Il ne pouvait en être autrement quand on sait qu’il a eu ces derniers temps des mots durs contre Wade et que, par touches successives, il s’est positionné comme le candidat d’« alternative à l’alternance » avec son parti « Fekke ma ci bolé » (Je suis là, donc j’en fais partie, en wolof). La musique mènerait-elle à tout ? En tout cas, comme lui Michel Martelly a réussi l’exploit de se faire élire à la tête de l’Etat d’Haïti. Encore que là, le contexte fût tout autre.

C’est vrai que l’enfant de la Médina jouit d’une popularité sans faille chez lui et partout ailleurs. Il fait partie même des meilleurs artistes-musiciens au monde, et en plus, il est connu pour être un homme d’affaires. Il possède en effet un groupe de presse (radio, télé et journal) à Dakar et son journal, l’Observateur, est le quotidien le plus lu.

C’est donc dire qu’il a une machine médiatique sur laquelle il pourra s’appuyer pour mener sa campagne ; sans oublier qu’il dispose d’une assise financière qui peut lui permettre d’investir dans la politique. En outre, Youssou Ndour présente un nouveau visage sur la scène politique sénégalaise. Il s’adosse à une crédibilité et son grand cœur attire toujours des fans autour de lui.

Et même si cette candidature, qui a déjà fait le tour du monde, ne manquera pas, comme le cas Georges Weah au Liberia en 2005, de soulever les interrogations des plus sceptiques, elle va raviver l’espoir perdu chez certains Sénégalais qui envisageaient sombrement les joutes électorales prochaines. Au demeurant et hormis toute controverse pro et anti, la candidature de Youssou est une opportunité. Il y a aussi que la personnalité de l’homme a dépassé le monde musical, conquis celui des affaires et démontré tout son talent de manager et de rassembleur sur les plans interne et international.

Cependant, il ne faut pas se leurrer ; pour se présenter à cette élection, Youssou Ndour a un handicap de poids : le statut de non-diplômé de l’ambassadeur de bonne volonté de l’UNICEF risque de lui porter préjudice, surtout quand on sait que son Sénégal natal se considère comme la patrie des intellectuels africains. Les électeurs accepteront-ils en effet d’accorder leur suffrage à celui qui n’a pas fait d’études supérieures, même si l’école n’est pas le seul cadre de formation dans la vie ? Un autre aspect est que la politique est un sport très violent et qui n’est pas réservé aux enfants de chœur, particulièrement au Sénégal où il y a beaucoup de coups à prendre, au sens propre comme au figuré.

Il ne faut pas oublier qu’à l’occasion de ces joutes électorales, une vingtaine de candidats sont sur la ligne de départ ; ce qui ne fera en aucun cas le bonheur de l’opposition, dont Youssou Ndour se réclame. Le leader du mouvement citoyen Fekkee Ma Ci Bolé a donc annoncé la couleur. Qu’il se batte contre ce qu’il appelle la prise en otage du pays par les politiciens. C’est sûr qu’il risque gros dans cette jungle, car s’il fait un piètre score, cela pourrait rejaillir sur son aura et sa notoriété en serait écorchée. Qu’il s’arme de courage.

Kader Traoré

L’Bservateur Paalga