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Ablassé Ouédraogo, président de Le Faso Autrement : « Je me demande si Assimi Kouanda et tous les ténors du CDP ne sont pas devenus fous » (suite et fin)

Publié le jeudi 26 juin 2014 à 22h52min

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Ablassé Ouédraogo, président de Le Faso Autrement : « Je me demande si Assimi Kouanda et tous les ténors du CDP ne sont pas devenus fous »  (suite et fin)

Après la première partie de l’entretien avec Ablassé Ouédraogo, président du parti Le Faso Autrement, publiée hier 25 juin 2014, nous vous proposons la suite. C’est aussi la fin. Il aborde dans cette interview des questions d’actualité, l’affaire Nébié du nom du Juge membre du Conseil constitutionnel retrouvé mort le 24 mai dernier sur la route de Saponé et aussi la présidentielle de 2015. Dans son franc-parler, il ne manque pas de lancer des piques à ses adversaires politiques sur ceux du Congrès pour la démocratie et le progrès et au président du Faso, Blaise Compaoré, dont il a été le Ministre des Affaires étrangères pendant 5 ans (1994-1999). Lisez !

Le stade était de tout même plein au début…

Le stade a été rempli à un moment donné de la journée tout simplement parce qu’il y avait des chanteurs qui prestaient. Et là encore, pour aller au stade, on vous donnait un tee-shirt et la somme de 2000 FCFA. Tout cela pour un concert gratuit. C’est à la limite comme de la viande d’âne qu’on distribuait gratuitement. Le moment le plus important du meeting était celui des discours. C’est en ce moment que le stade s’est vidé. Au lieu de penser que c’est parce que les gens craignaient de ne pas avoir leurs bus, les dirigeants du CDP devaient plutôt comprendre que c’est parce que les messages n’intéressaient pas les populations. Ils en ont marre. C’est pour cela que je dis que si leur objectif est d’aller prêcher dans le vide et au vide, ils nous font perdre le temps.

Aussi, dans ce que j’ai lu, je remarque que le CDP est maintenant une « vache » comme l’a même souligné l’un des ténors du CDP. Si c’est le cas, est-ce que vous pensez que toute la population trouve son compte dans cela ? Tout cela me convainc que ces gens-là n’ont plus d’idée et ils devaient rendre le tablier et laisser le pays progresser dans la paix avec un nouveau souffle, une nouvelle dynamique et une nouvelle vision du développement. Nous ne voulons pas des comparaisons du genre le CDP est une vache et notre président est un berger. C’est vraiment très réducteur.

Les organisateurs du meeting ont dénoncé la présence d’infiltrés qui ont lancé une fausse alerte…

Ce sont les méthodes du CDP. Quand le CFOP a organisé son meeting le 31 mai dernier à Ouagadougou, j’étais d’ailleurs le coordonnateur général des activités, est-ce que les gens sont partis quand les leaders de l’Opposition parlaient bien qu’un soleil de plomb tapait sur eux ? Non ! Tout simplement parce que le peuple burkinabè est maintenant mûr. Il sait ce qu’il veut. On n’a pas besoin de payer quelqu’un pour aller écouter un message. Des astucieux ont eu l’imagination fertile de se présenter à plusieurs endroits et ont pris à plusieurs reprises l’argent qui était distribué. C’est un gaspillage qui ne se justifie pas. On n’a pas besoin de faire de la corruption le moteur de l’existence d’un parti qui a passé au tant d’années. C’est une honte pour le CDP que de continuer à garder les gens à cause de la misère sous l’emprise de l’argent. Au lieu de donner le poisson tous les jours, nous, les dirigeants consciencieux cherchons à apprendre aux populations à pêcher et à se nourrir tous les temps. Cette méthodologie du CDP doit s’arrêter. De toutes les façons, le mouvement vers l’alternance est en marche et novembre 2015 n’est plus loin. C’est seulement dans 17 mois.

L’Opposition a subi, le 14 juin dernier, son premier revers à Bobo. Comment avez-vous vécu cela ?

Bobo, contrairement à ce qui se dit, a été un succès. Le stade Sangoulé Lamizana compte quand même 35 000 places. La population de Bobo n’est pas aussi grande que celle de Ouagadougou. Et encore une fois, le stade était plein. Il y avait de la qualité chez ceux qui étaient venus écouter le message. L’important dans ces manifestations c’est bien sûr le message mais aussi l’impact. Ceux qui ont écouté le message vont le partager avec d’autres personnes. J’ai aussi remarqué que Bobo est encore plus déterminé que Ouaga pour aller vers le changement. Le message que nous avons passé consistait à dire non au référendum, à la modification de l’article 37, au pouvoir à vie. L’autre fait marquant est que le carton rouge sorti par Arba Diallo contre le joueur Blaise Compaoré se vendait comme de petits pains. Ce qui veut dire que les gens comprennent bien ce que l’Opposition et les autres partis politiques font sur le terrain.

Certains commentaires laissent croire que l’Opposition a changé son discours parlant maintenant d’appeler à voter NON s’il y a référendum…

Il y a plusieurs scenarii. Nous disons que si le référendum doit suivre le chemin normal, il devra respecter les articles 163 et 164 qui disent que le président du Faso, avant d’appeler le référendum doit obtenir l’appréciation du parlement. Mais un travail sera fait au niveau des parlementaires pour bloquer ce projet et tuer le poussin dans l’œuf. Ce qui ne laissera même pas une chance que le président convoque le référendum. Maintenant s’il veut faire ce qu’il ne faut pas en utilisant l’article 49 en fonction de ses prérogatives personnelles, c’est là que les choses peuvent basculer. Il en est conscient et tout le monde le sait. Nous sommes en République, nous avons une Constitution, nous demandons qu’elle soit respectée et soit appliquée dans son entièreté. Il n’y a donc pas de difficultés en cela. Tout le monde sait ce qu’il faut faire et ce qu’il faut éviter. J’aime à le dire que le sort du Burkina Faso est entre les mains des Burkinabè mais la clé de la paix sociale est entre les mains du président Compaoré. Et il le sait très bien, nous le savons, tous, aussi.

Pour avoir travaillé pendant longtemps avec le président du Faso. Pensez-vous qu’il va effectivement aller au référendum ?

Même avant de collaborer avec lui, on se connaissait. Si j’ai un souhait à formuler, c’est que le président du Faso, compte tenu de l’aspiration de son peuple à aller vers l’alternance et le changement, qu’il n’appelle pas à un référendum qui va modifier l’article 37. C’est là où le pays pourrait aller vers une situation difficile. C’est un souhait que je formule et j’espère qu’il le lira.

Mais maintenant le président du Faso est un grand homme, il est un stratège et il a aussi de la vision. Il aime et a beaucoup fait pour le pays. Je suis donc convaincu qu’il ne posera pas des actions qui feront basculer notre pays dans le chaos. Ce n’est pas l’homme que je connais qui va prendre cette décision. Mais il est un homme politique qui doit vivre avec son entourage, ses ouailles. Il doit s’occuper d’eux. Ce qui pourrait l’encourager à appeler au référendum. Ce qui est important, le temps passe et toute modification de la Constitution deviendra difficile bientôt.

Dans le paysage politique actuel, l’ADF/RDA fait office de faiseur de roi. Comment appréciez-vous la position du parti de l’Eléphant ?

Ce sont des amis politiques qui ont leur point de vue. Ils ne veulent pas de la modification de l’article 37. Ils disent aussi qu’en cas de référendum, ils battront campagne pour le NON. C’est leur position. Ils rejoignent l’Opposition sur la question de l’article 37. Nous, au niveau de l’opposition, refusons le référendum pour des raisons évidentes.

Primo, nous considérons que le référendum est une ineptie politique et un coup d’Etat constitutionnel. En tant que tel, le référendum est un facteur de division. C’est un facteur d’élargissement de la fracture sociale. Parce qu’avec le référendum, on ne peut pas avoir une solution définitive. Il y aura toujours deux bords alors que le Burkina n’a pas besoin de se diviser au tour d’une question qui ne concerne qu’une seule personne : le président Blaise Compaoré. Tous les 17 autres millions de citoyens ne sont pas concernés par la modification de l’article 37.

Nous disons aussi que c’est coûteux. Au moins 30 milliards FCFA à investir pour donner satisfaction à un seul individu, sur 17 millions de personnes. C’est grotesque, inacceptable. Ce n’est d’ailleurs pas utile pour le Burkina d’aller à un référendum maintenant parce que nous avons des priorités que sont entre autres la nourriture, l’eau, la santé, l’école, le logement, etc. Ce qui est plus grave pour notre pays, c’est que le référendum pour modifier l’article 37 est un coup d’Etat constitutionnel, lui même assimilable à un coup d’Etat militaire. Alors que modifier la Constitution pour garder le pouvoir n’est plus accepté par les institutions sous régionales, continentales ou même internationales. Le Burkina tombera dans l’isolement. Et ce sont encore les pauvres populations qui vont en partir parce que si on sait que 75% des financements de notre économie viennent de nos partenaires étrangers. Et si du jour au lendemain ces derniers nous disent que parce que nous sommes dans une situation inacceptable, ils arrêtent leur aide. Que fera le Burkina qui, plus, est un pays enclavé ? Nous voulons appeler la conscience de ceux qui gèrent actuellement le pays afin qu’ils comprennent que l’intérêt général doit être supérieur à l’intérêt particulier. En dehors des points de convergence avec l’ADF/RDA, à l’Opposition, nous ne voulons pas entendre parler de référendum parce que c’est inopportun, couteux et inutile.

Vous parlez de coup d’Etat alors que la Constitution n’interdit pas la révision de l’article 37. N’y a-t-il pas une contradiction ?

C’est la procédure qui fait qu’on tombe dans l’illégalité. Ce n’est pas que la Constitution interdit la modification de l’article 37. Si le président du Faso veut utiliser l’article 49, la prérogative personnelle, il faut que le sujet ne touche pas à la modification de la Constitution dans son ensemble. Alors que nous savons que si l’article 37 est modifié, c’est la Constitution qui est modifiée. Si c’était par exemple, un référendum pour demander au peuple s’il est pour ou contre la réduction du prix du maïs, personne ne s’en plaindrait puisque le référendum ne modifiera pas la Constitution.

Est-ce à dire que vous êtes pour un référendum qui ne toucherait pas à l’article 37 ?

Toutes les questions d’intérêt national peuvent être soumises à référendum. Mais comme si ce référendum concerne la Constitution, il faut utiliser les articles 163 et 164. C’est-à-dire obtenir d’abord l’appréciation du parlement. Et si le référendum ne touche pas la Constitution, il peut utiliser l’article 49 et s’adresser directement au peuple.

Allez-vous donner votre caution pour un référendum qui ne touche pas à la Constitution ?

Nous sommes pour l’intérêt général. Si les questions abordées ont une certaine importance pour toute la population, nous sommes concernés.

Vous aviez écrit dans la presse que la grosse erreur de Blaise Compaoré était le CCRP. Le maintenez-vous ?

Oui. C’est parce qu’il y a eu les conclusions du CCRP que nous sommes dans cette situation d’incertitude. Son existence n’était pas légale. Ce qui est pris comme conclusions n’avaient pas un caractère obligatoire. Malheureusement, le pouvoir s’est servi de ces conclusions pour faire ce qu’il a bien voulu notamment entre autres la tentative de mise en place du Sénat. Mais il est allé tout droit dans le mur puisque le Sénat n’a pas pu être mis en place.

Vous aviez également traité d’arnaques les mesures sociales du gouvernement. Mais on constate qu’elles ont fait des heureux…

Je ne condamne pas l’opérationnalisation de ces mesures. C’est plutôt la démarche pour y arriver qui me pose problème. C’est sur le budget 2014 qui est en cours d’exécution que le gouvernement entend prélèver les 114 milliards FCFA. Ce qui signifie que nous sommes en face d’un gouvernement qui manque de vision. Avec l’état de la Nation, ils auraient pu mettre dans le budget de l’Etat des lignes pour ces mesures sociales. En plus, cette révision budgétaire n’est même pas encore passée à l’appréciation de l’Assemblée nationale. Ce qui fait qu’on ne sait toujours pas les lignes sur lesquelles ils ont prélevé ces presque 200 milliards. C’est dangereux. Ils le font parce que nous sommes en précampagne et ils veulent montrer au peuple qu’ils s’occupent de lui. Mais nous estimons que les choses ne se font pas ainsi. Le développement consiste à prévoir sur le long terme. Comment rattraper ce qui avait prévu comme investissements et qui se retrouve aujourd’hui dans la casserole des mesures sociales ? Il ne faut pas être sorcier pour voir. Mais nous sommes confiants que le peuple saura marquer la différence.

Le médecin-légiste français, Stéphane Chochois, après l’autopsie sur le corps du juge Nébié, a conclu à une mort accidentelle. Quel commentaire faites-vous ?

Je suis ahuri et choqué par ce qui est arrivé à l’ambassadeur Salif Nébié. Je l’appelle ainsi parce que j’ai eu le bonheur et le plaisir de travailler avec Salif Nébié quand il était ambassadeur à Cuba et moi ministre des Affaires étrangères. Ce qui lui est arrivé est inacceptable. Personne ne peut accepter que dans un pays comme le nôtre qu’on vive ce qu’il a vécu. La justice s’est saisie du dossier. C’est déjà un pas et tous les Burkinabè attendent de voir que la lumière soit rapidement faite sur cette affaire.

Nous estimons, dans la gestion de cette affaire, que ce n’est pas Jeune Afrique qui aurait dû informer le Burkina du contenu de cette autopsie qui a été commanditée par les autorités de notre pays. Mais ce sont ces dernières qui auraient dû nous en informer.

J’espère que le Syndicat des magistrats et l’Ordre des médecins du Burkina Faso donneront les réactions appropriées à ce rapport du Dr Chochois. Car il ne faut pas être un expert en sécurité routière pour comprendre qu’il ne s’agit pas d’un accident de la circulation. Si on parle d’accident, il y a toujours des traces sur le sol. Mais je ne pense pas que quelqu’un en ait fait écho. Salif Nébié ne peut pas être mort comme cela. C’est pour cela que nous espérons que les autorités judiciaires prendront les dispositions appropriées pour que la vérité soit dite et pour que la justice soit faite. Le Burkina va vers des échéances importantes et si tout le monde doit vivre dans la peur, ce sera difficile. Nous souhaitons donc que ceux qui ont le devoir de clarifier ce dossier le fassent le plus rapidement possible pour que le peuple sache ce qui est arrivé à Nébié Salif. Il ne méritait pas de mourir comme cela.

On a l’impression que ce dossier est politique que judiciaire…

C’est le contexte qui l’impose. J’étais au cimetière de Gounghin pour son enterrement, et j’ai pu voir la colère de la population et tout le chahut dont ont fait objet le président du Conseil constitutionnel et ses collaborateurs. Si cette institution est ainsi mise à mal, cela indique que beaucoup de choses ne vont pas dans notre pays. Et nous avons le devoir d’assurer à notre peuple, la paix sociale, la justice, la sécurité. C’est la première responsabilité de ceux qui sont aux affaires. Qu’ils assument.

Lors du premier congrès de l’UPC, Mahama Sawadogo du CDP a été hué par la foule. Quel commentaire faites-vous sur cet incident ?

Le représentant du CDP a tout simplement été imprudent et provocateur. J’étais là. On l’a hué lorsqu’il a commencé à introduire dans son mot d’encouragement et de soutien au congrès la question du référendum. Est-ce à cet endroit qu’il fallait venir parler du référendum quand on représente le CDP ? Je pense qu’il a eu la réaction à laquelle il fallait s’y attendre.

Les congressistes ne s’attendaient pas à ce qu’il dise qu’il est contre le référendum ?

Il pouvait faire son discours sans parler du référendum. Vous êtes libre de parler ou de ne pas parler lorsque vous êtes invité au congrès d’un parti. Lorsque vous choisissez de parler, il faut éviter les sujets qui fâchent. On n’a pas besoin d’être expert en politique pour le savoir.

Certains observateurs s’inquiètent que les CCR ne soient une voie ouverte à une sorte de « milicisation » dans nos villes et campagnes ; avez-vous pris des dispositions pour éviter un tel dérapage ?

Encore une fois, il faut être clair. La mise en place des comités contre le référendum fait partie de la feuille de route que l’Opposition s’est donnée et qui a été présentée à la presse et au public le 15 mai dernier. C’est une forme d’action pour conscientiser davantage les Burkinabè dans leur lutte contre le référendum. Il n’y a rien au-delà de cet aspect. Si d’aventure, ceux d’en face devenaient un tant soit peu raisonnables et déclaraient qu’il n’y avait pas de référendum, tout ce que nous avons annoncé ce jour-là tombe de lui-même. Personne ne veut amener des perturbations ou des difficultés à notre pays. Mais c’est une forme de lutte. Et comme tout le monde est fatigué et aspire au changement, c’est pour cela que, à travers la mise en place des CCR, nous voulons que tous les Burkinabè comprennent que le référendum n’a pas sa place en ce moment au Burkina Faso. Surtout si c’est pour modifier l’article 37 et permettre la « monarchisation » du pouvoir.

La prochaine grande échéance du Burkina est la présidentielle de 2015. Serez-vous candidat ?

Pour tout homme politique qui aspire à apporter quelque chose à son peuple, la conquête du pouvoir devient l’étape ultime. Nous avons une belle occasion en novembre 2015. Le Faso Autrement présentera un candidat. Nous préparons un congrès qui va se tenir d’ici à la fin de l’année. Nous allons donc officialiser cette candidature parce que nous pensons que nous pouvons apporter un plus à ce qui se fait aujourd’hui compte tenu des atouts que nous avons entre nos mains. Nous serons donc candidat et l’officialisation se fera au cours du premier congrès du parti.

Propos recueillis par Jacques Théodore Balima et Oumar L Ouédraogo

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Ablassé Ouédraogo, président de Le Faso Autrement : « Je me demande si Assimi Kouanda et tous les ténors du CDP ne sont pas devenus fous »

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