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Mort du fils de Mandela : le vieil homme et le mal du siècle

Publié le jeudi 13 janvier 2005 à 07h14min

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Décidément ce Nelson Rolihlahla Mandela est un grand homme, même si tout le monde le savait déjà au regard de son parcours, voire de son envergure. Né le 18 juillet 1918, il est, à n’en pas douter, un être exceptionnel comme en voit rarement sous nos cieux, car il a eu l’occasion mille et une fois de nous le démontrer depuis sa sortie du bagne de Robben Island, au large du Cap, après 28 années de solitude.

En effet, emprisonné en 1962 et condamné à la détention à perpétuité en 1965 par le régime d’apartheid, Madiba, le plus célèbre et l’un des plus anciens prisonniers politiques, une fois libéré le 11 février 1990, pardonnera à ses bourreaux d’hier.

Il avait compris, lui, que sa mission était la réconciliation entre les différentes couleurs de la nation arc-en-ciel et qu’il fallait aussi bien libérer « l’opprimé » que « l’oppresseur » lui-même.

Tous ceux qui s’attendaient à ce que le premier président noir de l’Afrique du Sud (de mai 1994 à juillet 1999) organisât une chasse aux sorcières ou procédât à une « nuit des longs couteaux » à la sud-africaine ont donc été pour leurs frais.

Le prix Nobel de la Paix (en 1993) ne s’asseoira pas non plus sur un quelconque « article 37 » pour une présidence à vie. Après avoir tiré sa révérence au terme d’un mandat de 5 ans, Nelson Rolihlahla Mandela marquera son omniprésence sur plusieurs fronts sociaux. C’est ainsi que de nos jours, il consacre sa vie à la lutte contre le Sida, son dernier combat, qui est loin d’être le plus facile.

A ce titre, l’ancien président sud-africain a lancé il y a plus de 2 ans une vaste campagne baptisée 46 664, son ancien numéro de détenu, afin de recueillir des fonds pour lutter contre le mal du siècle et braquer les projecteurs sur la pandémie.

Et il y a de quoi, car dans son pays, un adulte sur cinq est touché par le VIH/Sida, soit l’un des taux les plus élevés du monde. Mais si on appréciait déjà l’ancien bagnard de Robben Island pour son engagement remarquable dans la lutte contre cette maladie, on ne savait pas qu’il pousserait l’élégance et le courage jusqu’à parler publiquement d’un drame familial qui relève quasiment du tabou en Afrique. Car ici plus qu’ailleurs c’est encore une maladie honteuse, et les malades souffrent autant du mal que de la stigmatisation dont ils sont victimes.

A 86 ans, Nelson Mandela a annoncé, en effet, le 6 janvier 2005 lors d’une conférence de presse dans le jardin de son domicile à Johannesburg, la mort de son fils, Makgatho Mandela, à 54 ans des suites du VIH/SIDA. Son courage est d’autant plus remarquable que le disparu était son dernier fils encore en vie de sa première épouse, Evelyn Mase.

Son autre fils étant mort dans un accident de la route en 1969, alors que le héros de la lutte anti-apartheid se trouvait en captivité. C’est donc un père meurtri qui a décidé de combattre et le Sida et le tabou entourant cette maladie.

« Depuis quelques temps déjà, je dis de parler publiquement du Sida et de ne pas le cacher. Le seul moyen de montrer qu’il s’agit d’une maladie normale, comme la tuberculose ou le cancer, est de dire ouvertement que quelqu’un est mort du Sida », a expliqué le premier président noir de l’Afrique du Sud.

Il ajoutera que cela était indispensable pour que les gens « cessent de voir le Sida comme une maladie réservée à ceux qui vont en enfer et non au paradis ».

Même si son fils n’est plus de ce monde, Nelson Mandela s’est souvenu qu’il devrait se préoccuper sérieusement de la vie de millions d’enfants sud-africains à préserver du Sida, mais aussi de les débarrasser du tabou et de la honte qui font que bon nombre de malades cachent leur maladie de crainte d’être rejetés par leur entourage, donc condamnés à mourir seuls.

L’acte du plus célèbre des Sud-Africains a été vivement salué par l’ensemble de ses concitoyens, dont Mangosuthu Buthelezi, un vétéran de la politique sud-africaine et chef du parti de la liberté, Inkatha (IFP), à base Zoulou. On se rappelle qu’en mai 2004, celui-ci avait lui aussi révélé que son fils âgé de 53 ans était mort du Sida.

Mandela est certes la deuxième personnalité en Afrique de Sud à faire une déclaration publique d’une telle importance sur le VIH/Sida, mais compte tenu du fait qu’il est un mastodonte, voire un monument, pas seulement pour les Sud-Africains, mais pour le monde entier, son cri du cœur n’a laissé personne indifférent.

Son acte est un signal fort adressé aux dirigeants de son pays, qui, généralement, sont dans la négation de la pandémie, avec des positions presque négativistes sur le sujet.

A la suite de Mandela, à qui le tour ? Au Burkina Faso, des personnalités sont-elles aussi capables ou prêtes à briser ce tabou qui hante infectés et affectés pour humaniser le VIH/SIDA et « chasser » l’interprétation honteuse et maléfique qui accable les personnes vivant avec le VIH/Sida ?

En attendant, au plan national, on peut déjà saluer Mamadou Sawadogo, infirmier de son état, qui a osé parler il y a quelques années de cela de sa séropositivité publiquement, notamment à la télévision.

Un acte de haute portée à l’époque, qui a permis à certains pyrrhoniens de se convaincre de l’existence de cette pandémie qui fait plus de mal que tous les « Tsunamis » du monde.

Cyr Payim Ouédraogo
Observateur Paalga

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