les difficultés, voire à disparaître. Air Burkina ne risque-t-elle pas de rencontrer les mêmes problèmes ?

Je ne pense pas. C’est immobiliser l’argent - il faudrait déjà en avoir - qui aurait conduit à des difficultés. Le choix que nous avons fait et qui est judicieux, c’est de disposer d’un avion et pouvoir l’exploiter sans immobiliser de l’argent. Je ne pense pas qu’on aurait des difficultés si on fait bien marcher la ligne. Pour la première année on aura l’accompagnement d’une compagnie aérienne qui doit nous assister. Nous sommes assistés par Aéro-service et c’est dans le cadre de cette assistance, que le transfert se fera progressivement.

La mise en service de l’A 319 sera prise en charge progressivement par Air Burkina à tous les niveaux. Actuellement nous avons des pilotes qui sont en formation à un stade avancé puisqu’ils vont commencer leur adaptation en ligne au mois de mars. Des hôtesses et stewards sont également actuellement en adaptation ; ils sont embarqués selon une formule qu’on appelle personnel complémentaire de bord. Cela fait à tout ce beau monde une très bonne formation car la formation n’est pas que théorique mais aussi pratique.

Au niveau de la maintenance également, nous avons formé un premier groupe et je suis sûr qu’un jour, nous arriverons à maîtriser l’A319 comme nous maîtrisons actuellement notre Fokker. Nous avons un personnel technique fantastique qui maîtrise parfaitement cet appareil à tel point que nous sommes sollicités par d’autres compagnies qui ont des Fokkers pour que nous leur fassions des réparations, des visites, etc. C’est également une preuve de bonne santé de la compagnie.

N’auriez-vous pas économisé beaucoup d’argent en formant votre propre personnel avant le lancement de la desserte de Paris ?

Comme je l’ai souligné plus haut la décision d’ouvrir la ligne sur Paris a été une course contre la montre. On s’est engagé à lancer le vol avant le Sommet de la Francophonie. C’était un challenge pour nous et nous l’avons relevé. De toutes les manières, quelle que soit la période de lancement, il nous fallait au départ une assistance. L’A319 c’est une autre technologie, un avion d’une autre génération que le Fokker. Il y a des compagnies qui se sont développées, mais si elles n’avaient pas reçu l’appui d’autres, elles ne seraient pas ce qu’elles sont aujourd’hui.

Nous, à Air Burkina, il n’y a aucun étranger en notre sein, à part moi, qui ne me considère d’ailleurs pas comme un étranger. Nous évoluons avec les gens de la maison, avec des Burkinabè. Mais il faut que le transfert se fasse progressivement et raisonnablement parce que nous sommes dans un secteur qui, je le crois, est le plus réglémenté dans le monde.

Vous avez sans doute raison de faire confiance à l’expertise locale. Cependant, nous remarquons que l’A319, n’est pas réellement aux couleurs nationales qui font la fierté des Burkinabè sur Air Burkina. On constate plutôt une nette dominance des inscriptions de Celestair ?

Je peux vous garantir qu’on n’assistera pas à la disparition des couleurs du Burkina sur les avions de Air Burkina. Personne n’acceptera cela. En quoi consiste le concept de Celestair ? Aujourd’hui, les "grands" de ce monde se mettent en alliance pour réussir, notamment dans l’environnement concurrentiel. Or nous les "petits" nous nous isolons et vivotons tout seuls. Comme nous l’avons toujours dit au niveau de l’AFRA, les petites structures n’ont aucune chance de survivre dans cet environnement concurrentiel.

On peut relever la disparition de grandes compagnies comme Sabena, Swissair, etc. Elles n’ont pas su résister, pourtant elles sont de taille autre que celle de Air Ivoire, Air Burkina, etc. L’idée de Celestair, c’est donc la création d’une alliance. C’est le nom de cette alliance qui pourrait regrouper les compagnies du groupe du Fond de développement de l’Aga Khan et également toutes es compagnies de la sous-région qui voudraient en faire partie. Ce groupe a des ambitions réelles au niveau de l’aérien.

J’espère que très bientôt la nouvelle compagnie malienne rejoindra cette alliance et peut-être que d’autres compagnies de la sous-région la rejoindront également. C’est cela le concept de Celestair. Ce n’est ni le nom ni le logo d’une compagnie et nous avons intérêt à nous mettre ensemble comme les "grands" qui tirent grand profit de leurs différentes synergies. Sinon nous ne pourrons jamais tenir le coup face à eux.

Cela fait maintenant 4 ans pratiquement que Air Burkina a été cédée au groupe Aga Khan mais en dehors de la desserte de Paris, il n’y a pas eu de changement ostensible, tant au niveau de la flotte que de nouvelles lignes dans la sous-région. Y a-t-il des goulots d’étranglement quelque part ?

Faut-il étendre le réseau ou consolider d’abord celui sur lequel nous sommes ? La priorité c’était de ne pas foncer tête baissée. Dans tout développement, il y a un risque et nous, nous avons opté pour la consolidation du réseau traditionnel de Air Burkina. A un moment donné, nous étions à 8 fréquences par semaine sur Abidjan.

Maintenant, avec la crise, nous sommes handicapés par la chute du trafic qui nous fait perdre en moyenne 1500 passagers par mois, sans occulter le fait qu’il y a la pression de l’Aviation civile ivoirienne qui nous bloque pratiquement à 5 fréquences. J’espère, non seulement pour la compagnie Air Burkina, mais pour toute la sous-région, que la situation retournera bien vite à la normale en Côte d’Ivoire. En attendant, nous avons consolidé nos relations sur Lomé et Cotonou et actuellement nous y allons cinq fois par semaine.

On a même aligné l’A319 sur ces deux villes. Nous avons également développé la relation sur Bamako et Dakar avec même des vols directs sur ces deux villes, en acceptant de limiter, en ce qui concerne le direct sur Dakar, notre chargement, puisque le Fokker ne nous permet pas à pleine charge de faire ce direct. On prend donc uniquement 60 passagers pour pouvoir faire le direct à la satisfaction de notre clientèle.

Il fallait donc que nous consolidions d’abord notre réseau et organiser de manière rassurée des correspondances, c’est-à-dire une auto-feeding en quelque sorte. Nous avons également réorganisé ce réseau pour alimenter Paris dans les deux sens. Pour le moment il faudra qu’on oeuvre à consolider Paris aussi et penser par la suite à d’autres développements. Mais raisonnablement, dans tout développement, il faut minimiser le risque au maximum.

Dans un an environ, le monopole octroyé à Air Burkina sur le plan national arrivera à expiration. Etes-vous en mesure de nous dresser une sorte de bilan ?

Je souligne que le monopole ne concerne pas la concurrence étrangère mais seulement toute celle qui pourrait être nationale. C’était normal. Il fallait que nous soyons rassurés par rapport à la concurrence nationale pour la simple raison que durant ces années, on a pensé uniquement à la mise à niveau et à la consolidation. En contrepartie, nous demandions qu’on puisse nous permettre de travailler dans la sérénité et mener à bien cette barque. Mais nous n’avons pas peur de la concurrence. Bien au contraire, on se sent bien dans cet "open sky" (ouverture du ciel, ndlr) géré par les Accords de Yamoussoukro. Personnellement, je n’ai rien contre la concurrence et je préfère même être dans un milieu où elle joue à 100% que d’être dans un milieu protectionniste. On n’a réellement pas de problème.

Il semble que sur le plan national, on assistera à la fermeture de l’escale de Bobo-Dioulasso et que dans la sous-région, on verra également la disparition de certaines agences comme celle de Cotonou.

Pourquoi fermer Bobo ? Si on devait fermer Bobo-Dioulasso, on l’aurait fait depuis. Tout le monde sait que Bobo est une ligne déficitaire mais nous l’avons maintenue en essayant à un moment donné de procéder à quelques régulations de programme. Maintenant nous sommes à trois fréquences par semaine, ce qui n’est pas négligeable. Bon an mal an, nous totalisons pour toute l’année entre 3 000 et 3 200 passagers, ce qui n’est pas énorme. Pour tous les vols, on se retrouve avec 12 ou 15 passagers au maximum.

Ce n’est pas une ligne rentable, mais on la maintient et nous sommes en train de rechercher l’avion le plus adapté pour faire la liaison Ouaga-Bobo, même s’il le faut, deux fois par jour, c’est-à-dire une fois le matin, une fois le soir. Il nous faudra seulement trouver l’appareil adéquat car le Fokker coûte cher. D’abord c’est un avion de l’ancienne génération qui consomme beaucoup de carburant et sur les courtes distances nous perdons beaucoup d’argent. Mais qu’on se le dise, on ne fermera jamais Bobo.

Venons-en au cas de l’agence de Cotonou. Comment s’installent les compagnies ? Ici à Ouaga, hormis Air Ivoire, Air Algérie et Air France, toutes les autres compagnies sont en installation avec agence générale. Il y a donc soit l’installation autonome, soit celle générale et les formules sont décidées en fonction des résultats économiques. Autant nous allons, sur des points où nous sommes e n agence générale développer une installation autonome, autant sur certaines représentations, nous allons opter pour une autre formule.

Nous avons des représentations qui fonctionnent juste pour émettre en moyenne un billet et demi par jour utilisant un encadrement, soit un représentant et trois agents. Ce n’est pas rentable. On a donc conclu un accord avec une agence générale, mais on aura toujours un agent qui sera présent et qui supervisera le travail de l’agence générale. Il n’a jamais été question de fermeture d’agence ou quoi que ce soit. Du reste, à Cotonou nous aurons une agence plus belle que celle actuelle.

Quelle est la chance de survie des compagnies africaines qui naissent à tour de bras et entendent évoluer selon leur petite vision, alors qu’en Europe on vit pleinement l’ère des regroupements ?

Les résultats sont là. Toutes ces compagnies qui naissent, c’est comme l’habitat spontané. Ce sont des compagnies qui se créent avec l’idée de base que l’intercontinental est très lucratif et elle s’y lancent. Mais si on n’est pas dans la chambre de compensation IATA, si on n’a pas d’accord inter-line, on ne peut pas faire de l’intercontinental. On se casse tout simplement la gueule. C’est ce qui s’est passé pour toutes ces compagnies qui croient qu’avoir un avion suffit pour se lancer dans l’aérien.

Elles n’ont pas de trésorerie, elles n’ont pas de personnel, elles n’ont rien du tout. C’est pour toutes ces raisons que la préoccupation de notre Groupe pour Air Burkina a été la mise à niveau qui n’est pas encore terminée. En revenant aux compagnies spontanées, même si elles ne disparaissent pas, elles sont toujours en train de vivoter et laissent régulièrement leurs passagers en rade dans des aéroports. Tout cela, c’est de l’amateurisme et de l’improvisation.

Parallèlement à tout ça, nous, compagnies bien structurées avons très peu de chance de survie, si nous ne nous mettons pas en alliance. Nous militons pour cela tant au niveau du CPTA que du Conseil permanent. On pourrait former un pool pour négocier des contrats d’assistance à Paris par exemple. Plus on sera fort plus on rendra l’autre partie faible et on imposera notre loi. On peut également former des centrales d’achats pour négocier des contrats d’assurance ou des contrats d’achat de fuel.

Quelle place peut revendiquer aujourd’hui Air Burkina dans le ciel aérien sous-régional ?

Dans la sous-région Air Burkina a de plus en plus une bonne notoriété. Je le vois à travers les sondages que nous faisons et les contacts avec notre clientèle. Certes, comme toutes les autres compagnies, nous accusons quelques retards, nous avons quelques pannes, mais nous essayons de gérer cette situation au mieux. Nous n’avons pratiquement jamais annulé de vol même s’il nous est arrivé d’en reporter et d’affréter des avions quand nous avons des difficultés. Au niveau du périmètre régional, nous sommes une compagnie sérieuse.

Air Burkina est donc loin d’être la compagnie "Air peut-être", qualificatif peu glorieux dont l’affublent certains ...

Nous sommes réellement loin d’être "Air peut-être". Que ce soit sur le continental ou sur le régional, nos points forts sont notre ponctualité et notre régularité.

Financièrement parlant, que pèse aujourd’hui Air Burkina ?

Air Burkina vaut son capital de plus de 3 milliards F CFA et a une bonne image à préserver.

Il y a beaucoup de compagnies dans la sous-région. Qu’est-ce qui peut décider un voyageur à préférer Air Burkina aux autres ?

D’abord, le client est sûr de trouver son avion. Ensuite il va voyager confortablement et en toute sécurité. Et il aura le sourire en plus. Nous proposons peut-être le meilleur rapport qualité-prix.

Pouvez-vous nous donner un peu plus d’explications sur la panne que Air Burkina a eue le 10 février dernier ?

L’avion s’est envolé. Elle a fait une trentaine de minutes avant d’opérer un retour-piste. Pourquoi ? Parce qu’il y a eu de la fumée en cabine, une fumée qui provenait de la climatisation. Cela arrive comme toute pièce mécanique qui lâche. L’avion est donc revenu au sol. Nous avons fait le nécessaire pour le réparer. Les passagers ont été pris en charge. C’est vrai que cela a entraîné quelques perturbations au niveau du programme mais aujourd’hui tout va bien.

Quand on a une compagnie comme Air Burkina qui possède un Fokker et un A319, quand l’un des avions est immobilisé, ce sont 50% de ses moyens qui le sont, ce qui rend les choses encore plus difficiles à gérer. Après la panne du jeudi 10, dès le samedi 12 tout est rentré dans l’ordre. Je profite de l’occasion pour réitérer toutes mes excuses pour tous les désagréments qu’ont pu subir nos passagers. La situation est redevenue normale dès le samedi grâce au savoir-faire exceptionnel de nos techniciens qui sont à féliciter. Ils font un travail formidable. L’avion est revenu au sol le jeudi parce que nous trouvons inadmissible de laisser en service une machine qui traîne une petite panne car la sécurité et le confort de nos passagers comptent avant tout.

Pourquoi Air Burkina ne dispose-t-il que d’un Fokker et d’un A319 alors qu’au moment de la privatisation, il a été question de grossir la flotte par l’achat de nouveaux appareils ?

Je ne pense pas qu’on ait parlé d’achat d’avion. Il y a un développement à faire et il est en train de se faire. Il y a eu d’abord un premier Fokker que nous avons acheté mais que nous avons dû immobiliser pour des raisons de sécurité. Après, nous avons loué des avions. Malheureusement, ce n’était pas facile de trouver un Fokker. Dans l’urgence, on a loué des 737 et par la suite nous avons pu avoir la location de Fokker que nous avons libéré après avoir eu l’A319. La prochaine étape c’est de nous décider à garder ou pas le Fokker actuel qui est en toute propriété. Faut-il lui faire encore une visite pour qu’il redevienne presque neuf ou le remplacer ? Nous ferons le choix qui s’impose.

Les appareils de Air Burkina sont-ils régulièrement soumis aux contrôles et visites en vigueur ?

Nous avons la chance d’avoir une direction de l’Aviation civile au top. Elle est très stricte sur la réglémentation et nous avons une très bonne collaboration avec elle. Nous avons un atelier qui est agréé par l’aviation civile et cet agrément est renouvelé tous les ans, donc périodiquement. On ne peut pas avoir un agrément à vie. Il y a toujours des inspections. Le Fokker est suivi ici et l’A319 est suivi à Paris avec notre accompagnant. Pour les pièces de l’A319, nous sommes en pool technique avec Air France. Sur ce plan, nos passagers doivent être rassurés et prendre nos avions sans aucun souci.

Quelles sont les perspectives d’avenir pour Air Burkina ?

Les perspectives d’avenir se feront essentiellement dans le cadre de l’Alliance. J’espère que les documents de la nouvelle compagnie malienne seront signés très rapidement, si ce n’est déjà fait. Nous avançons également très bien avec nos amis d’Air Ivoire et je crois qu’à trois déjà on fera de très bonnes choses. Dans le cadre du développement, nous pensons également relier Marseille en France. Nous le projetons pour cet été mais nous restons très prudents. Nous envisageons aussi de mettre le cap sur l’Afrique Centrale, toujours dans le cadre de l’Alliance. Nous avons aussi des projets sur le Moyen Orient.

Cela peut être à moyen terme probablement avec une ligne qui pourrait regrouper les marchés de Bamako, Ouaga et Abidjan sur Dubaï par exemple. Nous avons des projets de développement dans la logique de l’Alliance et j’espère que toutes les compagnies que j’ai citées y adhéreront. L’Alliance reste aussi ouverte à toutes les autres compagnies.

Lentement mais sûrement, Air Burkina se posera-t-il un jour sur un aéroport des Etats-Unis ?

Les Etats-Unis, ce n’est pas à l’ordre du jour pour le moment. Peut-être qu’un jour ce le sera mais pour aller aux Etats-Unis il faudra déjà avoir un marché. Je suis cependant persuadé que Air Burkina ne pourra jamais y aller toute seul comme compagnie. On pourrait le faire avec South African Airways par exemple et avec un numéro de vol par Dakar sur les Etats-Unis. Là aussi, il faudrait qu’il y ait un marché. Et j’espère bien qu’un jour on pourrait partir à Pékin et même plus loin. Mais il faut être réaliste.

Presque tout le monde a peur de l’avion. En tant que directeur général d’une compagnie aérienne, vous arrive-t-il d’avoir peur étant dans l’avion ?

En tant que directeur d’une compagnie aérienne, en tant que quelqu’un qui évolue dans l’aérien depuis une trentaine d’années, je vous dis franchement que dans l’avion, je dors. Mais si quelqu’un vous dit qu’il n’a pas peur étant dans l’avion, c’est difficile de le croie. Cela peut ne pas être de la peur mais juste une petite angoisse qui disparaît rapidement. Il y a des gens qui ont vraiment peur et on a déjà vu beaucoup de réactions dans l’avion, comme des cas de claustrophobie ou autres. Il y a des gens qui ressentent cette petite angoisse rien qu’en prenant leur voiture le matin. Selon moi, le transport aérien, c’est le moyen le plus sûr qui puisse exister. Moi l’avion me berce et je dors.

Propos recueillis par Morin YAMONGBE
Le Pays

P.-S.

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